Encore une route dans le Parc national d’El Kala

Encore une route dans le Parc national d’El Kala

Finalement, on aura fait exactement le contraire des objectifs fixés en 1983 au Parc national d’El Kala par son plan d’aménagement approuvé par la wilaya en 1984. C’est comme si chaque année on ajoutait une pelletée pour l’enterrer définitivement. Après le désastre de l’autoroute de 11,7 km qui débouche dans la nature tunisienne et sa rallonge de 16 autres kilomètres pour forcément la relier au poste frontalier d’El Aïoun ; après la trop large route, interdite aussi, qui balafre le littoral entre El Kala et la Vieille Calle et l’autre à l’est, non autorisée également, qui morcelle le maquis entre El Kala et la plage de la Messida, voilà que l’APC d’Om Teboul, qui cherche certainement à augmenter ses faibles ressources, ouvre avec une nouvelle route l’accès à la plage paradisiaque de Bou Tribicha, au nord du chef-lieu de cette commune. Le marché vient d’être attribué et les travaux vont commencer incessamment. Ceci, à l’insu même de l’administration du Parc national qui, dans son plan d’aménagement, a classé cette zone comme très sensible pour préserver précisément les conditions naturelles, notamment contre les dérangements. Il y a encore peu de temps, 25 ans, elle était l’une des dernières plages de notre littoral qui servait encore de lieu de ponte pour les tortues marines et de refuge pour le phoque moine. Des espèces phares et recherchées sur lesquelles s’étaient fondés les objectifs du développement du tourisme écologique assignés à la région. Pour ne pas avoir suffisamment et scientifiquement réfléchi à la gestion de sa fréquentation touristique, Bou Tribicha, de son vrai nom El Bahira, et son satellite El Aouinet vont connaître malheureusement le même sort que les voisines. Amoncellement d’ordures, défrichement, aménagements subreptices, dérangements… Bref , la panoplie complète pour la dégradation irréversible d’un site rémunérateur bien au-delà des maigres revenus de la location d’un été.

Le ministre des Travaux publics, M. Ghoul, a rencontré, mercredi,

les défenseurs du parc national d’El Kala à l’origine de la pétition et de la campagne nationale lancées le 17 juin contre le passage d’un tronçon de l’autoroute Est-Ouest par le parc national d’El Kala. L’entretien, qui a duré près d’une heure trente minutes, a permis aux deux parties d’aborder toutes les questions soulevées par la traversée du parc. Le ministre des Travaux publics avait déjà annoncé lundi dans nos colonnes que la réalisation de ce trajet du parc est différée, sans pour cela préciser les délais de ce report et les facteurs qui le conditionnent. Le ministre, qui a demandé à être convaincu en sa qualité de scientifique sensible aux problèmes de l’environnement et en sa qualité de ministre des Travaux publics, s’est, selon les scientifiques, montré particulièrement attentif aux préoccupations des écologistes. « Il a parfaitement saisi que c’est l’aire protégée en elle-même qui est menacée de disparition légale et statutaire et non pas seulement les milieux qui seront dégradés. Une disparition qui anéantira tout le système de défense législatif qui protège le patrimoine du parc. » Après avoir pris connaissance de l’inestimable valeur du patrimoine naturel, du fonctionnement très élaboré de l’outil de gestion des milieux que représente un parc national et de la législation algérienne en la matière, le ministre a déclaré que l’autoroute Est-Ouest est un ouvrage à l’échelle du continent, que son tracé a été avalisé en 1987 et confirmé en 1992 dans le cadre de l’UMA. Il en a la charge, mais, a-t-il ajouté, à la grande satisfaction de ses interlocuteurs, s’il faut revoir les choses pour sauver le parc national d’El Kala, cela sera fait. Les lois algériennes et ses engagements internationaux seront respectés indépendamment du temps ou de l’argent que cela nécessitera. Nous avons pris la décision de stopper l’autoroute et nous prenons l’engagement qu’elle ne passera pas le parc jusqu’à ce que soit dégagé, dans le cadre d’un observatoire et en acteurs responsables, l’itinéraire qui réponde le mieux aux exigences de cet important axe routier et de la protection dupatrimoine naturel national.

Pour les écologistes séduits par la capacité d’écoute du ministre, mais qui gardent la tête froide « en attendant la suite », les possibilités pour un autre itinéraire ne manquent pas. « Avec de l’imagination et en ne craignant pas d’innover, et ce n’est pas l’intelligence et la technologie en la matière qui font défaut, le tracé qui arrange tout le monde n’est plus qu’une histoire de calculs et de dessins. Nous avons été complètement rassurés lorsque le ministre a levé les trois obstacles que nous appréhendions le plus, c’est-à-dire les délais, les financements et l’éventualité d’un changement du point de jonction avec le tracé tunisien », nous ont-ils déclaré. Comme ont encore tenu à le souligner les naturalistes d’El Kala, il y a un gros problème de communication entre la base et le sommet de l’Etat. « Nous avons pu prendre la dimension de toutes les inepties qui peuvent être rapportées par les seuls canaux administratifs et les ravages que cela peut causer. Nous espérons que cette heureuse expérience citoyenne en faveur du parc national va encourager les pouvoirs publics à mieux s’ouvrir et écouter, à la manière de M. Ghoul, les diverses opinions et acteurs de la société. »

Cours gratuitTélécharger le document complet

Télécharger aussi :

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *