HISTORIQUE DES FUSIONS MUNICIPALES DANS LA MRC DE ROUYN NORANDA

L’évolution municipale du Québec s’est faite lentement. En effet, on ne verra apparaître les premières institutions municipales à proprement parler qu’en 1840, soit plus de deux cents ans après la colonisation. Entre la colonisation, au début du XVII siècle et 1855, quelques tentatives seront mises de l’avant par les gouvernements coloniaux français puis anglais pour l’établissement du système municipal québécois. Les résultats se caractériseront par des échecs ou des succès mitigés. Dans le présent chapitre, nous regarderons l’évolution municipale du Québec de façon sommaire pour nous attarder davantage à l’historique du regroupement municipal et plus particulièrement au cas de la MRC de Rouyn-Noranda.

De 1608 à 1838 

De 1608 à 1760 le Québec, alors appelé la Nouvelle-France, vit sous le Régime français qui se caractérise par une quasi-absence des institutions municipales. Cette absence est volontaire de la part du Roi, ce dernier ne voulant pas que le peuple prenne du pouvoir. « Les habitants de la Nouvelle-France pourraient alors exprimer leurs opinions et, surtout, s’opposer aux autorités en place » (Saint-Pierre, 1994, p.23). L’administration locale est donc entre les mains de hauts fonctionnaires tels que : gouverneur, intendant, conseillers et grand voyer. De plus, la formation d’institutions municipales est difficile à réaliser puisque la colonie est divisée en seigneuries et les habitants sont dispersés sur le territoire. En 1763, la Nouvelle-France passe sous la juridiction du Régime anglais à la suite de la Conquête. Les Canadiens français deviennent des sujets britanniques et le régime seigneurial est aboli. Le gouvernement tentera entre 1763 et 1838 d’implanter des institutions britanniques décentralisées mais sans grand succès. Cette période aura toutefois permis l’instauration de deux institutions municipales en accordant, en 1831, le statut de « cité » à ces deux principales villes du territoire que sont Québec et Montréal. Les premiers conseils municipaux seront formés de 20 conseillers à Québec et de 16 à Montréal.

La municipalisation

L’origine de l’institution municipale québécoise remonte au rapport Durham, publié en 1838. Dans son rapport, Durham jette un regard sombre et pessimiste sur le Bas Canada. ll y affirmera que l’absence d’institutions municipales constitue une des causes principales de la mauvaise administration du pays et des troubles qui ont secoué le Bas-Canada en 1837 et 1838. Pour résoudre le problème, il faut entre autres, décentraliser les pouvoirs. Son rapport aura l’effet d’une bombe. Malgré des jugements sévères envers le peuple canadien-français, il en ressort une analyse pertinente sur la nécessité de l’éducation et sur l’importance d’avoir des institutions démocratiques au plan local. Le rapport donnera naissance au vaste mouvement de municipalisation.

Pour Durham, la municipalisation est nécessaire pour donner au peuple le contrôle de ses affaires locales afin de lui permettre d’assumer sa part de l’administration de la province (Saint-Pierre, 1994, p. 40-41). Le but de la municipalisation est de doter le Québec d’une structure politique locale ayant des pouvoirs visant le mieux-être des collectivités et pouvant influencer son développement. Notamment au niveau de secteurs comme la voirie locale et régionale; les aqueducs et les égouts; la protection contre l’incendie; la protection policière et l’ordre public; la santé et l’hygiène; le bien-être social et l’aide financière aux indigents; l’électricité et le téléphone; la gestion des déchets; la gestion de l’environnement; l’assainissement des eaux usées; la pollution de l’air; l’aide à l’habitation, le zonage et lotissement; la surveillance des travaux de construction; la circulation automobile; l’aménagement du territoire; les bibliothèques, la culture et les loisirs; les espaces verts, etc.

L’expansion des municipalités 

La paroisse a été longtemps reconnue comme étant la seule institution locale dans laquelle les habitants de la colonie se reconnaissent et se rallient, une paroisse étant une communauté chrétienne avec un curé ou un pasteur à la charge. Le curé et le conseil de fabrique composé d’habitants élus prennent les décisions concernant l’ensemble de la communauté. Toutes les paroisses de plus de 300 habitants deviendront des corporations municipales, en 1840. Les communautés comptant moins de 300 habitants n’ont pas de désignation proprement dite. Dans ces corporations, ce sont les assemblées des habitants qui prennent les décisions concernant 1′ ensemble de la communauté. « Leurs pouvoirs sont cependant très limités» (Saint-Pierre, 1994, p. 45). Elles sont sous le contrôle presque complet du gouverneur. Les corporations n’ont pas de structure administrative formelle comme les municipalités (conseil élu).

L’expansion réelle des municipalités québécoises aura lieu entre 1870 et 1960 grâce, entre autres, à l’adoption, par l’État, du premier Code municipal en 1870 et à la mise en place d’organismes de contrôle. En 1922, la Loi des cités et villes sera adoptée. De 1871 à 1961 le nombre total de municipalités locales passera de 595 à 1 446. Les municipalités urbaines connaîtront durant la même période une croissance fulgurante. Elles passeront de 14 à 228. Une municipalité est définie comme étant une division territoriale administrée par un conseil municipal composé d’ un maire et de conseillers municipaux élus. Malgré le vaste mouvement de municipalisation apparu entre 1871 et 1961, le gouvernement constate au début des années 1960, qu’il existe des disparités et des inégalités régionales. Certaines municipalités se développent mieux que d’ autres.

1960 à 1970 

Afin de pallier au phénomène, le gouvernement procède à une grande réforme. Les années 60 marqueront la naissance de ce qu’on appellera« l’État providence». Une partie importante des responsabilités et des investissements dans les domaines de l’éducation et des affaires sociales qui était assumée par les administrations locales dont les municipalités, seront désormais assumées par l’État. L’État vise la modernisation et un développement égalitaire pour toutes les régions. S’il est vrai que les milieux urbains ont connu une expansion fulgurante, il n’en est pas de même pour les petites collectivités rurales et les régions éloignées. L’État conscient de cet écart décide d’instaurer le Bureau d’aménagement de l’Est du Québec (BAEQ).

Le BAEQ 

Le mandat du BAEQ est de préparer un plan directeur d’aménagement afin de contrer la situation socioéconomique précaire et marginalisant de certaines régions. La région visée comme territoire pilote est celle de l’Est du Québec (région 01 incluant le Bas-Saint Laurent, la Gaspésie et les Îles-de-la-Madeleine. Le plan directeur visait à permettre à cette région de rattraper la moyenne québécoise dans les secteurs de l’emploi, de la productivité et des revenus. Une des actions proposées dans ce plan est la fermeture de certains villages afin de renforcer les pôles urbains. La participation de la population est jugée nécessaire pour arriver à un consensus et à une acceptation de cette rationalisation du territoire, tout cela dans la perspective d’un accroissement du bien-être. Dans les faits, l’État cherche la collaboration de la population pour arriver à un consensus et à une acceptation de la fermeture de certaines paroisses pour le mieux-être des communautés. «Le plan est donc la programmation rationnelle, à un moment donné, dans une perspective sectorielle et territoriale, en collaboration avec la population, des actions nécessaires pour parvenir à un système plus cohérent et plus efficace de relations entre population-ressources-organisation et territoire.» (BAEQ, 1973, p.46).

Treize villages sont fermés mais les populations se révoltent et s’objectent à laisser l’État fermer leurs paroisses. C’est ainsi qu’un mouvement d’opposition appelé «Opération Dignité» est créé. Dans la foulée de ce mouvement d’opposition, certaines municipalités décident de se regrouper pour se prendre en main et planifier leur survie et leur développement. C’est le cas des municipalités de Saint-Juste, d’ Auclair et de Lejeune dans le Témiscouata qui en 1973, forment le JAL. «Devant cette levée de boucliers, l’État renonce à sa politique de relocalisation »(Saint-Pierre, 1994).

Table des matières

INTRODUCTION
CHAPITRE 1: DE LA MUNICIPALISATION AU REGROUPEMENT DANS LA MRC DE ROUYN-NORANDA
1.1 DE 1608 À 1838
1.2 LA MUNICIPALISATION
1.2.2 L’expansion des municipalités
1.2.3 1960 à 1970
1.2.4 Le BAEQ
1. 3 LE REGROUPEMENT MUNICIPAL
1.4 LE LIVRE BLANC, LA LOI 124 ET LA LOI 170
1.4.1 Le Livre blanc
1.4.2 Les objectifs d’une réorganisation municipale
1.4.3 La Loi 124
1.4.4 La Loi 170
1.5 LES FUSIONS SUITE À LA LOI 124 ET À LA LOI 170
1.6 HISTORIQUE DES FUSIONS MUNICIPALES DANS LA MRC DE ROUYN NORANDA
1.6.1 Les municipalités régionales de comté
1.6.2 Historique de la MRC de Rouyn-Noranda
1.7 LES FUSIONS MUNICIPALES DANS LA MRC DE ROUYN-NORANDA
1.7.1 La réorganisation territoriale de la MRC Rouyn-Noranda
1. 7.2 Le mandataire
1. 7.3 Le comité de l’organisation territoriale
1.8 LA DEMANDE COMMUNE DE REGROUPEMENT
1.8.1 Le comité politique
1.8.2 Le comité de pilotage
1.8.3 Le comité technique
1.8.4 Le résultat
1.9 LE RAPPORT DU CONCILIATEUR ET LE DÉCRET CONSTITUANT LA NOUVELLE VILLE DE ROUYN-NORANDA
1.9.1 Le rapport du conciliateur
1.10 CONCLUSION
CHAPITRE 2 : CONTEXTE THÉORIQUE DE LA RECHERCHE : NOTION D’IDENTITÉ, ET THÉORIE DU DÉVELOPPEMENT LOCAL
2.1 LA NOTION D’IDENTITÉ
2.1.1 L’identité personnelle
2.1.2 L’identité sociale
2.1.3 L’identité territoriale
2 .1. 4 L’identité communautaire
2.1.5 L’identité locale
2.1.4 Identité et fusions municipales
2.2 LE DÉVELOPPEMENT LOCAL DES PETITES COLLECTIVITÉS PÉRIPHÉRIQUES
2.2.1 Le développement local entrepreneurial
2.2.2 Le développement local territorial
2.3 LE DYNAMISME LOCAL
2.3.1 Le capital social
2.3.3 La vitalité communautaire et culturelle
2.4 RÉSUMÉ DE LA PROBLÉMATIQUE, VARIABLES DE LA RECHERCHE ET HYPOTHÈSE
2.4.1 Objectifs de la recherche, hypothèse et variables
CHAPITRE 3 : CUEILLETTE DES DONNÉES ET MÉTHODOLOGIE
3.1 LA MESURE DE LA VITALITÉ COMMUNAUTAIRE ET CULTURELLE
3.2 LE CHOIX D’UNE RÉGION VISÉE PAR LA LOI 124
3.2.1 L’organisation territoriale de la Municipalité régionale de comté de Rouyn Noranda
3.3 LE CHOIX DES MUNICIPALITÉS
3.3.1 Le choix des deux municipalités fusionnées volontairement
3.4 LE CHOIX DES DEUX MUNICIPALITÉS AYANT ÉTÉ FUSIONNÉES À LA SUITE À L’ADOPTION DE LA LOI 124
3.4.1 Les exclusions
3.4.2 Le choix: Rollet et Bellecombe
3.5 COMPARAISON ENTRE LES MUNICIPALITÉS À L’ÉTUDE
3.6 L’ÉCHANTILLONNAGE ET LE QUESTIONNAIRE
3.6.1 Les personnes interviewées
3.6.2 Le questionnaire
3.6.3 Consignes et planification des entrevues
CHAPITRE 4 : ANALYSE DE LA VITALITÉ CULTURELLE ET COMMUNAUTAIRE DES MUNICIPALITÉS À L’ÉTUDE
4.1 BEAUDRY
4.1.1 La perception de la vitalité culturelle et communautaire
4.1.2 La perception de l’influence des anciens conseils municipaux face à la vitalité culturelle et communautaire
4.1.3 Perception de la vitalité culturelle et communautaire du milieu depuis sa fusion
4.1.4 Analyse
4.2 GRAN ADA
4.2.1 La perception de la vitalité culturelle et communautaire
4.2.2 La perception de l’influence des anciens conseils municipaux face à la vitalité culturelles et communautaires
4.2.3 Perception de la vitalité culturelle et communautaire du milieu depuis sa fusion
4.2.4 Analyse
4.3 B ELLECOMBE
4.3.1 La perception de la vitalité culturelle et communautaire
4.3.2 La perception de l’influence des anciens conseils municipaux face à la vitalité culturelle et communautaire
4.3.3 Perception de la vitalité culturelle et communautaire du milieu depuis sa fusion
4.3.4 Analyse
4;4 ROLLET
4.4.1 La perception de la vitalité culturelle et communautaire
4.4.2 La perception de l’influence de l’ancien conseil municipal face à la vitalité culturelle et communautaire
4.4.3 Perception de ce que sera la vitalité culturelle et communautaire du milieu depuis sa fusion
4.4.4 Analyse
4.5 COMPARAISON ENTRE LE VILLAGES
4.5.1 Beaudry et Granada
4.5.2 Bellecombe et RoUet
4.6 CONCLUSION
CONCLUSION

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