Environnement et évolution des bordures lacustres et lagunaires

Environnement et évolution des bordures lacustres et lagunaires

Cinématique et aménagement : la flèche littorale de Joal (Sénégal)

Le système lagunaire de Joal est bordé sur sa partie océanique par une flèche sableuse qui se développe sur environ 6 Km de long et 600 m de large. Malgré son exiguïté, cette flèche constitue le site d’une ville particulière avec une population qui a connu une croissance exponentielle. A l’aide de documents iconiques diversifiés, (cartes anciennes, photographies aériennes et images satellitaires), le comportement dynamique a été suivi. Il apparaît, en effet, que l’évolution n’est pas seulement dépendante des conditions hydrodynamiques. Tout compte fait, les résultats ne montrent pas une évolution linéaire. Cependant, la tendance globale révèle un allongement très important dont le déclenchement serait fortement conditionné par l’aménagement d’une route et la perturbation du fonctionnement lagunaire dans ses relations avec l’océan. En même temps, on observe une forte action érosive dans la partie médiane de la flèche. Ce site est la partie plus densément occupée par l’habitat et les autres activités notamment celles concernant la transformation artisanale des produits halieutiques. La forte évolution affectant la flèche sableuse a entraîné, comme une alerte, l’intervention des autorités locales. Ces dernières ont entrepris quelques actions sans procéder à des études préalables en vue d’une meilleure connaissance des phénomènes. Il semble clair qu’en milieu côtier on peut obtenir, à l’aide de documents facilement disponibles, des résultats significatifs qui permettent de formuler des recommandations utiles aux décideurs et à l’aménagement du territoire. 11.8.1. – Présentation La formation de la lagune de Joal (située en 16°45′-16°53′ W et 14°08′-14°13′ N, fig. 22) Environnement et évolution des bordures lacustres et lagunaires du Sénégal 177 Thiam M. Demba résulte des fluctuations du niveau marin tout au long du Quaternaire récent. Cette lagune comprend un chenal principal bordé d’une flèche sableuse qui s’appuie sur la pointe de Gaskel (avancée sableuse, figure 22) et se déploie sur environ 6 kilomètres de long. L’allure générale de la flèche donne l’image d’une incurvation. L’aménagement de la route bitumée a modifié la forme proximale de la flèche sableuse. Jusqu’à une période récente (1962) la flèche n’était pas complètement rattachée à la pointe Gaskel. En août – septembre, elle était généralement coupée par l’incursion des marées océaniques entraînant une communication entre la lagune et l’océan qui l’isolait comme un îlot, figure 20.

Documents et imagerie

Le suivi de l’évolution s’appuie sur l’analyse et l’interprétation de divers documents essentiellement composés de : cartes anciennes du Sénégal (1907) Feuille Nianing n’XIII, 1/100 000 Plan de lotissement de Joal 1917 Feuille Sénégal D-28-XIV, 1/100 000 (type 1922), éditée en 1924 Photographies aériennes : 1954, 1963, (1/50 000) Photo 1957 – Mission Mission ND-28-XIII-XV/600, 1978, (1/50 000) Mission JICA, mars 1989 (1/60 000) ; Mission 2000 Service Géographirte D’images satellitaires Landsat 1 MSS : du 16 avril 1973 (fausse couleur 4,5,7) du 23 novembre 1979 (MSS 7, n°220-050) du 06 décembre 1980 (fausse couleur 457, n°221-050). Des observations ont été effectuées à l’extrémité de la pointe de la flèche durant plusieurs mois (entre 1992 et 1995). Le suivi s’appuie sur des repères fixes à même le sol en vue d’une compréhension de l’évolution sur les deux côtés de la flèche, face à la mer – externe – et face à la lagune – interne. Environnement et évolution des bordures lacustres et lagunaires du Sénégal 178 Thiam Al. Demba Les contours de la flèche ont été dessinés sur des calques d’interprétation à partir des différentes sources iconiques. Ensuite, ils ont été ramenés à la même échelle. La prise en compte de chaque image s’est effectuée de manière critique à savoir s’il s’agit d’une image prise à marée basse ou à marée haute lorsque la précision est possible. Il faut mentionner que le milieu dont l’évolution est suivie est très sensible, lorsqu’on tient compte de la dynamique de la ligne de rivage même au cours de la journée FI Mais aussi, on note des différences liées, entre autres, à la nature des documents.

Résultats

Sur la carte de 1907 (fig.29.), la flèche mesurait environ 5400 m. A partir de l’avancée de la pointe de Gaskel, commence l’amorce de l’incurvation de la flèche, à la base de laquelle se développe une indentation de 75 mètres. La largeur maximale de la flèche dans sa partie médiane est de 700 m. Alors que son extrémité se présente en lame de couteau. Le document de 1924 (fig. 29.) montre une flèche dont la longueur est de 5350 mètres. Par rapport au document de 1907 la longueur de la flèche a diminué de 50 m. En progression linéaire on peut dire qu’elle a régressé en moyenne de 2,94 m par an en 17 ans d’intervalle. L’angle formé par l’accumulation des sédiments au sortir de la pointe Gaskel s’est accentué. Cependant, la pointe de la flèche est toujours effilée. Les témoignages enregistrés permettent de comprendre l’idée qu’ont les populations de cet aspect dynamique. Car lorsque l’érosion a affecté la longueur de la flèche, en même temps par l’ensablement, les hauts fonds protégeaient l’île de Joui de la forte incursion des courants dans le chenal de la lagune. — ‘amplitude moyenne de la marée à Djifère est de 63cm. Cette valeur est considérée comme maximum de la marge d’erreur. (In Diaw A. T, Thiam Id D 1992). Environnement et évolution des bordures lacustres et lagunaires du Sénégal 179 Thiam M. Demba 1927 marque une période d’érosion intense. La flèche de Sangomar située, plus au Sud, aurait été coupée par une vague ou onde de marée. Ce fait a été mentionné par A. Minot et restitué en témoignage par les populations de Palmarin et celles de Joal. Figure 28 – Etat de la flèche de Joal en 1958, Diaw A.T. & al. – 2001. La situation de 1963, (fig.29) a permis de calculer la longueur de la flèche qui fait 6050 m. Ce qui représente un allongement de 740 m en 40 ans (1924-1963). Par rapport à 1907, en 56 ans cela donne 650 mètres. Ce qui traduit un allongement de 11 m par an. On peut retenir que les années 60 marquent l’amorce d’un allongement qui ne se présente pas cependant d’une manière simplement linéaire dans le temps et dans l’espace. Cette considération commande le suivi de l’évolution de la flèche de manière transversale. Et la partie la plus sensible, du point de vue évolutif, est la médiane. Cela peut s’expliquer, entre autres raisons, par la morphologie de la flèche lagunaire. Cet aspect entre dans le fonctionnement bien compris des lagunes. Mais aussi, d’autres éléments, beaucoup plus complexes peuvent être évoqués même s’ils ne sont pas bien maîtrisés dans la compréhension dynamique du comportement de la flèche sableuse. Dernier aspect sur lequel il faut insister, c’est le site d’une ville en croissance rapide [78] . – — La partie médiane de la flèche a toujours été le site du port et le point de départ de l’extension de la ville. Environnement et évolution des bordures lacustres et lagunaires du Sénégal 180 Thiam M. Demba 1907 1924 PorntC Poiri Goskei Goske Joui • Jool • ou Fndinut 1954 1963 Pain te Po inRe Go sk r Go 1 out ‘ JO G • Joa•Fad out Poule Finie  »;,,t• 1973 P oi nte Go skel Foin te Joa1 Gas el AFO /- out’ 1978 411. a é Ftld1aU Y 1979 1980 r 1989 Gn skel Jo Fa Fa ut QI • Joa • Filiure 29 — Suivi de l’évolution de la flèche de Joal de 1907 à 1989 Thiam RD, :006 Environnement et évolution des bordures lacustres et lagunaires du Sénégal 181 Thiam M. Demba L’extrémité de la flèche suggère davantage une forme fortement mobile dans ce sens [l’image d’une « flèche décochée » employée ailleurs garde ici sa portée, (Thomas Y.F., Diaz),A.T. 1989)]. En effet, accrochée à la pointe Gaskel, la flèche décrit sa courbe tout en s’allongeant. Située à l’entrée de la lagune son évolution est fortement liée aux apports hydrologiques et sédimentaires du bras de Mama NGueth également dépendant de la marée. Ces eaux, qui pénètrent dans la lagune ou en sortent, commandent, d’une manière générale, la forme à l’extrémité de la pointe. Un des aspects le plus particulier et qui n’est pas bien compris est celui des apports d’amont qui semblent être négligés. Pourtant leur compréhension a une grande signification sédimentologique : exhaussement des fonds de la lagune et contribution à l’ensablement de l’entrée de la lagune. Les bancs sableux qui se développaient à l’entrée dormaient une configuration classique de la lagune de kal. Cette configuration a quelque peu changé. En considérant par une analyse assez poussée l’évolution d’ensemble de la flèche on peut trouver une relation entre l’érosion active au niveau de la partie centrale et l’émersion des bancs sableux lorsque les images considérées ont été prises lors de la marée basse. L’imagerie Landsat permet de noter des déformations liées à la dérive du satellite. Malgré tout, les mesures effectuées permettent de considérer que la flèche atteignait une longueur de 6100 m en 1973, fig.29. Partant de la pointe de Gaskel, les modifications enregistrées permettent de voir la forme angulaire plus obtuse de cette dernière. Dans la partie médiane de la flèche, l’érosion a attaqué la proéminence ou la convexité, y dessinant presque un angle droit. L’intervalle de temps (10 ans), a permis de voir un allongement de 100 m donnant une moyenne de 10 m par an. Quant à l’aspect transversal de l’érosion, il se signale par une avancée de la mer de 40 m. Alors que la forme de pointe est toujours restée identique. Cet état de fait ne témoigne pas de la stabilité quant à cette partie, mais bien de la singularité du dessin qui résulte des aspects hydrodynamiques abordés plus haut et qui commandent la morphologie à l’extrémité de la flèche.  

Table des matières

Introduction
1. Paysages et / ou / Environnement
2.Transformation des paysages et détection des impacts
3. Quelques aspects méthodologiques
4.Les contraintes et l’action des facteurs — agents
5.Environnement et changements : les mutations spatiales
6. La gestion en question
7.Aménagement
Première Partie : Propos liminaires – Les sites d’étude et leurs caractères
I. Les sites d’étude et leurs caractères
I.1. Les sites d’étude
Introduction
1.1.2. L’onomastique au service d’une analyse géographique
1.1.3. L’hydronymie
1.1.4. Fonctions cathartiques et sociales
1.2. Caractères et contextes
1.2.1. Le handicap du plat
1.2.2. La tectonique
1.2.3. Les façades littorales
1.2.3.1. La façade Nord
1.2.3.2. La façade Sud
1.2.4. Conclusion
1.3. Conclusion Première Partie
Deuxième Partie : Les systèmes lagunaires
Il. Les systèmes lagunaires
II.1. Introduction
11.2. Bases géomorphologiques et caractères

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