La lymphopoïèse B primitive

Actuellement, la cytométrie en flux (CMF) représente une étape essentielle dans le diagnostic et le suivi de la plupart des hémopathies malignes, elle est devenue depuis quelques années un outil indispensable dans le diagnostic des syndromes lymphoprolifératifs chroniques à dissémination sanguine, où l’immunophénotypage permet l’identification de la lignée en cause, B ou T, et très souvent une approche très précise du diagnostic. La CMF permet, quand les cellules sont dissociées, ce qui est la règle générale dans les hémopathies, d’effectuer une analyse des protéines membranaires mais aussi intracytoplasmiques. Ainsi, il est possible de déterminer des sous-populations cellulaires minoritaires, dont le caractère anormal ne peut provenir que de l’expression concomitante de deux marqueurs, qui, pris séparément, ne sont pas obligatoirement anormaux. Cette technique, qui s’est imposée dans le diagnostic des leucémies aiguës, voit son intérêt croître aujourd’hui, dans le cadre des lymphopathies qui sont de plus en plus fréquentes et dont les classifications notamment de l’OMS intègrent maintenant le phénotypage.

La leucémie à tricholeucocytes (LT) une hémopathie extrêmement rare, fait partie des syndromes lymphoprolifératifs B. Dans le diagnostic de la LT, la CMF prend une place très importante pour différencier la LT de ses variantes qui sont cytologiquement identiques mais totalement différentes au niveau thérapeutique et pronostic.

La Lymphopoïèse

Les lymphocytes sont les cellules centrales du système immunitaire. Ils assurent les fonctions essentielles d’identification de l’antigène participant avec les macrophages à la réaction immunitaire qui provoque la neutralisation et l’élimination des agents étrangers. Sous un apparent monomorphisme, les lymphocytes constituent des populations dotées de fonctions très différentes, caractérisées par une structure membranaire capable de reconnaître un antigène: les immunoglobulines de surface pour les lymphocytes B, le récepteur à l’antigène (TCR) pour les lymphocytes T. Les lymphocytes B, T et NK proviennent d’une sous population de cellules souches, dérivées de la cellule souche hématopoïétique primitive, qui sont principalement retrouvées au niveau du foie fœtal, puis de la moelle osseuse. Ce progéniteur correspondrait au phénotype CD34+CD38 faible CD45 RA(-) et conserve les potentialités de donner naissance à des cellules lymphoïdes et myéloïdes.

La lymphopoïèse B primitive

Les lymphocytes B se différencient à partir de cellules souches CD34+ (CFU-L), dans le microenvironnement du foie fœtal, puis vers la fin de la gestation chez le fœtus, puis chez l’enfant et l’adulte au niveau de la moelle hématopoïétique. Chez le fœtus, la lymphopoïèse B s’effectue à partir de la 9ème semaine dans le foie fœtal. Chez les oiseaux, il existe un organe central de différenciation des lymphocytes B, individualisé au niveau de l’extrémité caudale du tube digestif, la Bourse de Fabricius. Les mammifères et l’homme ne possèdent pas d’organe exclusivement spécialisé dans la lymphopoïèse B.

La moelle osseuse n’est pas un organe lymphoïde à proprement parlé, puisqu’on y trouve aussi toutes les lignées myéloïdes. Le pourcentage de lymphocytes dans le myélogramme est inférieur à 10 % des cellules nucléés. Ils sont dispersés au sein du tissu hématopoïétique, ou rassemblés en petits amas, formant des nodules lymphoïdes. La fréquence de ces nodules augmente avec l’âge. Au delà de 60 ans, on peut les observer dans 10 % des biopsies médullaires. Chez l’enfant, le pourcentage de lymphocytes du myélogramme peut atteindre 30 à 40 % avec présence identifiable des stades immatures des précurseurs lymphoïdes. C’est au niveau de la moelle osseuse que la cellule souche primitive hématopoïétique va s’orienter dans la différenciation lymphoïde B (CFU-LB) (1).Certains progéniteurs se multiplient au contact de l’endoste des travées osseuses, et des cellules du microenvironnement qui sécrètent les cytokines nécessaires à la multiplication et à la différenciation cellulaire. L’IL.3, IL.7, et IL.4 favorisent l’engagement et la prolifération des lignées lymphoïdes amplifiées par d’autres cytokines notamment le SCF (Stem Cell Factor) IL.l, TNF, et IL.6 .

Les cellules proB, sont individualisées à partir de cellules souches lymphoïdes B, caractérisées par l’expression membranaire d’un certain nombre de protéines plus ou moins restreintes à la lignée B. De nombreuses protéines sont appelées par l’initiale CD (classe de différenciation) suivi par un numéro d’identification. Cette nomenclature a été initialement développée pour permettre l’identification des protéines membranaires ou des complexes protéiques, caractérisés par leurs propriétés physiques (poids moléculaire) ou leurs interactions avec un anticorps spécifique mais dont les fonctions biologiques n’étaient pas identifiées (2). Le stade de cellules proB est caractérisé par l’expression des antigènes CD19 et CD10 ou antigène CALLA (Common Acute Lymphoblastic Leukaemia Antigen) identifié à partir de son expression au niveau des cellules des proliférations de leucémie aiguë lymphoblastique et correspondant à une protéine de 100 kd, dotée d’une activité enzymatique d’endopeptidase, clivant les peptides à distance de leurs extrémités. Ces cellules expriment également un enzyme nucléaire Tdt (Terminal Déoxynucleotidyl Transférase) et des protéines RAG1 et RAG2 qui sont des produits de gènes activant les phénomènes de recombinaison. Ces cellules expriment à leur surface les protéines CD24/CD20 et les chaînes du complexe majeur d’histocompatibilité de classe II HLA DR qui seront exprimées tout au long de la maturation des lymphocytes B .

Le stade des cellules préB est caractérisé par l’expression de ces protéines ainsi que par les réarrangements des segments des gènes de la chaîne lourde des immunoglobulines (H) portés par le chromosome 14q32 qui associent les segments DH (diversité) et JH (jonction) au segment VH (variabilité) associant ces séquences variables aux séquences constantes, réalisant la diversité des combinaisons des chaînes et l’expression de la chaîne d’isotype µ exclusivement. Cette protéine possède une courte région hydrophobe à son extrémité carboxyterminale qui lui permet d’intégrer aux membranes cellulaires. Les chaînes lourdes ne peuvent être transportées à la surface que si elles sont couplées à une chaîne légère. Ces chaînes µ restent dans un premier temps dans le réticulum endoplasmique, puis quelques unes d’entre elles seront associées à des protéines, substituts de chaînes légères pour former un complexe qui sera transitoirement exprimé à la membrane. Il ne s’agit pas de vraies immunoglobulines, mais ce récepteur joue un rôle important dans la différenciation initiale des cellules B (3) (4). La plupart des leucémies aiguës lymphoblastiques (80 %) (1) relève de dérèglement au niveau de ces deux premiers stades de la différenciation.

La lymphopoïèse B antigène-dépendante

Les lymphocytes B matures primitifs ou naïfs, sont quiescents, ils ont la morphologie de petits lymphocytes et gagnent les organes lymphoïdes périphériques. La plupart de ces lymphocytes vierges ont une durée de vie courte et sont programmés pour mourir en quelques jours. Les lymphocytes B doivent recevoir simultanément à cette activation un stimulus d’un lymphocyte T auxiliaire par l’intermédiaire de cytokines, ou de façon plus efficace par un contact direct entre le lymphocyte T auxilliaire et le lymphocyte B. Un antigène injecté dans un territoire sous cutané parviendra au ganglion, ou dans la rate s’il est introduit par voie sanguine. Une partie de cet antigène est captée par des macrophages qui ne sont pas associés à des cellules lymphoïdes (au niveau du foie, du poumon, de la pulpe rouge de la rate et de la zone médullaire des ganglions) et n’initient pas de réaction d’immunisation. Le reste de l’antigène parvient au cortex profond des ganglions, stimule un petit nombre de lymphocytes B et T qui vont initier la réponse primaire. Quelques lymphocytes B se différencient en plasmocytes, ils produisent des IgM et migrent vers la région médullaire. Simultanément, les autres lymphocytes B activés migrent vers les amas folliculaires du cortex superficiel et se multiplient activement pour former le centre germinal.

Table des matières

INTRODUCTION
PREMIERE PARTIE : CONSIDERATIONS THEORIQUES
I.1- La lymphopoïèse
I.1.1 – La lymphopoïèse B primitive
I.1.2 – La lymphopoïèse B antigène-dépendante
I. 2 – Syndromes lymphoprolifératifs B
I. 2.1 – Leucémie à tricholeucocytes
II. 2.1.1 – Description clinique
I. 2.1.2 – Les aspects biologiques
I. 3 – La cytométrie en flux
I. 3.1 – Les détails techniques
I. 3.2 – Les anticorps monoclonaux
I. 3.3 – Les principaux fluorochromes
I. 3.4 – Le rôle de la cytométrie en flux dans les hémopathies
I. 3.5. – Les principales pathologies pouvant bénéficier de la cytométrie en Flux
DEUXIEME PARTIE : MATERIELS D’ETUDE
III .1- Objectifs
II. 2 – Matériel d’étude
II. 2. 1 – Patients
II. 2.2 – Les techniques d’étude
II. 2.2.1 – Hémogramme
II. 2.2.2 – Médullogramme
II. 2. 2. 3 – Etude immunophénotypique
II. 2.3 –Résultats
TROISIEME PARTIE : COMMENTAIRES ET DISCUSSIONS
III .1- Epidémiologie
III. 2 – Etiologie et physiopathologie
III. 3 – Description clinique
III. 4 – Examens biologiques
III. 4.1 – Hémogramme
III. 4.2 – Myélogramme. Biopsie ostéomédullaire
III. 4.3 – Histologie splénique
III. 4.4 – Colorations particulières
III. 4.5 – Immunophénotypage par cytométrie de flux
III. 5 – Formes atypiques
III. 5.1 – Leucémie à tricholeucocytes « variante »
III. 5.2 – La forme japonaise de leucémie à tricholeucocytes
III. 6 – Diagnostics différentiels
III. 6.1 – Lymphome splénique à lymphocytes villeux
III. 6.2 – Les autres syndromes lymphoprolifératifs B
III. 7 – Etude de la maladie résiduelle
III. 8 – Autres techniques
SUGGESTIONS ET PERSPECTIVES
CONCLUSION
ANNEXES

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