Étude de la non détectabilité de la souche de Legionella pneumophila Sequence Type 47 pulsotype Lorraine dans l’environnement

Étude de la non détectabilité de la souche de Legionella pneumophila Sequence Type 47 pulsotype Lorraine dans l’environnement

Rappels sur Legionella et la légionellose

Durant l’été 1976 à Philadelphie, une épidémie de pneumonie a impliqué 182 personnes dont 29 morts et a fait les titres de la presse américaine (Figure 1). Tous les cas répertoriés avaient fréquenté l’hôtel Bellevue-Stratford et étaient majoritairement des anciens combattants (ou membres de leur famille) présents au 58ème congrès de la légion de l’Etat de Pennsylvanie (15). Figure 1. Couvertures du Time et de Newsweek – Août 1976 (Source : CDC) En décembre 1976, la bactérie responsable a été mise en évidence par le microbiologiste Joseph McDade, spécialiste des rickettsies (16). En janvier 1977, le CDC (centers for disease control and prevention) annonçait la découverte d’une nouvelle bactérie Legionella pneumophila dont le nom faisait référence aux victimes de l’épidémie. Bien que le système de climatisation de l’hôtel où résidaient les congressistes ait été suspecté dans cette épidémie, ce n’est qu’en 1982 que la microbiologiste Janet E. Stout du Pittsburgh Veterans Affairs Medical Center a mis en évidence la bactérie dans les flaques d’eau, et par la suite dans les systèmes de distribution d’eau des immeubles (17,18).

Le genre Legionella

Le genre Legionella a été ainsi défini et correspond à des bacilles aérobies à Gram négatif (cette coloration restant très faible), intracellulaires facultatifs, non capsulés et non sporulants, mobiles par un ou plusieurs flagelles en position polaire ou latérale. 

Taxonomie

Après l’isolement de la bactérie responsable de la maladie des légionnaires, les analyses phénotypiques et génotypiques ont abouti à la création de l’ordre des Légionellales et la famille des Legionellaceae. Bien que certains auteurs aient ensuite proposé de diviser la famille en trois genres distincts (19), Legionella, Fluoribacter et Tatlocki, en raison de la difficulté d’interprétation des données de l’hybridation ADN-ADN, seul le genre Legionella a été maintenu. Sur la base des séquences de l’ARN (acide ribonucléique) ribosomal 16S, le genre Legionella est proche des genres Coxiella et Wolbachia également membres de la sous-classe γ-2 des protéobactéries de Woese (20). Il regroupe plus de 60 espèces et sousespèces et plus de 70 sérogroupes (21) (Tableau 1). Les espèces nouvellement identifiées sont L. impletisoli et L. yabuuchiae en 2007 (22), L. dresdenensis en 2010 (23), L. cardiaca, L. massiliensis, L. tunisiensis, L. nagasakiensis, L. steelei en 2012 (24–27) , et L. norrlandica en 2015 (28). Une trentaine d’espèces de Legionella a été isolée en pathologie humaine. Parmi elles, L. pneumophila sg 1 est rapportée dans 85 à 90% des cas pour lesquels une souche a été isolée en Europe et aux Etats-Unis (29,30). 

Caractéristiques génomiques

En 2004, les premières séquences génomiques complètes des souches Paris, Lens (31), et Philadelphia (32) de L .pneumophila sg1 ont été publiées. Depuis, d’autres souches, Corby (33), 130b (34), Alcoy (35), Lorraine et HL 0604 1035 (36) ont également été séquencées. Plus récemment, les génomes de souches d’autres sérogroupes (4, 6 et 12) ont été décrits (37–39) . Parallèlement, depuis 2010, les génomes d’autres espèces telles que L. longbeachae, L. oakridgensis, L. micdadei, L.hackeliae et L. fallonnii ont été analysés en détail (40–42).L’équipe de Carmen Buchrieser a comparé les séquences génomiques complètes de différentes espèces de Legionella (36,42). Ces génomes sont composés d’un seul chromosome circulaire et présentent entre 0 et 2 plamides. Le génome des souches de L. pneumophila a une taille d’environ 3,5 Mb (millions de paires de base), de même que ceux de L. hackeliae et L. micdadei. Les génomes de L. fallonii et L. longbeachae sont plus grands puisqu’ils atteignent plus de 4 Mb. Le contenu en Guanine + Cytosine (G+C%) semble très homogène au sein du genre Legionella puisqu’il est d’environ 39%. Par ailleurs, l’ordre des gènes est relativement bien conservé néanmoins il subsiste des zones de plasticité (ilots de pathogenicité, gènes de mobilité). Le nombre de gènes varie de 3 000 à 3 700 selon les espèces (Tableau 2).

Habitat

Les légionelles colonisent de façon ubiquitaire de très nombreux milieux hydriques naturels: eaux douces de surface (46), eaux thermales (47), sols humides (48), etc. La bactérie peut également coloniser des sites hydriques artificiels lorsque les conditions de son développement sont réunies et peut ainsi proliférer dans différentes installations à risque du fait de la production potentielle d’aérosols telles que les réseaux d’eaux chaudes sanitaires (ECS), les tours aéroréfrigérantes (TAR) et d’autres installations génératrices d’aérosols. Nous détaillerons plus loin ces différents réservoirs et la détection des légionelles dans ceuxci. L’un des paramètres qui influe fortement sur le développement des légionelles dans l’eau est la température. Leur croissance est effective entre 20 et 50°C, avec une multiplication préférentielle entre 25 et 45°C et un optimum à 35°C (49). Au-delà de 50°C, leur croissance est limitée. Elles ne prolifèrent pas et elles sont détruites au-delà de 60°. Quant au pH, bien que la bactérie tolère une large gamme de pH (5,5 – 8,5), son pH optimal de croissance est 22 de 6,9 (50). Par ailleurs, d’autres facteurs favorisent son développement dans les matrices hydriques artificielles : les bras morts et les boucles entraînant la stagnation de l’eau, une eau dure, la présence de tartre, la corrosion mais aussi la présence de résidus métalliques tels que le fer et le zinc, et la présence d’amibes libres (49,51–53).

Cycle réplicatif au sein des amibes libres et des protozoaires ciliés

Plus d’une vingtaine d’espèces d’amibes libres et de protozoaires ciliés permettent la survie et la multiplication de Legionella. Les genres amibiens Acanthamoeba, Hartmannella et Naegleria sont les plus fréquemment associés aux légionelles contaminant les réseaux d’eau, et particulièrement à L. pneumophila (54–56). Il s’agit d’un phénomène d’endoparasitisme décrit initialement par Robowtham en 1980 (57). Les légionelles, pour survivre, pénètrent dans ces micro-organismes eucaryotes soit par encerclement de couches successives d’un seul pseudopode, phénomène appelé « coiling phagocytosis » (Figure 3), soit par phagocytose classique à 2 pseudopodes. Figure 3. Internalisation de L. pneumophila par Acanthamoeba castellanii par « coiling phagocytosis » après 30 minutes de co-incubation (58) Une fois internalisées, elles sont ensuite capables de détourner les systèmes de destruction habituellement mis en place par ces hôtes pour digérer les bactéries, grâce à leur principal système de virulence, le système de sécrétion de type IV ou Dot/Icm (defective for organelle traffiking / intracellular multiplication), puis se multiplient dans des vacuoles. Après 36 à 48 23 heures d’infection, la vacuole de phagocytose emplit la quasi-totalité de la cellule hôte et contient un nombre important de bactéries qui vont être libérées dans l’environnement sous forme d’une vésicule remplie de légionelles, ou sous forme libre par lyse de l’amibe. Les légionelles vont ainsi pouvoir de nouveau coloniser des biofilms, infecter d’autres amibes ou contaminer l’homme (Figure 4). Figure 4. Cycle réplicatif des légionelles (59) Au cours de ce cycle de multiplication intra-amibienne, les légionelles vont alterner entre une forme réplicative en début de cycle, et une forme transmissive, où les légionelles sont libérées sous forme de vésicules infectieuses et pourraient donc représenter la forme vectrice de l’infection à légionelles (60). Par ailleurs, les légionelles issues d’une multiplication intracellulaire ont été décrites comme plus virulentes pour la réinfection de cellules hôtes en comparaison à des bactéries cultivées sur milieux gélosés. Ainsi, étant leur hôte naturel, les amibes libres confèrent une excellente protection aux légionelles et leur permettent de résister davantage à des conditions environnementales difficiles telles que : températures extrêmes, dessiccation, biocides, désinfectants. Ceci constitue ainsi un moyen de (re)colonisation rapide des réseaux d’eau (54). De plus, les amibes permettraient la reviviscence de souches de légionelles toujours viables mais non cultivables (état dit VBNC), comme l’ont montré les travaux de Steinert et al. et Dusserre et al. (61,62).

Contamination chez l’homme

Alors que les protozoaires constituent les hôtes naturels pour les légionelles, l’infection des cellules phagocytaires humaines demeure opportuniste. Néanmoins, le mécanisme d’infection des cellules phagocytaires humaines, et notamment des macrophages pulmonaires, apparait comme tout à fait superposable à celui des amibes (Figure 5). La contamination des alvéoles pulmonaires et l’infection des macrophages alvéolaires et des pneumocytes par les bactéries ne sont complètement démontrées que par l’inhalation d’aérosols contaminés. La présence de légionelles dans l’eau n’est pas une condition suffisante pour provoquer la maladie. Les trois facteurs suivants doivent au moins être réunis : – contamination de l’eau par des Legionella pathogènes (aucune relation dose-effet n’a été quantifiée), – aérosolisation sous forme de gouttelettes de taille inférieure à 5 μm aérosols contaminés par Legionella, – exposition de personnes et en particulier de personnes réceptives à l’infection (inhalation de micro-gouttelettes d’eau contaminée dans les poumons) dans l’environnement d’une installation contaminée. Cependant, la possibilité d’une colonisation oropharyngée, notamment chez les sujets immunodéprimés, est parfois discutée (63,64). Enfin, aucun cas de transmission interhumaine n’a été rapporté ce qui ne justifie aucun isolement respiratoire pour les patients infectés.

Table des matières

INTRODUCTION
SYNTHESE BIBLIOGRAPHIQUE
1 Rappels sur Legionella et la légionellose
1.1 Le genre Legionella
1.1.1 Taxonomie
1.1.2 Caractéristiques génomiques
1.1.3 Habitat
1.1.4 Cycle réplicatif au sein des amibes libres et des protozoaires ciliés
1.1.5 Contamination chez l’homme
1.2 Principales caractéristiques clinico-épidémiologiques des légionelloses
1.2.1 Présentation clinique de la légionellose ou maladie des légionnaires
1.2.2 Mortalité des légionelloses
1.2.3 Système de surveillance de la légionellose en France
1.2.3.1 Le signalement (article R.3113-4 du code de la santé publique)
1.2.3.2 La notification (article R.3113-1 à 3 du code de la santé publique)
1.2.3.3 Participation au réseau de surveillance européen
1.2.4 Définitions des cas de légionellose en France
1.2.4.1 Cas confirmé et cas probable
1.2.4.2 Cas nosocomial ou cas associé aux soins
1.2.4.3 Cas groupés
1.2.5 Facteurs de risque individuels
1.2.6 Incidence de la légionellose en France
2 Identification et détection des légionelles dans l’environnement
2.1 Méthodes d’identification et de détection
2.1.1 Culture
2.1.2 PCR
2.2 Typage moléculaire des souches
2.2.1 Méthode phénotypique
2.2.2 Méthodes génotypiques
2.2.2.1 Electrophorèse en champ pulsé
2.2.2.2 Sequence Based Typing
3 Réservoirs environnementaux des légionelles
3.1 Ecosystèmes naturels
3.1.1 Eaux douces
3.1.1.1 Les eaux de surface et eaux souterraines
3.1.1.2 Sources d’eau chaude / eaux thermales
3.1.1.3 Flaques d’eau / eaux de pluie
3.1.1.4 Eaux salées
3.1.1.5 Sols
3.2 Ecosystèmes artificiels
3.2.1 Tours aéro-réfrigérantes
3.2.2 Spa, Jacuzzi
3.2.3 Terreaux, composts
3.2.4 Fontaines décoratives
3.2.5 Usines de retraitement de déchets
3.2.6 Brumisateurs / Humidificateurs d’air
3.2.7 Machines à glace
3.2.8 Climatisations
3.2.9 Fauteuils dentaires
4 Caractéristiques des souches ST47
4.1 Typage moléculaire .
4.2 Réservoirs environnementaux
4.3 Génome
4.4 Place de la souche ST47 dans la légionellose
TRAVAIL EXPERIMENTAL
1 Introduction
2 Effet des traitements pré-analytiques et du milieu de culture sur la cultivabilité de la souche Lorraine
2.1 Effet des traitements pré-analytiques
2.1.1 Matériels et méthode de la première étude
2.1.2 Résultats de la première étude
2.1.2.1 Conditions n°1 : eau stérile + milieu GVPC, tous inoculums
2.1.2.2 Conditions n°2 : Ringer + milieu GVPC, tout inoculums
2.1.2.3 Conditions n°3 : eau stérile + souches de référence, milieu BCYE ou GVPC, tous inoculum
2.1.3 Objectifs, matériels et méthode de la seconde étude .
2.1.4 Résultats de la seconde étude
2.2 Effet du milieu GVPC
3 Mise au point d’un outil de détection spécifique de la souche Lorraine ST47 de Legionella pneumophila
4 Existence d’autres sources de contamination
5 Discussion, conclusion et perspectives
BIBLIOGRAPHIE
ANNEXES

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