Modification des modèles de turbulence et de transition
Quand on regarde les différentes équations présentes dans le modèle de turbulence k − ω de Menter avec la correction SST ainsi que dans le critère de transition γ − Rθt de Menter Langtry, on se rend compte qu’il y a deux sources de non différentiabilité. La première est constituée des fonctions min et max présentes à de nombreux endroits (par exemple dans la relation (3.85)). La seconde est la corrélation proposée par Langtry donnant le Reynolds de transition en fonction du taux de turbulence et du gradient de pression extérieur (voir la relation (3.102)). Cette fonction est définie par morceaux et n’est pas continument dérivable au niveau des raccords.
Ces fonctions ont toutefois la particularité d’être dérivables partout sauf en un point. L’idée qui est proposée ici est de garder les fonctions initiales sur une grande partie du domaine de définition et de modifier la fonction uniquement proche du point de discontinuité de la dérivée. La taille de ce voisinage est un paramètre qui fait l’objet d’une étude particulière. On présentera d’abord comment on traite les fonctions min et max, puis nous montrerons comment nous modifions la corrélation. D’un point de vue pratique, nous avons implémenté le changement des fonctions min, max et Rθt dans le code elsA. Un mot clef isDif f = Dif f /unDif f (6.1) y a été ajouté permettant d’appeler la version différentiable du modèle de turbulence ou sa version originale. La version différentiable du modèle ne doit pas changer la physique du résultat obtenu. Nous vérifierons donc que les deux modèles fournissent les mêmes résultats.
Effet sur les calculs du champ de base
Nous avons testé les deux versions de ce modèle sur la configuration du chapitre précédent. Les détails du calcul seront détaillés par la suite (Partie 6.2). La différence des deux champs de vitesse obtenus est tracée sur la figure 6.3. On constate un écart inférieur à 2% qui est concentré dans la couche de cisaillement de la bulle de recirculation, là où les effets visqueux sont importants. Les changements ayant été apportés essentiellement dans la correction SST et dans le modèle de transition, les différences doivent être les plus importantes là où la transition se déclenche et là où la correction SST est activée. La transition comme on le verra par la suite s’effectue au sein de la bulle de recirculation qui est aussi l’endroit où la correction SST s’active. Il est donc logique que les différences se concentrent au niveau de cette séparation.
En résumé, nous avons modifié à la marge le modèle de turbulence et de transition γ −Rθt en le rendant différentiable sur l’ensemble de définition. La correction proposée a suffisamment peu d’écart avec le modèle original pour que les différences sur le champ de base soient minimes. La physique de ce modèle est donc conservée.
Champ de base
Nous allons présenter dans cette section le champ de base obtenu pour une interaction entre une onde de choc et une couche limite laminaire dans les mêmes conditions que dans le chapitre précédent. Le solver elsA (v3.5.02), les schémas numériques et le maillage sont identiques à ceux du calcul RANS de cette précédente étude. Seules changent les modélisations de la turbulence et de la transition. Nous utiliserons ici le modèle de turbulence k − ω SST de Menter [81] en ajoutant les modifications présentées dans la section 6.1 qui rendent le résidu des équations différentiables. Nous modélisons la transition par le modèle γ − Rθt de Langtry [66]. Ce dernier modèle a aussi été modifié comme expliqué dans la section 6.1. Ce modèle utilisant le taux de turbulence extérieur calculé, nous avons mis en condition limite Tu = 2% et µt/µ = 5 afin de garantir Tu ∼ 0.5% au voisinage de l’interaction. Les cutoff ont été mis à 108 afin qu’ils n’interviennent pas. Nous présenterons le résultat obtenu par comparaison aux résultats de l’expérience, de la LES et du RANS basé sur les modèles de Spalart-Allmaras et AHD-Gl.
Structures principales de l’écoulement
Afin de comparer les champs de base obtenus avec le modèle γ − Rθt aux résultats RANS, LES et expérimentaux présentés dans le chapitre précédent, la dérivée de la densité selon X a été tracée sur la figure 6.4. On constate que la structure générale de l’écoulement est semblable aux différents résultats précédents (figure 5.3). On observe toujours une onde de Mach au niveau du bord d’attaque de la plaque, le choc incident et une détente au niveau du bord de fuite du générateur de choc. Si on s’intéresse à la zone d’interaction, on remarque une onde de compression au niveau du point de séparation, un détente au niveau du point d’interaction I suivi du choc réfléchi. On constate cependant qu’en unités adimensionnées par la longueur de bulle, la distance entre la séparation S et le bord d’attaque LE est plus importante dans le cas du calcul γ −Rθt que dans les autres analyses. Si on regarde les valeurs dimensionnées présentées dans le tableau 6.1, on constate que la séparation se fait 5mm plus loin du bord d’attaque comparé au calcul avec Spalart+AHD, et 10mm plus loin que dans l’expérience. En revanche, l’angle du choc incident est proche de ceux des autres analyses, de même pour la position du point d’intéraction I. Si on regarde la taille de bulle, on constate qu’elle n’est que de 13mm dans le cas γ − Rθt alors qu’elle est de l’ordre de 20mm dans les autres cas. L’écart important des XI − XLE observé est donc dû à l’adimensionnement par la longueur d’interaction et non à la position du point I.
On a donc un calcul RANS γ − Rθt qui reproduit qualitativement les différentes caracté-ristiques de l’écoulement, mais qui a du mal à reproduire de façon quantitative la taille de la séparation. Cette difficulté du modèle à reproduire fidèlement les tailles de bulles est notée par Langtry lui même [66] et est un des points d’amélioration possible du modèle.
Table 6.1 Valeur des distances entre le bord d’attaque LE, des principaux points définissant l’écoulement : Xs − XLE ,Xr − XLE and XI − XLE et de l’angle du choc incident β. Les unités physiques sont utilisées pour simplifier la comparaison.
