Evolution historique de la notion de compétence

La notion de compétence

Evolution historique de la notion de compétence

Bronckart et Dolz (2002) nous renseignent que la notion de compétence est d’abord apparue dans le domaine juridique, pour signifier la reconnaissance à accomplir un acte. C’était aussi la reconnaissance des connaissances qui confèrent le droit de juger ou de prendre des décisions. On pouvait alors dire qu’un tribunal est compétent pour connaître un contentieux sur le mariage. C’est dans les années 80 que la notion de compétence fait son entrée dans le milieu du travail ; notamment dans le cadre de l’ergonomie du travail (Leplat, 2008, Montmollin, 1986). Elle vient bousculer la notion de qualification. En situation d’examen, les élèves mobilisent des savoirs et réussissent. Ce n’est pas toujours le cas dans des situations de vie. Perrenoud (1999) s’interroge en ces termes : « Et pourquoi ceux qui ont passé des examens ne parviennent-ils pas à se servir de leur savoir dans la vie, par exemple pour prendre soin de leur santé ou comprendre les enjeux politiques ? » La raison est que ceux-ci ne sont pas compétents. Pourtant beaucoup de temps et d’argent sont dépensés pour l’école avec l’espoir que cet « investissement va être utile ».

La formation permet d’obtenir des connaissances qui sont validées par des diplômes. Or l’évolution du cadre du travail ne permet plus aux travailleurs de s’en sortir avec les seules connaissances scolaires statiques et déclaratives (Bronckart et Dolz, 2002). Le travailleur doit sans cesse s’adapter à de nouvelles technologies. Pour cela il lui faut se doter de capacités à s’adapter à la flexibilité des situations de travail et aux nouveaux instruments. Le travailleur professionnel doit pouvoir prendre des décisions en temps réel malgré la variété des tâches auxquelles il fait face. Il apparait que la notion de compétence vient avec celle des savoir-faire. Le travailleur ne sera plus jugé seulement sur ses savoirs, mais également sur sa capacité à faire La notion de compétence 32 ce qu’il sait faire. Ce que nous venons de dire n’est qu’un des points de vue en ce qui concerne la compétence. En effet, plusieurs domaines de la société sont concernés et chacun développe ses propres repères.

En 2007, l’Inspection Générale de l’Education Nationale en France (MEN, 2007) faisait remarquer que la compétence est « une notion aux contours flous », « loin d’être claire et distincte ». Cependant, des points communs existent dans les multiples définitions données par les chercheurs. Tous parlent de la mobilisation et la mise en œuvre d’une diversité de ressources pour agir dans une situation donnée. La compétence fait donc référence à un individu en situation. Dans une étude publiée en 2015, Jonnaert, Furtuna, Ayotte-Beaudet et Sambote affirment que la notion de compétence reste floue. Dans beaucoup de systèmes éducatifs de la maternelle au supérieur, le développement des compétences est le but ultime des curricula, surtout dans les pays africains. Et c’est comme cela que chaque système essaie de définir la compétence à sa manière. Encore que dans le même système, la définition de la compétence ne fait pas toujours l’unanimité ; d’où les débats houleux entre les acteurs de l’éducation.

L’on confond objectif général et compétence, quand on ne les oppose pas (Jonnaert, Furtuna, Ayotte-Beaudet et Sambote, 2015). Pour ces auteurs, il est impérieux de re-problématiser la notion de compétence pour la dégager de la nébuleuse théorique dans laquelle les confusions et les glissements sémantiques l’ont enfoncée. L’étude aboutit à la conclusion qu’une compétence se construit par des personnes en situations. Et que la compétence caractérise le moment de l’harmonie entre ces personnes et ces situations ; c’est-à-dire le moment qui leur permet d’affirmer que leurs actions dans ces situations sont viables à cet instant. 

L’APC : contexte camerounais

L’approche par compétence dans le système éducatif camerounais est perçue de manière variée selon la posture de chaque maillon de la chaîne éducative. Le manque de cadrage précis à l’introduction de cette approche dans le système a donné lieu à des interprétations très différentes les unes des autres, parfois complémentaires et parfois apposées.

Une entrée semi-officielle

Selon une étude réalisée par le Bureau International de l’Education (BIE) en 2010, l’APC fait son apparition au Cameroun pour la première fois en 2001 à la faveur de la participation du pays à une formation des experts francophones en sciences de l’éducation dont les travaux ont porté sur l’APC. En 2003, l’APC est introduite dans le système éducatif au Cameroun dans le cadre d’un projet pilote visant à réduire les redoublements par le développement des activités de remédiation. Pendant l’année scolaire 2003-2004, l’APC est expérimentée dans 75 écoles pilotes pour mesurer son impact sur l’amélioration de la qualité de l’éducation. Par la suite, l’évaluation du projet souligne l’excellence des résultats obtenus.

Puis des formations sont organisées en faveur des responsables de la chaine de supervision pédagogique. Mais c’est seulement en 2006 que l’arrêté n° 315/B1/1414 du Ministre de l’Education de Base fait allusion aux compétences à maitriser par les élèves pour chaque niveau du cycle primaire. Par ce texte, le ministère de l’éducation de base procédait à l’adoption de l’APC sans avoir mené une réflexion globale sur les enjeux et les implications de la diffusion de ce type d’approches. Le ministère a été guidé en cela par les initiatives des partenaires extérieurs. La situation ainsi décrite dans l’enseignement primaire n’est pas différente dans l’enseignement secondaire. En effet, c’est grâce aux partenaires extérieurs, notamment l’OIF que l’enseignement secondaire technique s’est investi dans l’APC depuis 2004. L’enseignement secondaire général ne s’y intéressera qu’en 2013 lorsqu’il faut élaborer les curricula du premier cycle. Jusque-là, aucun texte sur le plan macro ne définit l’APC au Cameroun. Cette absence d’un dispositif de pilotage national entraine une mise en œuvre à différentes facettes et à différentes vitesses. 

Une mise en œuvre diversifiée de l’APC

Nous pouvons distinguer ici deux grandes entités : l’enseignement primaire et l’enseignement secondaire. Nous faisons le choix de ne pas parler de l’enseignement supérieur pour la simple raison que nous ne percevons pas pour le moment suffisamment d’indices permettant de soutenir un point de vue. Dans l’enseignement primaire, la notion de compétences apparait donc dans un texte officiel pour la première fois en 2006. Elle évoque les programmes de formation dont la révision n’est pas à l’ordre du jour en ce moment-là. La mise en œuvre de cet arrêté ministériel signifiait que l’on applique la notion de compétences à des programmes qui ont été conçus sans en tenir compte. Autrement dit, personne n’avait l’obligation de s’inscrire dans la logique de l’approche par compétences. Cependant, le concept suivait son bonhomme de chemin avec des formations qui s’adressaient surtout aux responsables pédagogiques nationaux au détriment bien entendu de l’enseignant de champ. C’est ainsi que jusqu’en 2009, les inspecteurs pédagogiques nationaux et régionaux avaient reçu entre 24 et 29 jours de formation à l’APC.

Pendant ce temps les enseignants, principaux utilisateurs de l’APC, recevaient à peine deux jours de formation par an, au mois d’octobre, lors de journées pédagogiques. Ces derniers étaient formés par les inspecteurs régionaux ou départementaux qui eux-mêmes avaient reçu la formation des nationaux. Dans le même temps, la formation initiale des instituteurs ne s’était pas encore adaptée à l’APC. C’est seulement en 2013 que de nouveaux programmes élaborés selon l’APC vont voir le jour pour la formation des Instituteurs de l’Enseignement Général (Minesec, 2013a). Ceux du cycle primaire révisés en 2018 pour être adaptés à l’APC, sont actuellement en cours d’expérimentation. Dans l’enseignement secondaire général, l’APC est mise en œuvre progressivement depuis 2014 à partir de la classe de sixième. A la rentrée 2018, la classe de seconde est entrée en scène avec de nouveaux programmes élaborés selon l’APC avec entrée par les situations de vie (Minesec, 2018).

Il faut noter ici que les programmes sont rédigés par les inspecteurs pédagogiques en respectant un regroupement des disciplines tel que prévu dans l’organigramme du ministère (Présidence de la République, 2012 p 4-8). Par exemple, l’inspection pédagogique chargée de l’enseignement des sciences va rédiger tous les programmes de mathématiques et des sciences physiques pour toutes les séries, tandis que l’inspection de pédagogie chargée de l’enseignement des langues va rédiger tous les programmes de langues pour toutes les séries. Dans l’enseignement normal technique et dans l’enseignement secondaire technique et professionnel, l’APC est introduite dès 2005 avec la formation des inspecteurs pédagogiques nationaux et l’écriture des premiers programmes grâce à l’appui des partenaires que sont l’UNESCO, la Commission scolaire des grandes seigneuries du Quebec, l’OIF et bien d’autres. En 2008, la spécialité Maintenance Hospitalière/Biomédicale (MHB) est lancée avec des programmes écrits selon l’APC. La spécialité Maintenance et Installation des Systèmes 35 Electroniques (MISE) est lancée en 2011. Et depuis lors, plusieurs autres spécialités ont suivi. Aujourd’hui, l’APC est généralisée dans l’enseignement de base et l’enseignement secondaire au Cameroun, mais des obstacles à son implantation effective existent.

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