La place des activités de remédiation et de consolidation dans les apprentissages

La place des activités de remédiation et de consolidation dans les apprentissages

Évaluation, erreur et remédiation : de l’expérience de terrain à la réflexion scientifique 

Conceptions et pratiques pédagogiques : un questionnement nécessaire 

Dans un premier temps, il me semble important de revenir sur quelques unes des principales difficultés que j’ai rencontrées sur le terrain cette année. Partant de ces constats, et à la lumière de lectures théoriques, de conseils, de recommandations et de récits d’expériences, j’expliquerai comment j’ai été amenée à repenser certaines de mes pratiques pédagogiques. Pour cette quatrième année de stage, j’ai la chance d’avoir été affectée dans un lycée d’exception. J’avais effectué en partie mon premier stage au lycée Arago en 2014-2015, avant de devoir m’arrêter pour des raisons de santé. De même à Sophie Germain, où je n’étais restée que quelques mois. Ces problèmes de santé étant derrière moi, j’ai la chance de pouvoir travailler, au lycée Charlemagne, dans des conditions idéales. Le fait de n’avoir qu’un niveau, contrairement aux années précédentes, me laisse beaucoup plus de temps pour la préparation des cours et les corrections. J’ai en charge trois groupes composés des deux tiers de trois classes de seconde ; 24 élèves de 2°1, et 23 élèves des classes de 2°3 et 2°7. La discipline, le respect et l’attention ne posent pas problème avec ces élèves sérieux, curieux et désireux de progresser. Les professeurs soulignent à chaque conseil de classe à quel point il est agréable de travailler avec eux. Pour ma part, en tant que professeur stagiaire, le fait de ne pas avoir à dépenser d’énergie dans la gestion de classe me permet de me concentrer sur le contenu et la mise en oeuvre de mes séances, en testant différentes modalités de travail, parfois avec plus ou moins de succès. Une des principales difficultés auxquelles j’ai été confrontée dès le début de l’année tenait à la prise en compte de l’hétérogénéité dans chacune de mes trois classes. En effet, si la plupart de mes élèves ont un niveau qui se situe entre B1 et B2 selon les activités langagières, les trois groupes sont hétérogènes avec, répartis sur les groupes, deux élèves bilingues dont une de niveau C2, quatre élèves de niveau C1 mais aussi cinq ou six élèves dont le niveau ne dépassait pas A1 en début d’année, en production écrite en particulier. La question de la différenciation, c’est à dire de la diversification de mes méthodes d’enseignement et des activités et tâches proposées pour répondre au mieux à la diversité des élèves, a donc été au coeur de ma réflexion dans un premier temps. Il s’agissait, en particulier dans ma classe de 2°3, de permettre aux élèves les plus en difficulté, ceux entrés en seconde avec un niveau 6 A1 en expression comme en compréhension, de pouvoir suivre et participer aux échanges. Je devais en même temps veiller à proposer un contenu culturel et une réflexion suffisamment riches pour que chacun progresse et apprenne, y compris mon élève bilingue franco-américaine. J’ai donc commencé à lire des travaux sur la différenciation, mais les articles que je trouvais étaient surtout théoriques quand j’avais plutôt besoin de conseils pratiques qui m’auraient renseignée sur la façon dont je pouvais différencier ma pédagogie, concrètement et dans le cadre d’activités ou de tâches précises. Sur les conseils de mes formatrices ESPE, j’ai néanmoins tenté de mettre en place quelques activités en différenciation, en formant dans un premier temps des groupes de besoins, puis des binômes tutorés1 . Mais outre les contraintes matérielles et l’investissement conséquent en termes de temps de préparation pour mettre en place ces séances, il m’a paru quelque peu difficile d’élaborer, dans le cadre de cette étude, une expérimentation qui aurait pu produire des résultats mesurables et quantifiables, car le sujet comme tel était trop large et nécessitait un recadrage. J’ai donc décidé de me concentrer sur une étape de l’apprentissage en particulier, durant laquelle il est nécessaire (comme à tout moment) de prendre en compte la diversité des élèves : le moment de la correction, c’est à dire le retour sur la production post-évaluation, qui donne lieu à des activités de remédiation et de consolidation. Différencier est alors une obligation pour remédier au mieux aux besoins de chaque élève, tout en consolidant leurs connaissances et leurs compétences. Il s’agit donc d’une étape-clé dans le processus d’apprentissage, dont j’ai mis un certain temps à mesurer l’importance. En effet, jusqu’au début de l’année, et les années précédentes, je n’avais jamais intégré la remédiation à mes pratiques pédagogiques. Pourtant, le fait que « l’évaluation condui[se] à la remédiation » est stipulé dans le Cadre Européen Commun de Référence pour les Langues (CECRL : 2001). Mais trop souvent, pour moi, comme pour les élèves, l’évaluation constituait une fin en soi, surtout lorsqu’elle avait lieu en fin de séquence et correspondait à la tâche finale. Lorsqu’il s’agissait de productions écrites, la remise des copies donnait généralement lieu à une correction frontale qui pouvait consister en une production-modèle que j’élaborais à partir des travaux de quelques élèves, ou un texte à trous à compléter de manière individuelle ou collective et qui revenait sur les erreurs linguistiques les plus fréquemment relevées dans les copies. Le tout était parfois accompagné d’une «fiche d’analyse de l’erreur » à compléter par les élèves (voir Annexe 1). Le problème de ces corrections frontales est qu’elles sont à la fois décontextualisées et non individualisées. Les modèles de productions proposés étaient inatteignables pour mes élèves de 1. Binôme dans lequel l’un des deux élèves joue le rôle de tuteur. 7 niveau A1, à ce stade de leur apprentissage de la langue. Quant aux textes à trous, qui portaient sur des points linguistiques très spécifiques, ils relevaient davantage de l’évaluation que de la remédiation et ne donnaient pas aux élèves les moyens de comprendre la cause de leurs erreurs pour pouvoir les corriger et ne plus les reproduire. En effet, je me suis rapidement aperçue que beaucoup d’élèves avaient tendance à refaire les mêmes erreurs linguistiques et/ou ne parvenaient pas à surmonter des difficultés d’ordre pragmatique (prise en compte de la situation d’énonciation, pertinence du contenu, organisation des idées, structure du texte). Or, l’autre problème majeur était que les corrections que je proposais ne visaient qu’une remédiation des erreurs portant sur la langue, et laissaient de côté les compétences pragmatiques et/ou culturelles, pourtant essentielles dans la construction du sens et l’ancrage des productions dans un contexte socio-linguistique significatif. D’où la nécessité de revenir sur mes pratiques pédagogiques, avec comme objectif de proposer, après les travaux de production écrite, une remédiation différenciée, adaptée aux besoins de chaque élève et portant non seulement sur des points linguistiques, mais aussi sur des compétences pragmatiques, culturelles et socio-linguistiques. Puisque cette étape de remédiation/consolidation intervient généralement après une évaluation, notée ou non, il m’a paru nécessaire d’effectuer des recherches et de lire un certain nombre de travaux sur l’évaluation et sur l’évolution du statut de l’erreur en vue de sa remédiation ; deux thèmes complémentaires qui ont et font toujours l’objet de nombreuses publications dans le champ de la recherche en didactique.

L’évaluation : positive et constructive

 Avant d’aborder la question de la remédiation et de la consolidation des acquis, il me semblait important de revenir sur l’évaluation, puisque ces deux étapes sont étroitement liées. Si la conception de l’évaluation a beaucoup évolué au cours de ces dernières décennies, toutes et tous s’accordent aujourd’hui à dire qu’elle doit être positive, formatrice et vectrice de progrès. Cette conception d’une évaluation positive est d’ailleurs celle qui est préconisée par l’Institution. Ainsi, le Bulletin Officiel du 10 février 2011 stipule que « L’évaluation visera à mettre en valeur ce que l’élève sait faire dans la langue étudiée plutôt que pointer ses lacunes. » On trouvait déjà cette préconisation dans un autre texte officiel publié en 2003, l’ « Accompagnement des programmes d’anglais pour la classe de seconde » : 8 L’évaluation diagnostique ne donne pas lieu à une note globale. Il en est de même de l’évaluation formative, qui doit être positive et incitative en cela qu’elle est conçue comme un élément de la formation des élèves. Au-delà du simple constat, les appréciations orales ou écrites du professeur peuvent également renseigner l’élève de manière nuancée sur ses réussites et ses points faibles, et lui donner des conseils pour qu’il puisse progresser. (2003). Selon cette définition, l’évaluation est donc partie intégrante du processus d’apprentissage, et en tant qu’ « élément de la formation des élèves », elle ne saurait se réduire à l’assignation d’une note sur une copie. Les auteurs du texte rappellent d’ailleurs que toutes les évaluations ne sont, et même ne doivent pas être notées. Ainsi, Claire Tardieu établit la distinction entre des termes tels qu’ « évaluer », « noter » et « contrôler », des mots couramment utilisés par les enseignants mais dont le sens n’est pas toujours précis. Le terme « évaluer », dont l’étymologie renvoie à l’ancien français value (valeur, prix), admet les trois significations suivantes2 : 1) « déterminer, délimiter, fixer avec précision » 2) « conjecturer, faire l’estimation d’une quantité, d’une durée qui n’est pas encore vérifiable » 3) « reconnaître la valeur de, estimer » (Tardieu : 2009) Comme l’explique Claire Tardieu, ces trois définitions semblent en partie contradictoires : Comment concilier en effet « détermination précise » e t « estimation approximative » ? La première définition suggère un jugement précis, avéré, objectif, relatif à une norme. La seconde entend plutôt un jugement global, prédictif et subjectif ; quant à la troisième, elle autorise la dimension subjective, voire affective. (Tardieu : 2009). En réalité, « évaluer » recouvre tour à tour des aspects de chacune de ces trois définitions. « Noter », ajoute Claire Tardieu, serait plus proche du troisième sens d’ « évaluer », puisqu’il s’agit, d’après le Petit Larousse, d’ « estimer, apprécier le travail, la conduite de quelqu’un ». Cependant, « noter » peut aussi avoir une autre signification : Mais « noter », c’est aussi, pour Littré « Marquer d’une manière défavorable, noter d’infamie, couvrir de honte ». L’ambivalence de la signification se traduit en termes de valeur dans l’attribution de « bonnes » ou de « mauvaises » « marques ». (Tardieu : 2009). La note peut donc parfois s’avérer stigmatisante et démotivante car interprétée par l’élève comme la matérialisation de son incapacité à réussir. Des expérimentations sont menées depuis 2. D’après le TLFi (Trésor de la langue française informatisé). 9 plusieurs années dans le cadre des « classes sans notes », car ces problématiques ne sont pas propres aux classes de langues mais concernent toutes les disciplines. En 2012, j’ai pu observer le fonctionnement d’un tel dispositif, mis en place à titre expérimental dans une classe de sixième au collège Jean Vilar à La Courneuve où je travaillais en tant qu’assistante pédagogique. J’avais des échos plutôt positifs de la part des collègues et les élèves semblaient avoir bien intégré le dispositif. Quelques parents avaient émis des réticences, jugeant que le concept était « un truc de profs fainéants » qui ne voulaient plus corriger de copies, mais un peu de pédagogie avait suffit à les rassurer. Il n’en serait pas de même si une telle expérience était mise en place à Charlemagne, car comme l’explique Claire Tardieu : Malgré tout, la note est souvent perçue comme une garantie de précision, émanant d’un barème, et quand les enseignants s’avisent de lui substituer une simple appréciation, une explication, un encouragement, ce sont souvent les élèves et les familles qui réclament la marque du chiffre sur la copie. (Tardieu : 2009). Je me suis vite aperçue cette année que les notes avaient, pour mes élèves comme pour leurs parents, une importance souvent démesurée. Soucieux de leur avenir et désireux de constituer un bon dossier, les évaluations sont une source d’angoisse parfois pathologique chez certains. Malgré cela, élèves et familles sont demandeurs de notes, et en vue de leur orientation, qui pour beaucoup sera une classe préparatoire, l’administration n’accepterait sans doute pas une expérimentation impliquant une classe sans notes, du moins si elle ne s’inscrit pas dans un projet plus global. Sans aller jusqu’à supprimer les notes, d’autres façons d’évaluer ont été proposées, notamment par Charles Hadji, qui conçoit l’évaluation comme une « pratique au service de la construction de la réussite de tous » (Hadji : 2015), et définit l’évaluation par objectifs, qui détermine « la congruence entre la performance et les objectifs » (Hadji : 1990). Dans cet esprit, l’inspection générale, dans un rapport sur l’évaluation daté de 2007, nous rappelle que si l’on se réfère aux descripteurs du CECRL qui définissent en termes de compétences six niveaux répartis en trois types d’utilisateurs, que l’on prend en compte le niveau visé pour évaluer et que l’on détermine clairement les objectifs, alors la note, valorisante, fait sens pour l’élève : 10 La note en langue devrait correspondre à l’estimation donnée à une performance appréciée en rapport avec un niveau cible. Elle devrait renseigner sur les progrès accomplis et sur la façon dont les objectifs sont atteints. En effet, tant qu’une note n’est pas attribuée en fonction de l’objectif visé par l’évaluation, accompagnée des critères qui ont servi à l’établir et de conseils pour remédier aux erreurs, elle n’est pas d’une grande utilité pour l’élève. En revanche, lorsque l’objectif est clairement fixé, la note est une indication du chemin parcouru car elle mesure le degré d’atteinte de cet objectif et uniquement celui-ci. On pourrait alors envisager, pour chaque activité langagière, d’accompagner la note du niveau visé (A1, A2, B1, B2, etc.) et même d’attribuer la note maximale lorsque les objectifs caractérisant un niveau ont été atteints. (IG : 2007).

Table des matières

Introduction
1. Évaluation, erreur et remédiation : de l’expérience de terrain à la réflexion scientifique
1.1. Conceptions et pratiques pédagogiques : un questionnement nécessaire
1.2. L’évaluation : positive et constructive
1.3. L’erreur : quoi corriger, et comment ?
2. L’expérimentation : état des lieux, protocole et résultats partiels
2.1. L’état des lieux
2.2. Le protocole expérimental
2.3. Les apports de l’étude
Conclusion
Bibliographie
Annexes

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