La dimension politique de la fonction de secrétaire d’État aux Affaires étrangères

La dimension politique de la fonction de secrétaire d’État aux Affaires étrangères : un ministre au cœur du système monarchique

L’appréhension du rôle politique du secrétaire d’État aux Affaires étrangères implique de partir d’un postulat pour le moins paradoxal : comptant parmi les proches conseillers du Roi, il assume un rôle politique d’influence même s’il n’a formellement pas le pouvoir de l’exercer341. En effet, tant dans sa fonction ministérielle que diplomatique, le ministre n’agit pas pour les besoins de son service mais de celui du Roi. On ne doit donc pas s’étonner de la coïncidence historique entre le raffermissement de son autorité politique et l’absolutisation progressive du régime monarchique qui met fin à la pratique du  comme extérieures343, Louis XIII instaura le régime du ministériat matérialisé par la figure du principal ministre d’État. Pour autant le belliqueux souverain se garda d’être réduit à un simple roi soliveau et de fait, il ne manqua pas de brider l’influence de ses favoris en maintenant notamment le cérémonial de la prestation du serment. Qu’ils soient affaiblis par la  maladie344 ou temporairement écartés de la direction des affaires le temps d’une intérim345, ses successeurs eurent soin de toujours conserver un droit de regard sur quelque affaire que traita leur ministre, fût-il apprécié et/ou compétent. D’une certaine manière, cette réserve princière donnerait corps aux mises en garde de Jean BODIN évoquées dans le chapitre de Religion. Il oeuvra particulièrement à la conclusion des traités de paix de Vervins (2 mai 1598) et de Lyon (17 janvier 1601), conclus sous l’égide du Saint-siège, « qui marquaient la réconciliation de l’Europe chrétienne et inauguraient une nouvelle politique d’alliance entre les puissances catholiques » [lire BARBICHE (B.), « VILLEROY », Op. cit., p. 8]. Cette diplomatie de paix fut entérinée par le remariage d’Henri IV avec Marie de MEDICIS, fille du grand-duc François Ier de Toscane et de l’archiduchesse Jeanne d’Autriche, négocié entre autre par VILLEROY, sous les auspices du Saint-siège et béni à Lyon par le neveu du Pape en 1600. Si au plan diplomatique, cette union symbolisait à la fois l’union retrouvée des grandes Couronnes et la contribution personnelle de VILLEROY à l’affermissement du fameux principe d’ « équilibre européen », au plan politique, elle manifestait également la volonté de France de s’arrimer solidement au camp de la réforme catholique [lire BARBICHE (B.), « VILLEROY », Ibid.]. précédent. Dans les Six Livres de la République, il stigmatisait la pratique des privilèges craignant qu’elle n’incite, sur la durée, l’élite gouvernementale à quelques dérives attentatoires au prestige et à l’autorité du pouvoir monarchique. Car, pour le légiste d’Henri III, le Souverain est proprement le « chef » de l’État. A cet égard, il doit demeurer le point de mire des autres membres qui le composent. Pourtant la pratique absolutiste du pouvoir semble atténuer ce rapport de verticalité en favorisant des liens d’interdépendance entre le Roi et ses ministres. Si le premier conditionne le pouvoir d’action des seconds, ces derniers lui garantissent en retour une gestion pérenne de ses différentes affaires. Et précisément, parce qu’il a un pied légitime dans les Cours étrangères et un autre à Versailles, le titulaire de la charge de secrétaire d’État aux Affaires étrangères constitue un vecteur politique de premier choix du rayonnement de la puissance régalienne. Pour le Souverain, les frais de représentation qu’il lui verse sont autant de fonds d’investissement sensés lui rapporter à court terme des informations précieuses sur le devenir de ses affaires avec l’étranger, et lui garantir à long terme, leur gestion cohérente au regard des objectifs de la Couronne. De manière plus générale, ce rapport d’interdépendance va se structurer sous la forme d’un gouvernement de cabinet regroupant les divers secrétaires d’État.

De 1661 à 1715, l’instauration d’un régime monocratique donne une forme nouvelle à l’absolutisme royal. Le travail gouvernemental se fait désormais en tête à tête entre le Roi et chacun de ses « commis » en fonction de la spécialisation de ces derniers. Dès lors, les Conseils se voient assigner des tâches purement administratives. Ainsi, progressivement, par la multiplication des affaires et des interventions étatiques, le régime personnel se déforme et se bureaucratise. L’avènement de la monarchie « administrative » sous le règne louis- quatorzien favorise dans les faits la prolifération des commis, la mise en place et l’anonymat des bureaux, autour des secrétaires d’État, et de l’ensemble des Conseils. Mais de tous les membres du Gouvernement, c’est sans doute, l’institution de secrétaire d’État aux Affaires étrangères qui sort véritablement grandie de l’évolution gouvernementale impulsée par la monarchie absolue. Sa charge ne lui confère pas seulement la gestion d’un service public régalien, elle lui attribue également la gestion d’un département dédié tout entier à la diplomatie.

 

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