LA LUTTE CONTRE LE DUMPING SOCIAL

LA LUTTE CONTRE LE DUMPING SOCIAL

« Dans l’hypothèse d’une concurrence interdite, celui qui fait acte de concurrence agit sans droit ; dans la concurrence déloyale, il fait un usage excessif de sa liberté ». Le doyen P. ROUBIER43 Bien que l’Union ait fait de son objectif premier le développement d’un espace économiquement fort à travers l’élaboration du principe de libre circulation, l’absence de législation sociale commune nuit à la cohésion européenne et crée une Europe à deux vitesses ; d’un coté l’Europe aux droits sociaux élevés, et de l’autre, l’Europe aux droits sociaux à élever. La naissance du dumping social compromet le système économique des pays membres en perturbant les règles de concurrence s’appliquant initialement au sein de chacun des Etats puisque, désormais, les travailleurs d’un Etat européen se verront confrontés à la concurrence salariale d’autres Etats européens. Cette lutte ne peut s’effectuer efficacement au niveau de chaque Etat européen pris individuellement (Section 1) et doit nécessairement faire l’objet d’une mesure européenne efficiente, permettant un réel contrôle de la légalité des opérations réalisées par l’application d’une des quatre grandes libertés européennes (section 2). Un contrôle s’assurant notamment, que l’opération ne soit pas réalisée par un usage excessif de ces libertés. 

L’impossibilité pour les Etats membres de contrer efficacement le dumping social

Une mesure visant à lutter contre le dumping social est une mesure qui fondamentalement vient restreindre la libre circulation des travailleurs et des services entre le pays qui promulgue la mesure, et un ou plusieurs autres Etats membres. Cette limitation de liberté se nomme entrave (I) et est interdite à défaut de justification (II). Paragraphe 1 – Une entrave à la liberté de circulation. L’adoption de mesure ayant pour objectif de réduire la concurrence social à pour effet de limiter la libre circulation des travailleurs sur le territoire de l’Etat et constitue ainsi une entrave à cette liberté fondamentale. Il existe deux types de mesure menant à cette entrave; les mesures purement discriminatoires (A) et les mesures restrictives indistinctement applicables (B). A/ L’interdiction des mesures discriminatoires. Fondement textuel – Ce principe est fondé sur plusieurs articles du Traité sur le Fonctionnement de l’Union européenne. Bien que l’article 18 TFUE prohibe catégoriquement, et de manière générale, toute mesure discriminatoire en raison de la nationalité , ce principe fait l’objet de dispositions spécifiques en matière de liberté 44 d’établissement et de libre prestation de service. En effet, l’article 56 TFUE dispose en ces termes que : « Dans le cadre des dispositions ci-après, les restrictions à la libre prestation des services à l’intérieur de l’Union sont interdites à l’égard des ressortissants des États membres établis dans un État membre autre que celui du destinataire de la prestation » . Tandis que l’article 49 TFUE dispose que : « les 45 Article 18 TFUE (ancien article 12 TCE): « Dans le domaine d’application des traités, et sans préjudice des 44 dispositions particulières qu’ils prévoient, est interdite toute discrimination exercée en raison de la nationalité ». Article 56 TFUE (ancien article 49 TCE) 45 Page 31 sur 100 restrictions à la liberté d’établissement des ressortissants d’un État membre dans le territoire d’un autre État membre sont interdites » . 46 Il existe cependant plusieurs sortes de discrimination; la discrimination directe (1) et la discrimination indirecte (2).

La discrimination directe

Définition – Est considérée comme directe, toute discrimination, résultant « des législations, réglementations ou pratiques nationales », ayant pour assise la 47 nationalité d’une personne, et pour effet de placer les ressortissants des Etats membres « dans une situation de fait ou de droit désavantageuse rapport à la situation faite, dans les mêmes circonstances, à un ressortissant de cet État membre ». 48 La règle du traitement national – C’est un principe selon lequel les ressortissants de l’Union (tant les personnes physiques que les personnes morales) présents sur le territoire d’un Etat membre, doivent être traités de la même manière que les ressortissants nationaux de ce même Etat. Cette règle s’applique quel que soit l’acte (normatif ou non normatif ) et l’autorité qui l’a promulgué . Ainsi, une personne qui 49 50 ouvre un établissement dans un Etat membre de l’Union est assuré de bénéficier du traitement national appliqué à tout ressortissant de l’Etat d’accueil, quand bien même il serait question d’un établissement secondaire .

Précision sur la règle du traitement national

– L’application stricte de la règle du traitement national, aux prestataires de service, serait susceptible de leur faire supporter des exigences propres à la liberté d’établissement alors qu’ils n’exécutent qu’une activité temporaire sur le territoire d’un autre Etat membre, et serait donc constitutive d’une entrave. De même, l’application du traitement national peut parfois amener à la création de discrimination à rebours lorsque les règles régissant les ressortissants d’un Etat sont plus sévères que les règles appliquées par un ou plusieurs autres Etats membres. A titre d’exemple: la Cour de Justice des Communautés européennes a reconnu le 12 Juillet 1984 que la liberté d’établissement impliquait la possibilité de créer plus d’un établissement sur le territoire de l’Union et ce malgré la règle d’unicité de cabinet qui devenait alors contraire au droit de l’Union . Dans cette situation, l’égalité de 52 traitement suppose le droit pour un ressortissant de l’Union européenne de créer un établissement dans un autre Etat membre sans avoir besoin d’abandonner le premier. Si cet Etat membre d’accueil connait la règle d’unicité d’établissement, alors le ressortissant étranger pourra (en plus de s’établir sans supprimer son premier établissement) ouvrir plusieurs établissements dans le pays d’accueil alors même que ceci est interdit au ressortissant national. Ainsi, le non-ressortissant de l’Etat membre d’accueil se verra conférer plus de droits que le ressortissant national sans que cela ne soit sanctionné par l’Union européenne puisque son but est de favoriser la liberté de circulation. De sorte que l’effet n’y faisant pas obstacle, la discrimination à rebours n’est pas contraire au droit de l’Union (car il suffira au ressortissant national de mettre en oeuvre sa liberté de circulation pour contourner l’effet de la discrimination). 

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