Gération d’états non classiques en variables continues

Gération d’états non classiques en variables continues

Optique non linéaire 

Les deux chapitres précédents ont abordé les états non classiques du rayonnement (comprimés, corrélés, intriqués), dont l’existence a été prévue très rapidement dans l’histoire de la mécanique quantique. Cependant, en l’absence de moyens expérimentaux permettant de générer de tels états, leur étude est restée théorique jusqu’à l’avènement de 3. Gération d’états non classiques en variables continues 54 3. Génération d’états non classiques en variables continues l’optique non linéaire au début des années 60 [Armstrong et al., 1962]. En effet, c’est essentiellement dans ce domaine que l’optique quantique puise ses outils expérimentaux. B.1 Processus non linéaires en optique 

Non-linéarité des milieux diélectriques 

Lorsqu’un champ électromagnétique se propage dans un milieu diélectrique, il induit – via la force de Lorentz – un déplacement des charges liées par rapport à leur position d’équilibre. Ce déplacement modifie la distribution de charges 1 , et donc le champ électrique créé par cette distribution, induisant une polarisation macroscopique, qu’on peut écrire sous forme d’une série convergente de puissances du champ : −→P = ε0 h χ (1) −→E + χ (2) −→E 2 + χ (3) −→E 3 + …i (3.1) o`u ε0 est la permittivité diélectrique du vide. Il est à noter que les χ (2n) sont nuls pour tous les milieux centro-symétriques. La polarisation induite est un terme source pour le champ ; elle peut à son tour induire des modifications du champ incident. Les χ (m) sont d’autant plus petits que m est grand. De ce fait, lorsque k −→E k est faible, on peut négliger tous les termes d’ordre supérieur devant celui d’ordre 1 : la polarisation est linéaire. Ce terme d’ordre 1 est ainsi responsable des propriétés linéaires du milieu : indice de réfraction, absorption. En optique linéaire, les composantes de quadratures jouent des rˆoles symétriques, et les ondes se propagent sans influence mutuelle … donc sans se corréler. Des champs “classiques” restent donc classiques. Plus k −→E k est important, plus grand sera le nombre de termes à prendre en compte. Ces termes sont à l’origine de nombreux phénomènes : indice non linéaire, génération d’harmoniques du champ d’ordres supérieurs, conversion paramétrique, … Ces processus agissent de manière dissymétrique sur les composantes de quadratures, ou encore couplent plusieurs champs, pouvant ainsi mener – à partir d’un champ classique – à la génération d’un champ non classique (comprimé ou corrélé). Un milieu optique est dit “non linéaire” si son χ (2) ou son χ (3) sont suffisamment grands pour qu’avec un faisceau d’intensité modérée on puisse détecter ses effets non linéaires. Nous présenterons rapidement les effets observés dans un milieu “χ (3)” avant de détailler les effets liés à un χ (2) 6= 0. 

Non linéarité d’ordre 3 

En général, l’effet non linéaire d’ordre 3 est totalement masqué par celui d’ordre 2. Cependant, puisque χ (2) = 0 dans un milieu centro-symétrique, il est possible de détecter les effets du terme d’ordre 3. 1. Ces différentes interactions peuvent avoir lieu avec un certain retard, de sorte que l’écriture de la conservation de l’énergie doit tenir compte de cet éventuel déphasage. Dans un tel milieu, il existe un processus asymétrique simple qui permet de générer un état comprimé. En effet, on peut réécrire ce terme : χ (3) −→E 3 =  χ (3) k −→E k 2  −→E (3.2) De sorte que la polarisation macroscopique induite (avec un développement limité à l’ordre 4) s’écrit : −→P = ε0  χ (1) + χ (3) k −→E k 2  −→E (3.3) On peut ainsi interpréter la non linéarité χ (3) comme une correction non linéaire du χ (1) , responsable de l’indice du milieu. Cette dépendance de l’indice de réfraction en intensité du champ est appelée “effet Kerr optique”. Puisque l’indice dépend de l’intensité, le déphasage induit lors de la traversée du milieu (qui est proportionnel au chemin optique parcouru) dépend également de l’intensité. Un champ qui sera à l’instant t1 d’intensité I +δI1 sera moins déphasé que lorsqu’à l’instant t2 il aura l’intensité I +δI2 avec I1 < I2. La représentation de Fesnel fournit une bonne image de la conséquence sur les fluctuations du champ, qui se trouvent comprimées : le disque des fluctuations d’un champ cohérent est transformé en ellipse (cf. Fig. 3.1). Fig. 3.1: Illustration en représentation de Fresnel de l’effet Kerr optique : les fluctuations du champ sont comprimées du fait du déphasage dépendant de l’intensité. Une réduction de bruit par effet Kerr peut être obtenue par exemple à l’aide d’atomes froids en cavité [Lambrecht et al., 1996], ou dans une fibre optique [Silberhorn et al., 2001]. 

Non linéarité d’ordre 2 

Les processus non linéaires d’ordre 2, centraux dans les expériences menées lors de cette thèse, sont également appelés “mélange à trois ondes”. En effet, ils couplent trois champs de pulsations ω0, ω1 et ω2. La conservation de l’énergie est bien entendue assurée : ω0 = ω1 + ω2 (3.4) Deux processus sont particulièrement intéressants pour l’optique quantique : la somme de fréquences et la conversion paramétrique (cf. Fig. 3.2). 56 3. Génération d’états non classiques en variables continues (a) Somme de fréquences (b) Conversion paramétrique Fig. 3.2: Mélange à 3 ondes La somme de fréquences (cf. Fig. 3.2(a)), ou “doublage de fréquence” correspond à la combinaison de deux photons pompe de pulsations ω1 et ω2 pour donner un photon à la pulsation somme ω0 = ω1 + ω2. Premier effet non linéaire observé expérimentalement (sous la forme de génération de seconde harmonique, i.e. avec deux photons pompe de même fréquence), son plus grand intérêt à l’heure actuelle est de doubler la fréquence d’un laser. Cependant, il permet également de générer un état comprimé, car le doublage est d’autant plus efficace que l’intensité est grande : la distribution de bruit du champ à ω0 est donc elliptique (comme pour l’effet Kerr, le doublage n’agit pas de fa¸con symétrique sur toutes les quadratures). La conversion paramétrique (cf. Fig. 3.2(b)) – sur laquelle nous reviendrons plus en détail dans la prochaine section – est en quelque sorte le processus inverse : à partir d’un photon pompe à ω0 on génère deux photons “signal” (de pulsation ω1) et complémentaire (de pulsation ω2). Ces deux photons étant générés simultanément (la conservation de l’énergie l’impose) et à partir d’un même photon père, ils sont fortement corrélés. L’énergie n’est pas la seule grandeur qui doit être conservée par les processus non linéaires : l’impulsion des photons – c’est-à-dire la vitesse de phase des ondes – doit elle aussi être conservée. On parle de “condition d’accord de phase” : k0 = k1 + k2 ⇔ n0ω0 = n1ω1 + n2ω2 (3.5) Lorsque le cristal n’est pas de dimension infinie, la condition (3.5) n’est plus stricte 2 et peut être vérifiée approximativement, l’interaction étant bien sˆur d’autant plus efficace qu’on est proche des conditions idéales. Un matériau isotrope, avec une dispersion normale (c’est-à-dire dont l’indice augmente avec la fréquence), ne permet pas de réaliser cette condition. On utilise donc en général des matériaux biréfringents (milieux uniaxes négatifs), pour lesquels l’indice diffère pour la polarisation ordinaire et la polarisation extraordinaire. Deux configurations sont possibles pour le mélange à 3 ondes : – Accord de phase de type I L’onde de pulsation ω0 est polarisée suivant l’axe ordinaire, et les deux autres suivant l’axe extraordinaire : e + e ↔ o 2. Ceci provient des retards possibles dans la réponse du milieu. 

Accord de phase de type II 

Les ondes de pulsation ω0 et ω1 sont polarisées suivant l’axe extraordinaire, la dernière suivant l’axe ordinaire : e + o ↔ e En conversion paramétrique, ces deux configurations ne donnent pas naissance à des faisceaux quantiques de même nature. L’accord de phase de type I assure que les deux photons signal et complémentaire sont émis dans le même mode de polarisation. On parle de “conversion paramétrique dégénérée en polarisation”. Si on réalise l’accord de phase de telle sorte que ω1 = ω2, on obtient ainsi des états comprimés [Wu et al., 1986, Bowen et al., 2003]. Lors d’un accord de phase de type II, les photons sont émis suivant des polarisations orthogonales, et sont donc distinguables. Cette configuration “non dégénérée en polarisation” produit ainsi deux faisceaux corrélés et pouvant être spatialement séparés. C’est cette configuration qui a été exploitée expérimentalement dans cette thèse.

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