Dynamique des activités humaines en mer côtière

Littoral et zone côtière

Il est aujourd’hui communément admis que l’espace côtier englobe les territoires d’influence des milieux terrestres et marins . Les termes de « zone côtière » ou « littoral » sont employés indistinctement. Cependant le terme « littoral » est plus souvent utilisé lorsque l’espace s’assimile à un linéaire (définition restreinte) alors que le terme de « zone côtière », plus englobant, fait plutôt référence à une surface (définition large). Cette zone peut s’assimiler à un système au sein duquel les facteurs de changement agissent sur des sous-systèmes naturels et anthropiques interconnectés, conduisant à des interactions négatives ou positives d’ordre environnemental, social, culturel ou économique . Une fois admis le principe de la nécessaire association terre-mer au sein de l’espace côtier, la délimitation de l’étendue des zones d’influence de la terre sur la mer, et réciproquement, est particulièrement délicate et peut varier considérablement selon les approches et points de vue considérés. D’après l’OCDE, il s’agit d’une zone dont la géométrie varie en fonction de l’objectif de gestion qui est poursuivi : « On s’accorde à reconnaître que le terme « côtier » véhicule la notion d’interface terre/mer. Cet interface s’étend selon deux axes : l’un parallèle au rivage (axe littoral), l’autre perpendiculaire au rivage (axe terre / mer). La définition de l’axe terre/mer donne lieu à de nombreux débats. Par exemple, vers l’intérieur des terres, la zone côtière peut s’étendre à des bassins hydrographiques entiers ou simplement à la bande de terre située en bordure immédiate de la mer. Vers le large, elle peut s’étendre jusqu’à la limite du plateau continental ou à la zone économique exclusive d’un pays (…). Les limites de la zone côtière dépendent donc de l’objectif visé. Cette zone sera plus ou moins étendue vers le large ou vers l’intérieur des terres suivant le problème scientifique à résoudre et/ou l’objectif de gestion » (OCDE, 1993b).
L’objectif poursuivi par les organismes compétents sur la zone côtière consiste à définir un espace de gestion (Guichard, 1974). Dans la pratique, les décideurs sélectionnent généralement le cadre spatial le plus simple à gérer, à savoir les frontières administratives, alors que le plus souvent elles ne correspondent pas aux limites des systèmes naturels ou sociaux (Commission Européenne, 1999a). La Commission Européenne utilise le terme plus englobant de zone côtière qui est définie comme « une bande terrestre et marine dont la largeur varie en fonction de la configuration du milieu et des besoins d’aménagement » .

Bande côtière

Littoral et « mer côtière » ne sont devenus que très récemment objet de droit. La Convention des Nations Unies sur le droit de la mer1 du 10/12/1982 (en vigueur depuis le 16 novembre 1994) ne reconnaît que les eaux intérieures, la mer territoriale, la zone contiguë, la zone économique exclusive (ZEE) et la haute mer (figure 2) (Lucchini & Voelckel, 2000).
D’après cette convention, il est tentant de choisir la limite de la mer territoriale comme limite de la zone côtière en mer. Il est vrai que, replacée dans le cadre communautaire, et en considération de l’activité de pêche, le législateur confond souvent la mer côtière et les eaux territoriales. D’après Curtil (Curtil, 2001), «les caractères généraux du régime communautaire de la pêche ne plaident pas a priori pour la reconnaissance d’une spécificité de la pêche s’exerçant le long des côtes de l’Etat membre. La politique de conservation et de gestion des ressources de pêche conduit, en principe, à la fixation de « règles communes » sur une zone couvrant la totalité des eaux relevant de la souveraineté ou de la juridiction des Etats membres auxquelles ont « également » accès tous les navires battant pavillon d’un Etat de la Communauté Européenne. Cette politique a donc pour vocation de supprimer toute spécificité nationale. Pourtant, par certaines dispositions particulières, la Communauté Européenne tend, et de façon durable, à préciser au sein de l’espace maritime, le principe d’une « bande côtière » délimitée à l’intérieur de laquelle l’Etat membre se voit réinvesti de prérogatives déterminantes en matière de pêche ».
Ce sont précisément ces dispositions du droit communautaire qui suggèrent aujourd’hui l’existence d’un régime juridique spécifique de la pêche s’exerçant dans une « bande côtière » située le long des côtes de chaque Etat membre. Et il n’est pas surprenant que cette bande côtière ait un lien avec l’espace maritime placé sous la juridiction nationale impliquant l’exercice de la souveraineté de l’Etat, c’est-à-dire la mer territoriale. La France notamment a mis en œuvre ce régime dérogatoire spécifique pour l’ensemble de ses eaux territoriales soumises à l’application du droit communautaire de la pêche.
D’après la Commission Européenne, « il est courant, dans le domaine halieutique, de limiter la zone côtière aux eaux territoriales (…) sans pour autant que cette limite corresponde à une unité biologique ou de gestion bien individualisée ». La dénomination de « bande côtière » semble être alors la plus adaptée puisque l’espace marin concerné est constitué d’une bande de largeur constante (12 milles) par rapport soit à la côte, ou soit aux lignes de base. Il est alors possible de lui conférer un caractère opérationnel en fixant des limites précises .

Mer côtière

La méthodologie présentée dans le cadre de cette thèse s’applique à un espace marin que l’on a qualifié de « mer côtière ». Pourtant ce concept est ambigu et ne fait pas l’objet d’une définition précise et reconnue. Pourquoi donc privilégier le terme de « mer côtière » ?
La mer côtière constitue un concept émergeant en géographie qui caractérise un «objet géographique en construction» . Elle fait référence à un espace maritime bordant les côtes et constitue donc la frange marine de la zone côtière. Mais si cette notion revient souvent dans l’analyse et l’aménagement des littoraux et de leur marge marine, la mer côtière ne possède pas de limites précises, uniques et homogènes. Cette notion géographique n’est paradoxalement pas délimitée.
En fait, les approches et conceptions varient en fonction des disciplines (droit, économie, sociologie, biologie…) et selon les usages que l’on entend prendre en considération. Suivant la région ou la discipline considérée, l’étendue de la mer côtière est variable. Par exemple, en chimie marine, les limites de la mer côtière peuvent être assimilées aux limites d’influence des eaux fluviales ou aux limites du plateau continental.
Ce qui ne correspond pas forcément à la vision et à l’appréhension de la mer côtière d’un patron pêcheur pratiquant une pêche côtière artisanale très localisée.
L’approche géographique se veut fonctionnelle et vise à cerner la notion de « mer côtière » en s’intéressant aux usages anthropiques du territoire. Cette référence au territoire, à l’espace socialisé, renvoie implicitement à la distinction entre plusieurs types d’utilisation des mers côtières. Sa proximité avec la terre en fait le support de nombreuses activités spécifiquement côtières telles que des activités côtières « par nature »(baignade, aquaculture, loisirs nautiques…) et des activités côtières du point de vue juridique (pêche et navigation côtière qui conduisent toutes les deux à des limites très imprécises quant à l’étendue de la mer côtière… (cf encadré ci-après)). La mer côtière est aussi le passage obligé de l’ensemble des activités océaniques (navigation maritime, pêche hauturière…) et peut être utilisée comme réceptacle des rejets telluriques et de la pollution venant du large.

Les notions d’usage et d’activité

Les termes «usage» et « activité humaine » sont couramment et souvent utilisés indifféremment dans la littérature traitant de la gestion intégrée des zones côtières. Pourtant, ils recouvrent des notions différentes.
Selon Brunet , le terme usage comporte deux sens :  «Les principaux usages de l’espace, qui fondent les espaces géographiques, sont l’appropriation, l’exploitation, l’habitation, la communication et la gestion.» «L’importance de la complexité des pratiques spatiales a amené les sociétés à établir très tôt des usages du territoire, des lois d’usage et des droits d’usage qui ont longtemps été appliqués dans les sociétés agraires et pastorales. »
Les deux définitions ont en commun le fait qu’un usage apparaît comme « la manifestation spatiale d’une fonction » . Il constitue un mode d’utilisation du territoire qui génère un espace résultant d’un projet d’exploitation et/ou de gestion des ressources du milieu. Par exemple, l’exploitation des ressources minérales est un des usages de la mer côtière. De même que l’instauration de zones dédiées à la conservation peut être considérée comme tel.
A chaque usage du territoire6 correspond un ensemble d’activités humaines. D’après George & Verger, le terme « activité » désigne « les formes de participation à la production et d’impulsion de la production, activités professionnelles d’une population active, activités agricoles, industrielles, commerciales, culturelles d’une ville ou d’une région ». Il s’agit avant tout d’activités économiques qui visent à satisfaire les besoins par la production et l’échange de biens et de services. Appliqué à la mer côtière, il nous semble cohérent d’adopter une définition plus large qui peut concerner également des activités non productives de biens et de service (activités de loisir). Les exemples d’activités humaines en mer côtière sont nombreux. Dans le cas de l’usage « exploitation des ressources vivantes », les activités de pêche côtière comptent parmi les exemples les plus significatifs.

Table des matières

INTRODUCTION
PREMIERE PARTIE : CADRE GENERAL DE RECHERCHE
1 L’ESPACE DE REFERENCE
1-1 LITTORAL ET ZONE COTIERE
1-2 BANDE COTIERE
1-3 MER COTIERE
2 LES ACTIVITES HUMAINES EN MER COTIERE
2-1 LES NOTIONS D’USAGE ET D’ACTIVITE
2-2 DE NOMBREUSES ACTIVITES DANS UN MILIEU FRAGILE
2-2-1 Les impacts sur le milieu
2-2-2 Les conflits
3 LA GESTION INTEGREE DE LA ZONE COTIERE
3-1 LE CONCEPT DE GESTION INTEGREE DE LA ZONE COTIERE
3-1-1 Le cadre théorique : la démarche systémique
3-1-2 Application du principe d’intégration au système « zone côtière »
3-1-3 Définition de la Gestion Intégrée des Zones Côtières (GIZC)
3-2 UNE VOLONTE POLITIQUE GENERALE
3-2-1 Au niveau international
3-2-2 Au niveau européen
3-2-3 Au niveau national
3-3 LES DIFFICULTES DE MISE EN ŒUVRE PRATIQUE DE LA GIZC
3-4 LA NECESSAIRE PRISE EN COMPTE DES USAGES
4 MODELISATION DU DEROULEMENT DES ACTIVITES HUMAINES EN MER COTIERE
4-1 DEFINITIONS
4-2 LES PRINCIPALES APPROCHES DE MODELISATION
4-2-1 L’approche géosystémique
4-2-2 L’approche économiste
4-3 LA MODELISATION MULTI-AGENTS
4-4 LES SYSTEMES D’INFORMATION GEOGRAPHIQUE (SIG)
4-5 LES SIG COTIERS
4-5-1 Principaux intérêts
4-5-3 L’information de référence en zone côtière
4-5-5 Applications
4-6 LE COUPLAGE MODELES / SIG
5 CONCLUSION
DEUXIEME PARTIE : APPROCHE METHODOLOGIQUE 
1 LA PLATE-FORME DE MODELISATION DAHU 
1-1 LES PRINCIPES FONDATEURS
1-1-1 Placer l’Homme au cœur du système
1-1-2 Favoriser une approche globale
1-1-3 Favoriser une approche déterministe
1-2 LA DEMARCHE CONCEPTUELLE
1-2-1 Une étape indispensable
1-2-2 Principales caractéristiques
1-3 LA PHASE DE SIMULATION
1-4 UNE PLATE-FORME GENERIQUE BASEE SUR DES MODULES DISTINCTS
2 LA DEMARCHE CONCEPTUELLE (MODULE ACTIVITES MARINES) 
2-1 TYPOLOGIE DES ACTIVITES HUMAINES EN MER COTIERE
2-2 LES FILTRES SPATIO-TEMPORELS
2-2-1 Le filtre « contraintes environnementales »
2-2-2 Le filtre «contraintes réglementaires »
2-2-3 Le filtre « contraintes socio-économiques »
2-4 LE TERRITOIRE DE PRATIQUE POTENTIELLE
2-5 LE CALENDRIER DE PRATIQUE POTENTIELLE
2-6 LES STATISTIQUES
3 LE SIMULATEUR (MODULE ACTIVITES MARINES) 
3-1 PREPARATION DES DONNEES D’ENTREE (PRE-PROCESSEUR)
3-2 SIMULATION (PROCESSEUR)
3-3 EXPLOITATION DES RESULTATS AU SEIN D’UN SIG (POST-PROCESSEUR)
4 CONCLUSION 
TROISIEME PARTIE : APPLICATIONS EN MER D’IROISE 
1 CONTEXTE GENERAL 
1-1 UN ECOSYSTEME EXCEPTIONNEL FORTEMENT ANTHROPISE
1-2 LA NECESSITE D’UNE GESTION INTEGREE
1-2-1 Des autorités compétentes multiples
1-2-2 Les mesures de protection du milieu
1-2-3 Un projet de Parc National Marin
1-3 UN CONTEXTE SCIENTIFIQUE PORTEUR
1-3-1 L’Observatoire du Domaine Côtier
1-3-2 L’étude sur les activités humaines en mer d’Iroise (CEDEM / Ifremer)
1-3-3 Le SIG « Iroise »
2 DEMARCHE CONCEPTUELLE 
2-1 INVENTAIRE ET SELECTION D’ACTIVITES
2-3 LA PECHE PROFESSIONNELLE
2-3-1 Le cadre juridique
2-3-2 Les informations existantes : des difficultés statistiques
2-3-3 Fiches de synthèse
2-4 LA NAVIGATION MARITIME
2-4-1 Le cadre juridique
2-4-2 Les informations existantes
2-4-3 Fiche de synthèse
2-5 LES EXTRACTIONS DE MATERIAUX
2-5-1 Le cadre juridique
2-5-2 Fiches de synthèse
3 QUELQUES EXEMPLES DE SIMULATION 
3-1 ILLUSTRATION DU DEROULEMENT D’ACTIVITES
3-2 SCENARIOS « EVENEMENTIELS »
3-2-1 Naufrage
3-2-2 Eoliennes en mer
4 VALIDATION 
5 CONCLUSION 
CONCLUSION GENERALE 
BIBLIOGRAPHIE

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