Structure supersymétrique pour l’équation de Boltzmann avec relaxation douce 

Supersymétrie

Ici, on entend par supersymétrie le fait que notre opérateur peut se mettre sous la forme d’un laplacien de Hodge dd ∗ + d ∗ d, où d est le complexe de de Rham agissant sur l’ensemble des k formes différentielles et d ∗ son adjoint formel. C’est une structure qui permet d’étudier avec une grande précision les petites valeurs propres de l’opérateur. Dans le cas, autoadjoint du laplacien de Witten, cette structure a été exploitée par Witten [89] et Helffer-Sjöstrand [36] (on pourra aussi se référer aux livres [13] ou [29]) pour l’étude des petites valeurs propres et de l’effet tunnel et cette étude a été complétée plus récemment dans [10, 11] (avec une approche probabiliste), [31] et encore [52, 53, 54, 55, 56] (on se reportera à la section 1.6 pour plus de précisions sur ces résultats). On va rappeler la construction de l’opérateur à la fois dans ce cadre autoadjoint du laplacien de Witten et dans le cadre non autoadjoint de Fokker-Planck.
On va travailler sur le fibré extérieur ΛT ∗ M d’une variété différentielle M riemannien de dimension n (en fait on s’intéressera seulement dans la suite de la thèse à l’espace euclidien (R n , dx), mais il est possible de définir l’opérateur sur des variétés plus générales).  M est l’ensemble des k-formes différentielles sur l’espace cotangent de M. Sur les fonctions (0-formes), le laplacien de Witten semi-classique (le paramètre semi-classique apparaît déjà chez Witten et est essentiel dans sa démarche afin de démontrer les inégalités de Morse généralisées) prend la forme suivante dans Rn.

Hypoellipticité

Cette théorie développée notamment par Hörmander [48] (on peut citer aussi [50] et [72] parmi beaucoup d’autres) s’intéresse à des opérateurs qui n’ont pas d’ellipticité globale dans la mesure où la partie elliptique de l’opérateur est dégénérée (typiquement pour des équations cinétiques telles que Fokker-Planck, on a de l’ellipticité dans la variable de vitesse, mais pas dans la variable de position). Cependant, l’équation globale possède un effet régularisant dû à une interaction entre lapartie elliptique et la partie transport.
Afin d’illustrer un peu ces notions, on s’intéresse à l’équation de Kolmogorov décrivant l’évolution de la densité de probabilité de présence f (t, x, v ) d’un système de particules diffusées par un bain de chaleur (voir [48] ou [49]). C’est l’une des équations qui est à l’origine du développement des méthodes de commutateurs en analyse microlocale. D’un point de vue microlocal l’opérateur associé a le double inconvénient de n’être ni elliptique ni autoadjoint. C’est d’ailleurs une difficulté qui se retrouve dans tous les modèles cinétiques. Cependant, on remarque tout d’abord que cet opérateur a une structure particulière du type on peut montrer l’hypoellipticité de cette équation (voir [44] et [32] ou, encore [21]) avec un gain (optimal) de dérivées ([45]). Cependant, cette notion d’hypoellipticité n’est pas toujours adaptée aux équations cinétiques dans la mesure où le noyau de collisions ne présente pas toujours d’effet régularisant (dans les équations qu’on étudiera dans ce document, ce n’est même jamais le cas). Ceci dit, les méthodes de commutateurs se sont avérées efficaces également pour des modèles sans hypoellipticité, ce qui a conduit à l’introduction de la notion d’hypocoercivité discutée dans la prochaine partie.

Hypocoercivité

Le terme d’hypocoercivité est apparu il y a une petite dizaine d’années en référence à l’hypoellipticité (voir par exemple [86]). Dans la théorie hypoelliptique, on s’intéresse aux effets de régularisation de l’équation bien que la partie elliptique soit dégénérée. Dans la théorie hypocoercive, on s’intéresse plutôt à des propriétés spectrales et au retour à l’équilibre (et à quel taux ce retour à lieu), bien que la partie dissipative de l’équation soit également dégénérée. Les deux notions sont liées mais disjointes. En effet, dans de nombreux cas – par exemple pour l’équation de Fokker-Planck avec potentiel confinant – la propriété de régularisation s’accompagne d’une propriété de retour à l’équilibre. Cependant, il se peut que le retour à l’équilibre ait lieu sans que l’équation ait une quelconque propriété de régularisation. On peut notamment penser dans le cadre cinétique au cas où l’opérateur de collisions Q(f ) est « d’ordre 0 » (ce qui sera le cas pour l’ensemble des équations traitées ici). Il n’y a alors pas d’effet régularisant de l’équation, mais les solutions de l’équation convergent vers la maxwellienne à un taux exponentiel. Inversement, on peut aussi avoir des cas où on a bien de l’hypoellipticité, mais pas de retour à l’équilibre (par exemple quand la maxwellienne n’est pas une densité).
On peut distinguer deux types de méthodes hypocoercives : d’une part des méthodes complètement non linéaires (mais avec de bonnes estimations a priori sur la solution), basées sur la dissipation d’entropie (voir [17],[12],[16],…). D’autre part des méthodes hilbertiennes basées sur des idées issues de l’analyse microlocale qui permettent d’obtenir un taux de retour exponentiel vers l’équilibre (voir [44],[64], [39],[86],[43],[19],[20],…). On peut mentionner qu’on peut voir ces dernières comme des méthodes d’entropies sur un espace de Hilbert (typiquement un espace L2 à poids) avec comme entropie la norme au carré. Les méthodes hilbertiennes permettent de traiter le cas des équations cinétiques linéaires ou bien non linéaires, mais dans le cadre perturbatif. On va préciser ici le cadre hilbertien linéaire. Un troisième type de méthodes (ou de point de vue) consiste en l’approche probabiliste et on renvoie à [63] et aux références qu’il contient pour plus de détails.
On peut donner la définition abstraite suivante pour l’hypocoercivité hilbertienne (voir [40] étendue par Gualdani et al. au cas Banach [27]) :
Définition 1.4.1. Soit H un espace de Hilbert et P un opérateur maximal accrétif non borné sur H de domaine D(P ). Soit aussi K ⊂ H un autre espace de Hilbert muni d’une autre norme hilbertienne k.k K tel que la restriction de k.kH à K est équivalente à k.k K . On dit que l’opérateur est P est hypocoercif si on a les deux propriétés suivantes : i) K est stable par P et la restriction de P à K équipée du domaine D(P ) ∩ Kest un opérateur maximal accrétif.

Difficultés dans le monde non autoadjoint

La principale difficulté à gérer dans l’étude des problèmes non autoadjoints provient de l’absence de théorème spectral. Cette difficulté se décline sous différentes formes à commencer par l’impossibilité de définir le calcul fonctionnel comme dans le cas autoadjoint. Cela pose notamment des problèmes pour définir le semigroupe associé à un opérateur (voir l’appendice D à ce sujet) et les projecteurs spectraux (en tant qu’opérateurs bornés de notre espace de Hilbert). Une étude précise de la résolvante permet de contourner ce problème. Dans le cas autoadjoint, le théorème spectral nous donne la bonne estimation de résolvante.

Valeurs propres exponentiellement petites en mécanique statistique

Dans cette section, on va rappeler les résultats sur le valeurs propres exponentiellement petites du laplacien de Witten semi-classique. Ce n’est pas à proprement parler un opérateur venu de la théorie cinétique (en particulier il est elliptique), mais il relève bien de de la mécanique statistique des gaz et joue un rôle central dans l’étude des petites valeurs propres de l’équation de Fokker-Planck, ainsi que dans notre étude des équations de relaxation linéaire et de relaxation douce.

Perspectives

Le but final de l’étude entreprise ici serait d’obtenir le développement asymptotique des valeurs propres exponentiellement petites pour les équations de relaxation linéaire et de relaxation douce. Les résultats obtenus (et présentés dans la partie précédente) sont les premiers pas vers un calcul plus précis de ces valeurs propres. Cependant, il reste de nombreux obstacles à affronter pour y arriver :
I. Des difficultés apparaissant pour exhiber la structure supersymétrique dans le cas de l’équation de relaxation linéaire, cela complique sérieusement la tâche, puisque, jusqu’à maintenant, le calcul explicite des exponentiellement petits a été fait en évaluant les valeurs singulières de la « différentielle extérieur ».
II. En ce qui concerne l’équation de relaxation douce, il faudrait obtenir des informations sur le spectre près de 0 de l’opérateur sur toutes les k-formes (en tout cas, au moins sur les 1-formes). Même si on arrivait à construire des solutions BKW pour l’équation de relaxation douce sur les k-formes (voir à ce sujet la fin du chapitre 4), il faudrait encore montrer une estimation de résolvante du même type que celle sur les fonctions pour qu’elles correspondent bien à des fonctions propres approchées. Malheureusement, cela semble difficile car, sur les k-formes, on voit apparaître un opérateur d’ordre 2 en position dans le symbole sous-principal qui ne peut pas être contrôlé par la partie principale. De plus, cette partie du terme sous-principal semble ne même pas être bornée inférieurement et ne se gère donc pas facilement. On pourrait quand même envisager d’étudier l’effet tunnel sans la supersymétrie à l’aide de la méthode classique d’Helffer-Sjöstrand [35].

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PERSPECTIVES 

III. Pour obtenir le développement asymptotique des valeurs propres exponentiellement petites, ilfaut aussi un très bon contrôle de la localisation des fonctions propres grâce à des estimations d’Agmon (cf. [35] ou [18]). Bien que l’opérateur considéré pour l’équation de relaxation douce soit non-local, une piste à envisager est l’article de Nakamura [65], dans lequel l’auteur obtient des estimations de type Agmon pour des opérateurs qui ne sont pas nécessairement locaux. Cependant, l’adaptation n’est pas immédiate dans la mesure où l’on travaille avec des symboles qui ne sont pas elliptiques dans S (1).

Généralités

L’étude spectrale d’équations cinétiques inhomogènes et le retour à l’équilibre des systèmes de particules correspondants est un sujet d’étude naturel et un certain nombre de progrès a été fait durant la dernière décennie dans ce qui a été nommée hypocoercivité. Nous sommes ici intéressés par l’étude à basse température d’un modèle linéaire simple du point de vue cinétique, mais compliqué du point de vue de l’analyse spectrale, où les collisions entre particules ne sont pas de type diffusif, mais de l’ordre de la relaxation (non-locaux). Ce système a déjà été étudié par Hérau dans [39] avec des améliorations par Dolbeault et al. dans [19, 20], mais à température fixée.
L’objectif final serait d’étudier l’existence d’états métastables et un éventuel effet tunnel pour le système, ce qui implique un temps de retour à l’équilibre très long.
Nous établissons ici les premiers résultats spectraux sur les petites valeurs propres et le retour à l’équilibre à basse température pour le système simple de relaxation linéaire de Boltzmann suivant (qu’on écrit ici avec les paramètres physiques) :

Hypocoercivité hilbertienne

La notion d’hypocoercivité hilbertienne (on pourra voir la section 1.4 et [19, 39, 86]) désigne des manières d’obtenir des estimations coercives en utilisant une légère modification du produit scalaire ambiant ou bien de l’opérateur étudié.
Nous allons d’abord discuter de l’accrétivité maximale de notre opérateur, de manière à pouvoir appliquer nos résultats spectraux aux propriétés du semi-groupe.
Comme P h est la somme d’un opérateur autoadjoint positif (un projecteur orthogonal) et d’un opérateur antiadjoint, P hest accrétif. Si on équipe P h du domaine  D = u ∈ L 2 / X h 0 u ∈ L 2 , on obtient alors un opérateur accrétif maximal. En effet, X h 0 est accrétif maximal sur D et Id − Πhest un opérateur borné sur L 2 . Donc P h = X h 0 + h(Id − Πh) est accrétif maximal.

Équation de Boltzmann linéaire avec relaxation douce

Dans le chapitre précédent, on a étudié l’équation de relaxation linéaire de Boltzmann dans le régime des basses températures. Malheureusement, il semble qu’il est difficile d’écrire l’opérateur associé de manière supersymétrique (voir l’introduction). On s’intéresse alors à l’équation de Boltzmann linéaire semi-classique suivante qui, par contre, a cette propriété (cf. chapitre 4) :

Structure supersymétrique pour l’équation de Boltzmann avec relaxation douce

Introduction

Afin d’exhiber la structure supersymétrique de l’équation de relaxation douce et d’étendre l’action de l’opérateur à toutes les k-formes, on va introduire dans ce chapitre une nouvelle « différentielle extérieure » (qui sera non locale puisque notre opérateur est non local) et on va modifier le produit scalaire en une forme bilinéaire (ou hermitienne dans le cas complexe) non symétrique. On rappelle que dans le cadre autoadjoint, cette approche a été introduite par Witten [89] (voir aussi [36]) et étendue au cas non autoadjoint, notamment pour l’équation de (Kramers)-Fokker-Planck (voir par exemple [41, 42, 43]) et aussi [5, 6, 57]pour le laplacien hypoelliptique. On rappelle d’abord les hypothèses sur le potentiel V :
Hypothèse. Le potentiel V est une fonction de Morse avec n 0 minima locaux et dont les dérivées d’ordre 2 et plus sont bornées. De plus, e − Vh ∈ L 1 et il existe C > 0 tel que |∇V (x)| ≥ 1 C pour |x| > C. Remarque. L’hypothèse importante pour cette partie est le fait que le potentiel soit une fonction de Morse, c’est-à-dire que V possède un nombre fini de points critiques qui sont tous non dégénérés.
La première partie de ce chapitre est consacrée à exhiber la structure supersymétrique de l’équation de relaxation douce, ce que l’on consigne dans le théorème suivant.

Semi-groupes

On rappelle dans cette section quelques notions et théorèmes de la théorie des semi-groupes. On s’intéressera particulièrement à la transcription de l’information spectrale sur le générateur infinitésimal en des propriétés de décroissance du semigroupe. Il existe de nombreux ouvrages de référence sur ce sujet ; on peut citer entre autres [46], [68], [90], [66], [22, 23], [81], [14]. On se basera ici plutôt sur la courte présentation donnée au chapitre 13 de [30]. Dans la suite, on travaille sur un espace de Hilbert H.

Le théorème de Gearhart-Prüss

On va commencer par donner une version non-quantitative de ce théorème (on peut voir [25] et [67] pour les articles historiques).
Théorème D.11 (Gearhart-Prüss). Soit A un opérateur fermé à domaine dense D(A) qui génère un semi-groupe fortement continu T (t), et soit ω ∈ R. On suppose que (z − A) −1 est uniformément bornée dans le demi-plan complexe Re z ≤ ω. Alors il existe une constante M telle que

Table des matières
Introduction
1.1 Équations cinétiques
1.2 Supersymétrie
1.3 Hypoellipticité
1.4 Hypocoercivité
1.5 Difficultés dans le monde non autoadjoint
1.6 Valeurs propres exponentiellement petites en mécanique statistique
1.7 Résultats
1.8 Perspectives
2 Équation de relaxation linéaire de Boltzmann 
2.1 Généralités
2.2 Hypocoercivité hilbertienne
2.3 PT -symétrie
2.4 Retour à l’équilibre
3 Équation de Boltzmann linéaire avec relaxation douce 
3.1 Estimation de résolvante
3.1.1 Loin des points critiques
3.1.2 Près des points critiques
3.2 Problème de Grushin
3.2.1 Loin des points critiques
3.2.2 Approximation quadratique
3.2.3 Près des points critiques
3.3 Petites valeurs propres et retour à l’équilibre
3.3.1 Spectre près de 0
3.3.2 Retour à l’équilibre
4 Structure supersymétrique pour l’équation de Boltzmann avec relaxation douce 
4.1 Introduction
4.2 Objets géométriques pour la supersymétrie
4.3 Symbole principal et sous-principal sur les k-formes
4.4 Équation eikonale et symbole sous-principal effectif
Appendice 
A Calcul de Weyl semi-classique 
B Construction d’une fonction poids 
C Transformée FBI
D Semi-groupes

projet fin d'etude

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