Devenir neurologique des éclamptiques à long terme

L’éclampsie est un accident paroxystique à expression neurologique dominante des Pré- éclampsies méconnues ou maltraitées. Elle constitue une véritable urgence médicoobstétricale. L’étiologie de l’éclampsie reste inconnue et son traitement repose sur des moyens symptomatiques dont la plupart découlent des données physiopathologiques acquises progressivement. Les aspects neurologiques de l’éclampsie ne sont rapportés dans la littérature que sous formes de cas sporadiques[1].

L’Eclampsie constitue un problème majeur de santé publique, responsable d’environ 50.000 décès maternels par an dans le monde. Elle reste parmi les premières causes de mortalité maternelle dans les pays en voie de développement. Dans les pays industrialisés ayant des programmes efficaces de dépistage prénatal de la pathologie, la qualité de suivi des grossesses, l’amélioration des thérapeutiques et des recherches poussées ont rendu la maladie une complication rare de la grossesse. Malheureusement, ces changements n’ont pas eu lieu dans les pays en voie de développement et l’éclampsie continue d’être une pathologie majeure de la grossesse [2]. Par ailleurs, il n’existe pas de données dans la littérature sur le devenir et les séquelles neurologiques à distance de l’épisode de l’éclampsie, d’autant plus que nous ne disposons pas de consultation postpartum où on pourrait détecter ces anomalies.

Généralités sur l’éclampsie 

Terminologie

La définition des désordres hypertensifs survenant au cours de la grossesse amène à distinguer plusieurs types d’atteinte. Selon la nouvelle recommandation 2013de « American College of Obstetricians & Gynecologists », il y a quatre catégories de l’hypertension artérielle lors de la grossesse :

Pré-éclampsie-Eclampsie :
Il s’agit d’une élévation de la tension artérielle au-delà de la 20ème SA avec une protéinurie ou toute forme sévère de la pré-éclampsie.

Hypertension artérielle Chronique :
Se définit comme une hypertension artérielle qui existait avant la grossesse.

Hypertension artérielle chronique surajoutée d’une Pré-éclampsie ’:
Se définit comme une HTA chronique associée à une pré-éclampsie.

Hypertension artérielle gravidique:
Se définit comme une élévation de la tension artérielle au-delà de la 20ème SA sans protéinurie ni autres signes de la pré-éclampsie.

La Pré- Eclampsie sévère:
Se définit comme une élévation de la tension artérielle (TAS ≥ 160 mm Hget/ ou TAD≥ 110 mm Hg) avec une thrombopénie (taux de plaquettes < 100,000/µl), dégradation progressive de la fonction rénale (créatininemie > 1,1 mg/dl ou dédoublement de créatininemie en dehors de toute pathologie rénale), perturbation de la fonction hépatique (taux des transaminases augmenté audelà de deux fois la normale), œdème pulmonaire et de récenttrouble cérébralou visuel.

L’éclampsie :
Se définit comme une convulsion et/ ou coma inexpliqué qui se déroule lors de la grossesse ou en post-partum chez une patiente présentant les signes ou symptômes de la prééclampsie.

Rappels

Physiopathologie des lésions cérébrales au cours de l’éclampsie ;
Les hypothèses physiopathologiques évoquées n’ont pas été clairement démontrées, et différent selon l’étiologie. La voie finale serait deux théories qui s’opposent pour expliquer les anomalies constatées : la théorie du vasospasme et la théorie de l’encéphalopathie hypertensive.

La théorie du vasospasme :
Il y a une réaction d’autorégulation excessive de la circulation cérébrale en réponse à l’HTA, avec une vasoconstriction protectrice allant jusqu’au vasospasme, entrainant ischémie et œdème cytotoxique. Ce phénomène d’autorégulation de la circulation sanguine cérébrale s’explique par la capacité intrinsèque du débit sanguin cérébral à se maintenir constant lors de variations tensionelles systémiques, et ce par des ajustements vasomoteurs locaux. A la phase aigue de l’ischémie cérébrale, l’interruption du flux sanguin cérébral entraine très rapidement une défaillance du métabolisme énergétique et des pompes ioniques transmembranaires. Il en résulte un afflux massif de l’eau du secteur extracellulaire vers le secteur intracellulaire, à l’origine d’un œdème cytotoxique. La survenue d’une hémorragie avoisinant les lésions ischémiques est attribuée à la transformation hémorragique, d’autant plus qu’il existe chez ces patientes des troubles de la coagulation.

La théorie de l’encéphalopathie hypertensive :
L’élévation brutale, parfois fugace, de la pression artérielle est responsable d’unedéfaillance de l’autorégulation cérébrale et d’une hyper perfusion cérébrale  avec vasodilatation artériolaire forcée. L’encéphalopathie hypertensive est la traduction clinique d’une rupture de la barrière hémato-encéphalique responsable d’une fuite liquidienne des vaisseaux vers le parenchymecérébral et donc d’un œdème vasogénique réversible par augmentation excessive du gradient de pression hydrostatique. On peut estimer ce gradient de pression par le calcul de la pression de perfusion cérébrale : PPC = PAM – PIC.Ainsi, l’élévation de la PAM au delà de 170 mm Hg entraine une distension passive des parois artériolaires. La limite supérieure de l’autorégulation cérébrale est dépassée et toute augmentation de la PAM est source d’une extravasation d’eau et de solutés dans le tissu cérébral. Cependant, la limite supérieure de l’autorégulation cérébrale peut être modifiée par des nombreux facteurs (vasodilatation induite par des médiateurs, lésions préalables de l’endothélium vasculaire, hypertension chronique…), de sorte que les valeurs seuils de la PAM ou de la PPC pouvant générer un œdème vasogénique sont difficiles à déterminer. L’augmentation de pression contre la paroi vasculaire des artères cérébrales serait à l’origine d’une contraction-dilatation des vaisseaux avec un aspect en  » chapelet de saucisses » détecté expérimentalement au niveau de la microcirculation cérébrale. L’œdème vasogénique atteint de préférence la substance blanche en raison de la meilleure complaisance liée à l’orientation parallèle des fibres à ce niveau. Il se développe en 4 heures, et devient maximum à la 24ème heure et disparait au 10èmejour. En effet, en l’absence d’ischémie secondaire à une hypertension intracrânienne, l’évolution spontanée de l’œdème vasogénique se fait vers sa résorption. Sa prédominance postérieure est expliquée par les particularités de l’autorégulation de la circulation postérieure qui repose au niveau des petits vaisseaux sur un mécanisme myogénique et neurogénique. Les lésions endothéliales et la surdistension par l’HTA diminuent la réponse myogénique, ce qui conduit à la compensation par le système sympathique, mais celui-ci est moins développé au niveau du système vertébro-basilaire et des artères cérébrales postérieures et il va en résulter une augmentation de la perfusion. L’altération de la BHE, l’hyper perfusion et l’hypertension artérielle conduisent à l’œdème vasogénique à prédominance postérieure.

Apport de l’imagerie dans la physiopathologie de l’Eclampsie
Les progrès de l’imagerie permettent de mieux appréhender le mécanisme des crises éclamptiques. L’imagerie par résonance magnétique montre bien la topographie postérieure des lésions œdémateuses. Dans la plupart des cas, elles sont occipito-pariétales, sous corticales et symétriques et semblent correspondre à un œdème vasogénique avec aspect de rupture de la barrière hématoencéphalique. La topographie des lésions vues à l’IRM au décours d’une crise d’éclampsie est très voisine de celle retrouvée dans l’encéphalopathie hypertensive et décrite comme leuco encéphalopathie postérieure réversible. Le mécanisme déclenchant est une distension (forçage) artériolaire et capillaire secondaire à une poussée tensionnelle avec rupture des jonctions entre les cellules endothéliales. Ceci explique la rupture de la barrière hémato-encéphalique avec transsudation locale, hémorragies pétéchiales péri vasculaires et thrombose. Des zones de vasodilatation et de vasoconstriction surviennent, particulièrement dans les zones frontières entre les territoires vasculaires. En général, ces lésions disparaissent après correction tensionnelle. La topographie des lésions s’explique probablement par la faiblesse de l’innervation sympathique dans les territoires postérieurs. Cependant, les choses ne sont pas toujours aussi claires car dans un certain nombre de cas, peuvent aussi être visualisées des lésions de type cytotoxique. En effet, grâce  à l’utilisation de technique d’imagerie en diffusion, qui révèle en hyperdensité des zones de nécrose cellulaire, des aspects évocateurs d’œdème cytotoxique ont été constatés. La distinction entre œdème vasogénique et cytotoxique est capitale pour la compréhension du mécanisme, le pronostic et le traitement de la crise éclamptique. Sur le plan de mécanisme, il a déjà été souligné que ni l’ancienneté, ni la sévérité de l’HTA ne sont toujours corrélées au risque d’Eclampsie. Les femmes qui convulsent ne sont pas forcément celles qui ont les tensions les plus élevées et l’éclampsie peut apparaître alors que la poussée d’HTA est maîtrisée. En termes de pronostic, il apparaît clairement que l’œdème vasogénique régresse sans séquelles neurologiques alors qu’il n’en est pas de même pour les lésions ischémiques. Enfin, si la normalisation tensionnelle semble efficace dans les œdèmes vasogéniques, elle pourrait être délétère en cas d’œdème cytotoxique, toute réduction de la pression de perfusion risquant d’accentuer l’ischémie.

Table des matières

INTRODUCTION
PATIENTES ET MÉTHODES
I. Critères d’inclusion
II. Critères d’exclusion
III. Déroulement de l’étude
IV. Analyse statistique
RÉSULTATS
I. Étapes de l’étude
II. Données sociodémographiques
1. Age
2. Origine
3. Niveau socio-économique
4. Situation familiale
5. Notion de régulation et de référence
6. Mise en condition avant transfert aux urgences maternelles de CHU Mohammed VI
7. Moment de survenue de l’éclampsie par rapport au terme de la grossesse
8. Suivie de la grossesse
9. Antécédentes
III. Analyse clinique
1. Crise éclamptique
2. Autres signes neurologiques
3. Tension artérielle
4. Protéinurie à la bandelette
IV. Analyse para clinique
1. Bilans biologiques
2. Imagerie
V. Analyse thérapeutique
1. Traitement médical
2. Prise en charge obstétricale
VI. Aspects évolutifs
VII. Prévalence des troubles neurologiques persistants
VIII. Étude des facteurs de risques des troubles neurologiques persistants
DISCUSSION
I. Généralités sur l’éclampsie
1. Terminologie
2. Rappels
3. Historique
4. Épidémiologie
5. Étude clinique
6. Études para cliniques
7. Aspects thérapeutiques
II. Prévalence des troubles neurologiques persistants et
Leurs Facteurs de risques
III. Limites de l’étude
CONCLUSION

Cours gratuitTélécharger le document complet

Télécharger aussi :

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *