Estimation de l’ampleur des flux financiers illicites liés aux exportations de produits extractifs de l’Afrique

Estimation de l’ampleur des flux financiers illicites liés aux exportations de produits extractifs de l’Afrique

Mesurer les FFI liés au commerce en Afrique est essentiel pour les combattre. Dans le présent rapport, soucieux d’aider les décideurs à définir leurs priorités et à concevoir des politiques adaptées pour faire face à ce phénomène, nous nous sommes attachés à affiner les méthodes d’estimation et de classification des FFI liés au commerce, sans pour autant aller au fond des débats récents sur la méthodologie. Nous sommes partis du postulat que, même en se fondant sur les estimations les plus prudentes, l’ampleur des FFI liés aux exportations de produits extractifs des pays africains est très préoccupante. Il est crucial de disposer d’estimations fiables pour endiguer les FFI et définir des politiques réfléchies pour y faire face. Comme il ressort du cadre conceptuel du présent rapport, exposé dans le chapitre 1, la fausse facturation est une source majeure de flux illicites transfrontières de valeur. Dans ce chapitre nous procédons à une estimation de l’ampleur de la fausse facturation en appliquant la méthode qui consiste à calculer les écarts entre les données miroir du commerce bilatéral (total et pour certains groupes de produits) des pays, ce à partir des statistiques officielles du commerce des pays africains. Dans ce chapitre sont en outre cernés et analysés les facteurs propres à chaque pays expliquant les anomalies statistiques observées dans l’enregistrement du commerce et les branches du secteur extractif à risque élevé de générer des flux sortants illicites. Les estimations figurant dans ce chapitre permettent d’établir qu’en Afrique la sous-facturation des exportations est la principale source de flux sortants illicites. Dans ce chapitre nous analysons en outre les facteurs d’ordre logistique et statistique auxquels sont en partie imputables les écarts constatés dans les statistiques croisées du commerce bilatéral des pays et leur lien avec les pratiques actuelles en matière d’enregistrement du commerce. On y trouve en outre des études de cas illustrant les interrelations complexes entre diverses activités illicites génératrices de flux sortants liés au commerce. En conclusion, nous avançons que la méthode de l’écart entre les données miroir du commerce bilatéral est un outil susceptible d’aider grandement à déterminer quels produits sont des sources potentielles de flux sortants illicites liés au commerce, ainsi qu’à alerter les pays sur les graves anomalies dans l’enregistrement des statistiques du commerce.

Quantifier les pertes : problèmes méthodologiques soulevés par l’estimation des flux financiers illicites

Les études empiriques consacrées à la quantification des FFI reposent en général sur l’une des trois méthodes suivantes  : a)  la méthode de l’écart entre les données miroir du commerce bilatéral14 ; b) la méthode résiduelle de la balance des paiements ; c)  la  méthode du filtre des prix. Employée dans ce chapitre, la première consiste à comparer la valeur déclarée des exportations d’un pays A vers un pays B à la valeur déclarée des importations du pays B en provenance de ce pays A et, après ajustements, à induire le montant de la fausse facturation dans le commerce international à partir de l’écart calculé entre ces statistiques miroir. Cette méthode fait appel aux statistiques miroir que permet d’établir le double enregistrement des statistiques du commerce Dans la méthode résiduelle, qui sert à évaluer l’ampleur de la fuite des capitaux15, les FFI sont traités comme des sorties de capitaux non enregistrées et mesurés à l’aune du résidu de la balance des paiements, après corrections pour tenir compte de la sous-déclaration des emprunts extérieurs et des écarts entre les données miroir du commerce bilatéral. Les termes « fuite des capitaux » et « flux financiers illicites » sont parfois employés l’un pour l’autre alors que ces concepts sont très différents. En fonction de la définition retenue, la fuite des capitaux peut être illicite, mais tous les FFI ne relèvent pas de la fuite des capitaux (par exemple, les flux issus de la contrebande). L’illicéité de la fuite de capitaux peut tenir au fait que les capitaux en cause ont été illégalement acquis, transférés ou détenus à l’étranger ou à la combinaison des trois. Sont illicites les capitaux ayant pour origine le détournement de fonds, la corruption, l’extorsion, la fraude fiscale et diverses activités criminelles. Les fortunes ainsi acquises sont bien souvent transférées clandestinement à l’étranger pour échapper à tout contrôle de la légalité de leur origine. Sur le plan conceptuel, les FFI englobent la fuite des capitaux, mais aussi le produit de la vente de biens importés en contrebande, le produit du trafic illicite de drogues et d’autres produits de contrebande et les sorties de fonds acquis illégalement qui ont été blanchis dans le pays avant d’être transférés à l’étranger par des circuits officiels. Ces fonds sont d’origine illicite sans pour autant relever de la fuite de capitaux car après blanchiment ils sont comptabilisés dans la balance des paiements (Ndikumana et al., 2014).

 

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