LA KERATOPLASTIE LAMELLAIRE ANTERIEURE PROFONDE

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Kératopathies bulleuses

Le terme de kératopathie bulleuse regroupe tous les œdèmes cornéens secondaires à une défaillance endothéliale. Ces œdèmes cornéens s’accompagnent, après un temps d’évolution, de la formation de bulles sous-épithéliales puis, secondairement, d’une fibrose sous-épithéliale. Ces défaillances endothéliales peuvent être primitives (dystrophies endothélio-descemétiques, iridocorneal endothelial syndrom ou ICE), ou secondaires. La cause la plus fréquente des kératopathies bulleuses est la chirurgie de la cataracte. D’autres interventions intraoculaires peuvent se compliquer d’une défaillance endothéliale : chirurgie filtrante anti-glaucomateuse, chirurgie vitréorétinienne avec utilisation d’huiles de silicone. D’autres étiologies sont possibles : traumatiques (brûlure), glaucome, hypotonie ou uvéite. Deux raisons peuvent amener l’ophtalmologiste à proposer une kératoplastie à un patient souffrant d’une kératopathie bulleuse : la restauration d’une acuité visuelle utile et l’effet antalgique. La kératopathie bulleuse est volontiers très douloureuse, du fait de la rupture des bulles épithéliales liées à l’œdème cornéen. Il faut prendre en compte l’état de l’angle irido-cornéen et le contrôle pressionnel avant de porter l’indication opératoire, mais également le profil du patient pour l’observance du traitement et de la surveillance.

Kératocône

Le kératocône est une dystrophie cornéenne, d’étiologie encore inconnue, se manifestant par une protrusion non inflammatoire de la cornée dans sa région axiale, apparaissant généralement pendant l’adolescence, d’évolution lentement progressive. Il entraîne une diminution de l’acuité visuelle, du fait de l’importance de l’astigmatisme irrégulier et de la fréquente survenue d’opacités cornéennes [8]. Le kératocône est la deuxième indication des kératoplasties transfixiantes [13, 61]. L’indication opératoire est fonction des possibilités de correction optique (lunettes, lentilles de contact, anneaux cornéens, photokératectomie réfractive, cross-linking). Lorsque ces moyens ne permettent plus d’obtenir une acuité visuelle suffisante, ou qu’il existe une opacité apicale, la kératoplastie transfixiante ou lamellaire antérieure profonde est indiquée. L’âge de l’intervention varie en fonction du potentiel évolutif du kératocône. Certains patients doivent être opérés pendant l’adolescence du fait de la survenue d’un hydrops. Habituellement, la greffe est réalisée chez l’adulte jeune, mais il n’est pas exceptionnel d’opérer des patients de 50 ans ou plus dont le kératocône est resté longtemps stable. Enfin, certains kératocônes n’évoluent jamais vers le stade de la greffe.

Dystrophies cornéennes

Les dystrophies cornéennes se définissent comme des altérations tissulaires héréditaires, bilatérales, symétriques, parfois décelables dès la naissance mais surtout dans la seconde décennie, parfois plus tard, évoluant progressivement au cours de l’existence, apparaissant au même âge dans une même famille et avec la même forme [22, 24]. Parmi les dystrophies cornéennes, les dystrophies endothélio-descemétiques représentent la pathologie la plus pourvoyeuse de kératoplasties. La dystrophie de Fuchs est de loin la plus fréquente. Elle peut être héréditaire, de transmission autosomique dominante à pénétrance variable avec une évolution rapide vers la greffe (vers 40-50 ans), ou sporadique, d’évolution souvent plus lente, conduisant à la greffe vers 60-70 ans. L’indication de la kératoplastie transfixiante au cours de la dystrophie de Fuchs est posée lorsque l’œdème cornéen, d’abord matinal, devient permanent et entraîne une baisse importante de l’acuité visuelle, notamment en vision de près. Il faut noter que la plupart des cornea guttata rencontrées en pratique clinique n’évolueront jamais vers l’œdème cornéen [19]. D’autres dystrophies endothélio-descemétiques peuvent nécessiter une kératoplastie. Il s’agit de la dystrophie postérieure polymorphe dans sa forme diffuse et de la dystrophie cornéenne endothéliale héréditaire ou CHED (congenital hereditary endothelial dystrophy). Il faut mentionner un syndrome qui n’est pas une dystrophie endothélio-descemétique, mais une pathologie de l’endothélium cornéen, d’étiologie encore inconnue, le plus souvent sporadique et unilatérale, qui entraîne souvent un œdème cornéen nécessitant une greffe. Il s’agit des syndromes endothéliaux irido-cornéens (ICE syndromes) qui regroupent le syndrome de Chandler, l’atrophie essentielle de l’iris et le syndrome de Cogan-Reese. Les dystrophies stromales sont des pathologies relativement rares comparées au kératocône ou à la dystrophie de Fuchs. Il s’agit d’affections bilatérales et avasculaires, familiales. Les dystrophies épithéliales ne sont en règle pas des indications à la kératoplastie transfixiante.

Autres indications

Elles sont représentées par
x certaines dysgénésies cornéennes telles que la sclérocornée et l’anomalie de Peters qui est une irido-cornéo-trabéculo-dysgénésie centrale entrant dans le cadre des glaucomes congénitaux primitifs, caractérisée par son anneau de cornée transparente en périphérie [38] ;
x les pathologies sévères de la surface oculaire (Stevens-Johnson, pemphigoïde oculaire cicatricielle, brûlures caustiques) qui peuvent entraîner une opacification de la cornée ;
x l’échec d’une précédente kératoplastie ;
x les cicatrices post-traumatiques.

Bilan préopératoire

Il doit évaluer l’état anatomique, mais également l’état psychologique et l’aptitude du patient et de la famille au suivi, et rechercher les facteurs pronostiques. Il comporte la recherche d’antécédents de greffe et de rejet, la mesure de l’acuité visuelle, l’examen qui apprécie l’état de la surface oculaire (recherche d’un syndrome sec, d’une insuffisance en cellules souches limbiques) et des paupières, la topographie et le siège d’éventuels néovaisseaux cornéens, la microscopie spéculaire en cas d’œdème cornéen débutant ou de cornea guttata, la pression intraoculaire, la recherche de goniosynéchies, l’état de la macula, l’échographie en mode B lorsque le fond d’œil n’est pas analysable, la biométrie en cas d’implantation et l’évaluation de l’état général. Celui-ci doit également rechercher une maladie générale auto-immune ou un diabète.

Technique

Avant l’intervention, le chirurgien doit prendre connaissance de la fiche du greffon et vérifier l’identification de celui-ci sur le flacon. Il doit s’assurer que les résultats des sérologies du donneur, reportés sur la fiche du greffon, sont conformes aux exigences légales et que la qualité du tissu est suffisante pour le succès de la kératoplastie. L’aspect macroscopique du greffon et la couleur du liquide de conservation doivent être contrôlés. Dans le cadre d’un programme d’assurance-qualité, il convient d’envoyer le liquide de conservation et la collerette cornéo-sclérale du greffon au laboratoire de microbiologie pour un contrôle bactériologique et mycologique. L’intervention peut être réalisée sous anesthésie locale ou générale. Si l’on a recours à l’anesthésie péribulbaire, il est important d’obtenir une bonne akinésie et une bonne hypotonie du globe oculaire. Le premier temps de l’intervention est la trépanation du greffon. Toutes indications confondues, le diamètre de trépanation du receveur le plus courant est de 8 mm avec un greffon trépané à 8,25 mm par voie postérieure ou 8 mm par voie antérieure. Ce diamètre correspond à un compromis. En effet, un grand diamètre de trépanation permet de greffer un grand nombre de cellules endothéliales, de diminuer le risque d’astigmatisme géant postopératoire, mais s’accompagne d’un risque majoré de rejet immunologique. A l’inverse, une trépanation de petit diamètre permet de diminuer le risque de rejet, mais diminue également le nombre de cellules endothéliales greffées, et augmente le risque d’astigmatisme géant postopératoire. Le deuxième temps opératoire est la trépanation de la cornée réceptrice. Il faut tout d’abord repérer le centre de la trépanation. On peut également ensuite marquer une zone optique ronde de 4 mm, à l’aide d’un marqueur de kératotomie radiaire, ce qui permet de mieux vérifier que l’on reste centré en cours de trépanation. Enfin, les huit hémi-méridiens principaux peuvent être également marqués, afin de mieux placer les points cardinaux. Certains utilisent, essentiellement chez l’aphake, un anneau de Flieringa qui est suturé au globe, dans la région de la pars plana, par des points séparés de Vicryl 5/0. Ceci permet de maintenir la conformation du segment antérieur pendant la trépanation à main levée et d’éviter le collapsus du globe, surtout en cas de vitrectomie préalable. La trépanation est réalisée sous microscope opératoire, en vérifiant que le centrage précédemment déterminé est bien respecté. Elle est réalisée soit à main levée à l’aide d’un trépan à usage unique, soit avec un dispositif à succion qui permet de maintenir fixe le trépan. La trépanation est secondairement complétée, après avoir rempli la chambre antérieure avec une substance viscoélastique, avec une lame ou des ciseaux de kératoplastie droit et gauche.

Table des matières

INTRODUCTION
PREMIERE PARTIE
1. RAPPEL EMBRYOLOGIQUE DE LA CORNEE
2. RAPPEL ANATOMIQUE DE LA CORNEE
2.1. Anatomie macroscopique
2.1.1. Forme et mensurations
2.1.2. Rapports
2.1.3. Innervation
2.2. Anatomie microscopique
2.2.1. Le film lacrymal
2.2.2. L’épithélium cornéen
2.2.3. La membrane de Bowman
2.2.4. Le stroma
2.2.5. La membrane de Descemet
2.2.6. L’endothélium cornéen
3. RAPPEL PHYSIOLOGIQUE DE LA CORNEE
3.1. Composition chimique de la cornée.
3.2. Propriétés physiques et physiologiques
3.2.1. Rôle mécanique
3.2.2. Fonction optique
3.2.3. Transparence cornéenne
3.2.4. Nutrition
3.2.5. Croissance et répartition tissulaire
4. LE GREFFON CORNEEN
4.1. Le prélèvement du greffon
4.1.1. Cadre législatif du prélèvement
4.1.2. Sélection des donneurs
4.1.3. Techniques de prélèvement
4.2. Conservation du greffon
4.3. Cession du greffon
5. LA KERATOPLASTIE TRANSFIXIANTE
5.1. Indications
5.1.1. Kératites infectieuses
5.1.2. Kératopathies bulleuses
5.1.3. Kératocône
5.1.4. Dystrophies cornéennes
5.1.5. Autres indications
5.2. Bilan préopératoire
5.3. Technique
5.4. Traitements postopératoires
5.4.1. Traitement local
5.4.2. Traitement général
5.5. Gestion postopératoire des sutures
5.6. Suivi du patient
5.7. Evolution et Pronostic
5.7.1. Evolution naturelle
5.7.2. Facteurs pronostiques
5.8. Complications
5.8.1. Complications peropératoires
5.8.2. Complications postopératoires
5.9. Résultats
6. LA KERATOPLASTIE LAMELLAIRE ANTERIEURE PROFONDE
6.1. Indications
6.2. Contre-indications
6.3. Techniques chirurgicales
6.4. Traitement postopératoire
6.5. Gestion des sutures
6.6. Suivi postopératoire des patients
6.7. Complications
6.8. Résultats
DEUXIEME PARTIE
1. CADRE D’ETUDE
2. PATIENTS ET METHODES
2.1. Patients
2.2. Méthodes
2.2.1. Evaluation préopératoire
2.2.2. Greffons
2.2.3. Données peropératoires
2.2.4. Données postopératoires
3. RESULTATS
3.1. Aspects démographiques
3.2. Aspects cliniques
3.2.1. Résultats préopératoires
3.2.2. Résultats peropératoires
3.2.3. Résultats postopératoires
DISCUSSION
1. SUR LE PLAN DEMOGRAPHIQUE
1.1. Age
1.2. Sexe
2. SUR LE PLAN CLINIQUE
2.1. Indications
2.2. Réépithélialisation du greffon
2.3. Complications peropératoires
2.4. Complications postopératoires
2.4.1. Hypertonie postopératoire
2.4.2. Rejet de greffe
2.4.3. Complications infectieuses
2.4.4. Double chambre antérieure
3. RESULTATS FONCTIONNELS
CONCLUSION
REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES
ANNEXES

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