Analyses fonctionnelles de mutations du gène SCN5A impliquées dans le syndrome de Brugada

Analyses fonctionnelles de mutations du gène SCN5A impliquées dans le syndrome de Brugada

Le cœur 

Anatomie 

Le cœur est divisé en trois étages fonctionnels : un étage auriculaire et un étage ventriculaire, constituant la composante musculaire, et un étage artériel (artère pulmonaire et aorte). Le rôle du cœur est de permettre la circulation du sang, apportant aux organes oxygène et nutriments. La fonction de cette pompe se décompose en quatre étapes séquentielles : (1) la diastole auriculaire, pendant laquelle le sang entre dans les oreillettes, (2) la systole auriculaire, qui est un phénomène de contraction des oreillettes permettant de faire passer le sang à travers les valves auriculoventriculaires et de mettre les ventricules sous pression, (3) la systole ventriculaire, qui est un phénomène de grande pression et permet de faire passer le sang des ventricules aux artères aortique et pulmonaire capables de se dilater pour recevoir un flux sanguin important. (4) La fermeture des valves aortiques et pulmonaires empêche le reflux sanguin. La systole est un phénomène de contraction musculaire. Elle est initiée par un courant électrique généré par un mouvement d’ions entre l’extérieur et l’intérieur des cellules musculaires. Ce mouvement est possible grâce aux canaux dépendants du potentiel, sélectifs d’une espèce ionique, qui sont enchâssés dans la membrane plasmique. Ces canaux sont responsables de la dépolarisation puis de la repolarisation de la membrane des cellules excitables, et génèrent ainsi le potentiel d’action. 

Le potentiel d’action initiateur de la contraction cardiaque 

L’électrocardiogramme de surface (ECG) est la résultante des potentiels d’actions cardiaque (Figure 1), eux mêmes orchestrés par le fonctionnement de nombreux canaux (Figure 2). Les différentes formes de potentiels d’action sont dues à des différences d’expression « régionales » des canaux au sein du myocarde, et jouent un rôle majeur dans la stabilité et la propagation du potentiel d’action à travers le mur ventriculaire (Figure 3 f,g,h). Un dérèglement de la balance des courants ioniques est considéré comme étant le principal substrat des arythmies cardiaques [1]. Ainsi, l’expression des canaux et la forme du potentiel d’action qui en résulte sont spécifiques d’une région anatomique (Figure 1). Par exemple, l’expression de certains canaux spécifique aux cellules P (Pace-maker) du 8 nœud sinusal, qui sont responsables de l’automatisme cardiaque, de se dépolariser sans aucune influence externe. Ou encore de moduler la vitesse de propagation du potentiel d’action selon la région anatomique à dépolariser. Dans le ventricule, le potentiel de repos des cardiomyocytes est compris entre -80 et -95 mV (Figure 2). Le seuil d’activation du canal sodique cardiaque, Nav1.5 est d’environ -60mV. Le courant INa qui en résulte (phase 0), permet un intense influx d’ions sodium entrant dans la cellule, dépolarisant la membrane à une vitesse d’environ 300 V/s ce qui correspond à la vitesse de dépolarisation maximum du potentiel d’action (dV/dtmax), pour atteindre environ +40mV. Puis, le canal sodique s’inactive pour laisser place au courant Ito généré par les canaux potassiques (KV4.2, 4.3 et 1.4) constituant la partie appelée « encoche » du potentiel d’action (phase 1). Il s’ensuit une lente activation du canal calcique dépendant du potentiel (Cav1.2) générant le courant Ica et de canaux potassiques générant le courant IKs. Il se met alors en place une balance entre le flux de calcium entrant et le flux de potassium sortant qui constitue le plateau du potentiel d’action (phase 2). Ce plateau est maintenu par le calcium provenant du réticulum sarcoplasmique. Enfin, la fermeture des canaux calciques mène à la repolarisation, qui constitue la phase 3 du potentiel d’action. Les canaux potassiques générant le courant IKs restent ouverts et les canaux responsables du courant IKr puis IK1 s’activent, générant une phase d’hyperpolarisation avant le retour au potentiel de repos (phase 4) (Figure 2) [2]. Le canal sodique cardiaque Nav1.5 joue un rôle primordial car il est responsable de l’initiation du potentiel d’action et donc de sa propagation, mais aussi de la durée de celui-ci. En effet, une partie de ces canaux peut se rouvrir durant la phase de plateau du potentiel d’action générant ainsi un courant entrant tardif [3]. Une perte de fonction du canal sodique peut, d’une part, altérer la vitesse de dépolarisation d’un myocyte (dV/dtmax) et par voie de conséquence ralentir la vitesse de propagation du potentiel d’action au sein du myocarde, et d’autre part, engendrer une repolarisation plus précoce. Le retard de dépolarisation et la repolarisation précoce sont les hypothèses émises pour expliquer le syndrome de Brugada et feront l’objet du chapitre II.E. 

Le couplage excitation-contraction 

La dépolarisation due à l’ouverture du canal sodique permet l’ouverture du canal Ca2+ dépendant du potentiel (Cav1.2). Le Ca2+ entre dans la cellule et se fixe sur le canal calcique RyR2 (le récepteur de la ryanodine) présent dans la membrane du réticulum sarcoplasmique. L’ouverture de ce dernier permet une libération massive de Ca2+ par le réticulum sarcoplasmique, ainsi la concentration cytoplasmique de Ca2+ peut être multipliée par mille et passer de 0.1 µM à 0.1mM. Ce mécanisme est 9 appelé « calcium Induced calcium release » pour « Libération du calcium induite par le calcium ». Au repos, le complexe tropomyosine/troponine masque le site d’interaction entre actine et myosine, lorsque la teneur en Ca2+ du cytoplasme dépasse 10 µM, la troponine C fixe 4 atomes de Ca2+ et libère le site d’interaction entre l’actine et la myosine, permettant le mouvement de la myosine le long de l’actine grâce à l’hydrolyse d’ATP. La contraction conduit au raccourcissement des sarcomères et au rapprochement des stries Z. Elle prend fin lorsque la concentration en Ca2+ retrouve sa valeur de repos (0.1 µM) .

La propagation du potentiel d’action, un substrat pour les arythmies 

La vitesse de propagation du potentiel d’action joue un rôle primordial dans le syndrome de Brugada. L’impulsion cardiaque a pour origine le nœud sinusal situé dans l’épicarde de l’oreillette droite sous la veine cave supérieure (Figure 3a). Ce nœud, aussi appelé nœud de Keith et Flacks est constitué des cellules P (pace-maker) qui sont le support de l’automatisme cardiaque et battent à la fréquence la plus élevée. Le nœud sinusal initie donc le processus de dépolarisation des oreillettes droite puis gauche (Figure 3b, c). La dépolarisation de celles-ci à la vitesse d’environ 90 cm/s est représentée par l’onde P sur l’ECG. La propagation continue de façon nettement plus lente à travers le nœud auriculo-ventriculaire (Nœud d’Aschoff-Tawara), puis s’accélère dans le faisceau de His à la vitesse d’environ 2 m/s pour gagner les branches du faisceau de His (Figure 3d) : la branche droite qui reste compacte sur une grande partie de son trajet, la branche gauche qui, après un trajet compact de 1 à 2 mm, se divise finalement en deux faisceaux, l’un antérieur l’autre postérieur (Figure 3e). Finalement, chaque branche se divise en réseau de Purkinje (Figure 3d). Il est important de noter que toutes ces formations sont sous-endocardiques. En effet, l’activation ou dépolarisation myocardique ventriculaire (QRS de l’ECG) se fait de l’endocarde vers l’épicarde, à raison de 1 à 2 m/s dans les deux tiers sous-endocardiques et de 0.3 à 0.4 m/s dans le dernier tiers sous-épicardique (Figure 3 g et h flèche jaune). Classiquement, la première électronégativité apparait sous l’endocarde septal gauche (flèche jaune Figure 3f), au tiers moyen du septum créant l’onde Q dans la dérivation précordiale I, II et R dans la III. Il s’ensuit la dépolarisation apicale créant l’onde R dans les dérivations I, II, et III. Enfin, la dépolarisation du ventricule gauche créée l’onde S en dérivation III et accroit l’onde R dans les deux premières dérivations. Ainsi, la propagation du potentiel d’action dans le myocarde suit une voie très précise à une vitesse spécifique de la région anatomique traversée. Elle est régulée par l’expression des canaux dans chaque type cellulaire, et le canal sodique cardiaque, Nav1.5, joue un rôle majeur dans ce phénomène. Toute perturbation de ce cycle, tant dans la vitesse que dans la voie qu’emprunte la dépolarisation, peut être arythmogène. Par ailleurs, la fréquence cardiaque peut être régulée par le système nerveux extrinsèque, qui fait appel au système nerveux sympathique (cardioaccélérateur) et parasympathique (cardiomodérateur). Tous deux, peuvent dans certains cas, à l’effort ou au repos, favoriser la fibrillation ventriculaire [6]. Aussi, nous verrons plus en détail dans le chapitre suivant, les Figure 3 : La propagation du potentiel d’action, un substrat pour les arythmies Modifié de: http://www.blaufuss.org/SVT/index2.html a b c d e f g h Le cycle de dépolarisation cardiaque est présenté e n jaune de a à h. Les flèches représentent la direction de la dépolarisation. Toute perturbation de ce cycle, tant dans la vitesse que dans la voie qu’emprunte la dépolarisation, peut être arythmogène. Les mutations impliquant des pertes de fonction de N av1.5 retardent la vitesse de dépolarisation e tpeuvent être à l’origine du syndrome de Brugada. 11 spécificités arythmiques et électrocardiographiques du syndrome de Brugada dans le cadre d’une perte de courant INa.

Table des matières

Avant propos
Introduction.
I. Le cœur.
A/ Anatomie
B/ Le potentiel d’action initiateur de la contraction cardiaque
C/ Le couplage excitation-contraction
D/ La propagation du potentiel d’action, un substrat pour les arythmies
II. Le syndrome de Brugada (SBr)
A/ Historique
B/ Epidémiologie du syndrome de Brugada
C/ Génétique du syndrome de Brugada
D/ Phénotypes cliniques du syndrome de Brugada
E/ Rôle de la perte du courant INa dans l’élévation du segment ST
E.1/ Hypothèse de la repolarisation précoce
E.2/ Hypothèse de la dépolarisation retardée
III. La sous-unité  du canal sodique cardiaque Nav1.5
A/ Evolution des canaux sodiques dépendants du potentiel à l’origine des tissus excitables .
A.1/ Evolution de la sélectivité du pore
A.2/ Evolution de l’inactivation rapide
A.3/ La famille des canaux sodiques Nav1.X chez les mammifères
B/ Le canal sodique cardiaque dépendant du potentiel, Nav1.5
B.1/ Les isoformes du canal sodique Nav1.5
B.2/ Structure du canal sodique Nav1.5
C/ La partie N-terminale des canaux sodiques dépendants du potentiel
D/ Régions de régulation post-traductionnelle
IV. Les sous-unités Nav structure et fonctions.
A/ Les sous-unités Nav1 et Nav1B
B/ La sous-unité Nav2
C/ La sous-unité Nav3
D/ La sous-unité Nav4
V. Les partenaires du canal sodique cardiaque Nav1
A/ Les protéines d’ancrage ou adaptatrices
A.1/ L’ankyrine-G / syndrome de Brugada de type
A.2/ La syntrophine 1 / SQTL de type
A.3/ La SAP
A.4/ MOG1 / syndrome de Brugada de type
A.5/ L’alpha-actinine-2
B/ Les Enzymes
B.1/ L’ubiquitine ligase Nedd4
B.2/ La CAMKII
B.3/ La protéine Tyrosine Phosphatase PTPH1
C/ Les protéines capables de modifier les propriétés biophysiques du canal
C.1/ La protéine 14-3-3
C.2/ La cavéoline-3 / SQTL type
C.3/ FHF1B ou FGF12-1b
C.4/ La calmoduline 60
C.5/ La protéine GPD1L / syndrome de Brugada de type 2
C.6/ La téléthonine
C./ La plakophiline-2
D/ Conclusions sur les partenaires et perspectives
VI. Objectifs du travail de thèse
Résultats
I. Etude fonctionnelle de mutations de la partie N-terminale du canal sodique Nav1.5
A/ Résumé de l’article soumis pour publication : “Dominant-negative suppression of the cardiac
sodium channel by N-terminal mutations”
A.1/ Introduction
A.2/ Résultats
A.3/ Conclusion
A.4/ Article
B/ Implication de la partie N-terminale dans la fonction du canal sodique cardiaque
II. Etude fonctionnelle d’une mutation induisant la formation d’un codon stop prématuré dans
la partie C-terminale de Nav1.5
A/ Introduction
B/ Résultats
Discussion
I. Etude fonctionnelle de la partie N-terminale du canal sodique Nav1.5
II. Discussion préliminaire sur l’étude fonctionnelle du canal R160GfsX12-Nav1
Conclusion
Bibliographie

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