Ephestia kueniella (Zeller) un insecte holométabole

Présentation de l’insecte et cycle de développement 

Ephestia kueniella (Zeller) est un insecte holométabole, lépidoptère, de la famille des Pyralidés. C’est un insecte cosmopolite qui existe dans les régions tempérées, notamment la méditerranée. Elle se rencontre dans les silos à grains, les minoteries, les entrepôts… Communément appelé « mite de la farine » E.kuehniella est nuisible, provoquant des dégâts considérables essentiellement sur la farine (Doumandji-Mitiche, 1977), mais également sur les grains de céréales, la semoule, les flocons d’avoine, les biscuits, les pâtes alimentaires et exceptionnellement les fruits secs (raisin, figue, abricot). Ce lépidoptère est un nocturne ; durant le jour, il se tient au repos contre les murs ou caché dans la farine (Balachowsky,1972). C’est un matériel biologique commode de laboratoire et passe par quatre états de développement. L’insecte adulte mesure 15 à 25 mm d’envergure et 7,5 à 15 mm de longueur ; il a une petite tête globulaire et ses ailes antérieures sont grisâtres et satinées, alors que les ailes postérieures sont finement frangées et blanchâtres. La ponte débute juste après l’accouplement et la durée totale du cycle varie de 25 à 200 jours ( Balachowsky, 1972).
A maturité, la larve active, peut atteindre 15 à 20 mm de longueur. Une fois leur développement achevé, les chenilles quittent la source de nourriture et partent à la recherche d’un endroit propre pour se nymphoser à l’intérieur d’un cocon blanc soyeux : la chrysalide donnera des adultes après 8 à 12 jours. La longévité du papillon est de 14 jours. Une seule génération apparaît généralement tous les ans, mais dans des conditions de chaleur, les adultes seront présents tout au long de l’année qui verra défiler 4 à 6 générations.
L’élevage se fait dans des bocaux contenant de la farine et fermés avec du tulle. Les conditions optimales de développement sont une température de 27°C, une humidité relative de 80% et une photopériode de 14h de lumière (Payne, 1966). L’accouplement a lieu quelques heures après l’émergence. Après l’éclosion, ces œufs donnent naissance à des larves qui subissent un nombre variable de mues (5 à 8) selon Balachowsky (1972).

Insecticides et traitement 

Les effets de quatre agonistes des ecdystéroïdes à structure non stéroidale, le RH-5849, RH-5992, RH0345 et RH-2485 ont été testés afin de déterminer leur impact sur la reproduction d’Ephestia kuehniella après traitement des mâles.
Le RH-5849 ou Dibenzohylhydrazine : est le nom commun du 1, 2-dibenzoyl-1- test-butylhydrazine; sa formule empirique est : C18H20N2O2 et son poids moléculaire est de 260,40g. Le RH-5849 (prototype, Rohm & Haas, Spring House PA, USA), est le premier agoniste des ecdystéroides, constituant ainsi une nouvelle classe des benzohylhydrazines (Gadenne et al.,1990 ; Darvas et al.,1992 ; Muszynka-Pyrel et al.,1992 ; Tateishi et al.,1993 ; Smagghe & Degheele,1995 ). Il stimule la synthèse et l’incorporation du [C14] Glu Nac dans le tégument chez plusieurs espèces de lépidoptères. Il a été découvert en 1983. Le RH-5992 (nom commercial : Mimic ou Confirm, Dow AgroSciences, USA) ou Tébufénozide est le nom commun du N-tert-butyl-N’- (4 ethyl hydrazine-3-5-dimethyl-benzohylhydrazine) ; sa formule empirique est : C22H28N2O2 et son poids moléculaire est de 352,48g. Il interfère avec l’expression de certains gènes de la sécrétion cuticulaire (Retnakaran et al., 1995 ; Dhadhialla et al.,1998). Il est particulièrement active contre les lépidoptères (Chandler et al., 1992 ; Smagghe & Degheele,1994 ; Retnakaran et al.,1995). Il a été découvert en 1986.
Le RH-0345 (nom commercial :Mach, Dow AgroSciences, USA) ou halofénozide est le nom commun de N-tert-butyl-N’-(4 chloro enzohydrazide ; sa formule empirique est C18H19CLN2O2 et son poids moléculaire est de 330,81g. C’est un insecticide qui interfère avec le processus normal  de la mue, en mimant l’action de la 20E . Il a été découvert en 1988.
Le RH-2485 (nom commercial : Runner ou Intrepid, Dow AgroSciences, USA) ou méthoxyfénozide est le nom commun du N-tert-bentyl-N’-(3-méthoxy-o-tolwoyl)-3-5- xylohydrazide. Sa formule empirique est C22H28N2O3 et son poids moléculaire est de 368,47g. Il agit principalement par ingestion chez les larves de lépidoptères. Son effet a été observé in vivo sur le développement et la reproduction. Il perturbe également la croissance des ovocytes et la production d’ecdystéroides (Dhadhialla et al. ,2005). Il a été découvert en 1998.

Détermination du potentiel reproducteur 

Chaque femelle (non traitée) nouvellement émergée a été placée dans une boite en plastique transparente avec un mâle (témoin ou traité). L’accouplement survient peu de temps après l’émergence des papillons. Des paramètres du potentiel reproducteur ont été déterminés : la durée de la période de préoviposition : période (en jours) séparant l’émergence et le début de la ponte. la durée de la période d’oviposition : qui est la durée (en jours) de la ponte.
La fécondité des femelles : c’est-à-dire le nombre d’œufs déposés par femelle durant toute la période d’oviposition.
la viabilité des œufs : nombre d’œufs éclos parmi la totalité des œufs pondus par femelle. la durée du développement embryonnaire : déterminée par la durée (en jour) entre la ponte et l’éclosion de l’œuf.

Dosage des métabolites testiculaires 

L’extraction des différents métabolites (protéines, glucides et lipides) a été réalisée selon le procédé de Shibko et al., (1966) . Les testicules au nombre de 4 sont mis dans 500µl d’acide trichloroacétique (TCA), broyés et homogénéisés avec un broyeur à ultrasons (Sonifier B-30). Le broyat est ensuite centrifugé à 5000 tours/minutes pendant 10 minutes. Le surnageant I obtenu servira pour la quantification des glucides totaux (Duchateau & Florkin, 1959) ; au culot I est additionné un mélange éther/chloroforme (V/V). Une deuxième centrifugation (5000 tours /minutes pendant 20 minutes permettra de récupérer le surnageant II qui servira pour la quantification des lipides totaux selon la méthode de Goldsworthy et al. (1972) et le culot II servira pour la quantification des protéines totales après addition d’un ml d’une solution de soude selon Bradford (1976).
Dosage des protéines testiculaires : Les protéines ont été quantifiés selon la méthode de Bradford (1976) qui utilise le bleu brillant de Coomassie G250 (BBC) comme réactif et l’albumine de sérum de bœuf (BSA : 1mg/ml) comme standard. Le dosage a été effectué dans une fraction aliquote de 100µl d’extrait protéique de chaque échantillon additionnée de 4 ml de BBC. Après une agitation au vortex, une coloration bleue est révélée. La lecture des absorbances est réalisée à une longueur d’onde de 595 nm contre un blanc de gamme.
Dosage des glucides testiculaires : Les glucides testiculaires sont dosés selon Duchateau & Florkin (1959) qui utilise l’anthrone comme réactif et une solution mère de glucose comme standard (1g/l) qui donne un complexe vert dont l’intensité de la coloration est proportionnelle à la concentration des glucides. Le dosage a été effectué dans une fraction aliquote de 100µl. La lecture des absorbances est réalisée à 620 nm contre un blanc de gamme.
Dosage des lipides testiculaires : Les lipides ont été déterminés selon la méthode de Goldsworthy et al (1972) utilisant la vanilline comme réactif et une solution mère de lipides (2,5mg/ml) comme standard. Le dosage des lipides dans le testicule d’E kuehniella a été réalisé dans une fraction aliquote de 200µl. Les absorbances sont lues, après 30 minutes dans l’obscurité, à une longueur d’onde de 530 nm contre un blanc de gamme.

Impact des mimétiques de l’hormone de mue sur les événements potentiel reproducteur 

Chez les insectes, comme chez toutes les espèces vivantes, les femelles ont développé des stratégies afin de maximiser leur potentiel reproducteur, la probabilité que leur progéniture survive jusqu’à l’âge de la maturité sexuelle En effet, celles ci produisent un nombre restreint de gros gamètes, qui contiennent de bonnes quantités de réserves cytoplasmiques, conférant ainsi aux zygotes un avantage dans leur développement .
Quel que soit le groupe taxinomique, il est important que l’ovulation chez la femelle survienne en même temps que l’insémination par le mâle de façon à éviter la fécondation d’ovules trop âgés pouvant entraîner des désordres dans le développement du zygote, voire sa mort (Tarin et al., 2000). Ceci est aussi vrai concernant les spermatozoïdes, qui peuvent être trop âgés au moment de la fécondation (Tarin et al ., 2000). Dans les heures qui suivent la fin de l’accouplement, les spermatozoïdes quittent le spermatophore, logé dans la bourse copulatrice de la femelle et empruntent le conduit de la bourse pour se diriger vers la spermathèque où ils seront stockés jusqu’à la fertilisation des œufs (Marcotte, 2003).
Chez E. kuehniella, les étapes de la vitellogénèse s’effectuent pendant la vie nymphale. L’accouplement et la fécondation ont lieu pendant les 12 premières heures après l’exuviation adulte (période de préoviposition) et la période d’oviposition dure 3 à 4 jours .
Nos résultats montrent que le traitement des chrysalides mâles dés leur exuviation nymphale perturbe significativement la période de préoviposition, la fécondité, et la viabilité des œufs. Les durées d’oviposition et de développement embryonnaire ne semblent pas être significativement affectées par ces insecticides. Les effets sont différents d’une molécule à l’autre. Le RH-5849 a un effet traitement sur la période de préoviposition qu’il allonge et sur la fécondité et la viabilité qu’il réduit. Le RH-5992 augmente aussi la période de préoviposition et réduit la fécondité et n’a aucun effet sur la viabilité des œufs. Le RH-0345 réduit la viabilité des œufs et n’a aucun effet ni sur la période de préoviposition ni sur la fécondité. Le RH-2485 a un effet sur la fécondité et sur la viabilité des œufs qu’il réduit.

Impact des mimétiques de l’hormone de mue sur la production des ecdystéroides testiculaires 

Les ecdystéroides, sont des stérols poly hydroxylés présents, chez tous les insectes. Ils sont essentiels à chaque mue et à chaque changement morphologique qu’un insecte subit .
De nombreuses études réalisées sur divers ordres d’insectes ont démontré l’implication de l’HJ et de l’Ecdysone ainsi que certaines neurohormones dans le contrôle de la physiologie de la reproduction, la vitellogénèse, la spermatogenèse et le développement des glandes accessoires (Raikhel & Dhadialla, 1992 ; Bellès, 2005 ; Bellès & Maestro, 2005). Les ecdystéroïdes sont impliqués dans le contrôle de la réinitiation méiotique dans l’ovocyte (Yamashita & Suzuki, 1991), la synthèse de la vitellogénine, l’augmentation de la compétence des cellules folliculaire à incorporer cette protéine dans les ovocytes en développement (Ramaswamy et al., 1997), l’ovulation (Ruegg et al., 1992), la spermatogenèse (Alrubeai & Gorell, 1982), l’induction de la sclérotisation des œufs par la stimulation de la formation du chorion et l’inhibition de la production de l’HJ .
La quantification des ecdystéroides synthétisés par les testicules des mâles adultes d’E. kuehniella témoins et traités avec les quatre analogues de l’hormone de mue, RH-5849, RH-5992, RH-0345 et RH-2485 a été réalisée par un dosage enzymo-immunologique.
Les effets de ces quatre molécules, ont été envisagés in vivo sur le taux hormonal des testicules d’adultes d’E.kuehniella. Les données obtenus révèlent que le traitement des chrysalides mâles nouvellement exuviées est sans effet sur le profil hormonal testiculaire.
Contrairement à nos résultats, les travaux menés in vivo sur T. molitor par Soltani-Mazouni et al., (2004) ont révélé que le RH-0345 , le RH-5992 et le RH-5849 augmentent le taux des ecdystéroides ovariens chez les femelles adultes de T. molitor.
Toujours dans le même contexte et contrairement à nos résultats, le traitement des adultes de T. molitor avec différents agonistes des ecdystéroides (RH-5849 , RH-5992 et RH-0345) dés l’émergence adulte , diminue la production d’ecdystéroides par les ovaires de 2 et 4 jours correspondant au début et à la fin de la vitellogénèse avec un effet plus significatif enregistré avec le RH-5992 comparativement au RH-0345 et le RH-5849 (Boukachabia et al., 2003). Hami et al., (2005) et Soltani-Mazouni et al., (2012) ont montré que le traitement des chrysalides femelles par le RH-2485, le RH-0345 et RH-5992 augmente significativement le taux des ecdystéroïdes ovariens par rapport aux témoins.

Table des matières

1. Introduction 
2. Matériel et méthodes
2.1. Présentation de l’insecte et cycle de développement
2.2. Insecticides et traitement
2.3. Détermination du potentiel reproducteur
2.4. Morphométrie des œufs
2.5. Morphométrie du testicule
2.6. Techniques histologiques
2.7. Composition biochimique des testicules
2.7.1. Dosage des métabolites testiculaires
2.7.2. Dosage des acides nucléiques
2.7.3. Dosage des ecdystéroïdes
2.8. Analyse statistique des données
3. Résultats
3.1. Impact des mimétiques de l’hormone de mue sur les évènements du potentiel reproducteur
3.1.1. Impact des mimétiques de l’hormone de mue sur la période de préoviposition
3.1.2. Impact des mimétiques de l’hormone de mue sur la période d’oviposition
3.1.3. Impact des mimétiques de l’hormone de mue sur la fécondité
3.1.4. Impact des mimétiques de l’hormone de mue sur la viabilité
3.1.5. Impact des mimétiques de l’hormone de mue sur la durée de développement embryonnaire
3.2. Impact des mimétiques de l’hormone de mue sur la taille des œufs
3.3. Impact des mimétiques de l’hormone de mue sur le poids et la taille du testicule
3.3.1. Impact des mimétiques de l’hormone de mue sur le poids du testicule
3.3.2. Impact des mimétiques de l’hormone de mue sur la taille du testicule
3.4. Impact des mimétiques de l’hormone de mue sur la structure du testicule
3.5. Impact des mimétiques de l’hormone de mue sur la composition biochimique du testicule
3.5.1. Impact sur le taux des métabolites
3.5.2. Impact sur le taux des acides nucléiques
3.5.3. Impact sur le taux des ecdystéroides
4. Discussion 
4.1. Impact des mimétiques de l’hormone de mue sur les événements du potentiel reproducteur
4.2. Impact des mimétiques de l’hormone de mue sur la taille des œufs
4.3. Impact des mimétiques de l’hormone de mue sur le poids, la taille et la structure du testicule
4.4. Impact des mimétiques de l’hormone de mue sur la composition biochimique du testicule
4.4.1. Impact des mimétiques de l’hormone de mue sur les métabolites testiculaires
4.4.2. Impact des mimétiques de l’hormone de mue sur les acides nucléiques testiculaires
4.4.3. Impact des mimétiques de l’hormone de mue sur les ecdystéroides testiculaires
Conclusion et perspectives

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