TDAH auprès d’une population judiciarisée

TDAH 

Le TDAH est défini dans le Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux (DSM-5) comme étant « un mode persistant d’inattention et/ou d’hyperactivité/impulsivité, plus fréquent et plus sévère que ce qu’on observe habituellement chez des sujets d’un niveau de développement similaire » (APA, 2015, p. 60). Il peut y avoir une prédominance de l’inattention, de l’hyperactivité, de l’impulsivité ou des deux, ce qui, dans ce dernier cas, correspond au type mixte du TDAH. La plupart (70%) des personnes atteintes présentent le type mixte avec le trio distraction-agitation-impulsivité. Il s’ agit d’un problème neurologique habituellement diagnostiqué dans la première enfance ou au début de l’ âge scolaire. Actuellement, il n’y a pas de consensus quant à l’ aspect neurologique du trouble. Les auteurs s’ entendent toutefois sur la nature développementale du TDAH.

Chez les enfants québécois d’âge scolaire, la prévalence du TDAH se situe entre 3% et 5% (Guay, Lageix, & Parent, 2010). Le sous-type hyperactif est neuf fois plus fréquent chez les garçons que chez les filles. Le trouble persiste à l’adolescence; il est observé chez 5% à 8% des adolescents (APA, 2015).

Les déficits attentionnels des jeunes manifestant un TDAH sont décrits par Barkley (1997a) comme étant le résultat du déficit des fonctions exécutives particulièrement au niveau de l’organisation, de la planification et de l’inhibition de la réponse. Au cours des dernières décennies, il y a eu plusieurs études portant sur les performances à divers types d’épreuves neuropsychologiques des jeunes présentant un TDAH. Les résultats de ces études suggèrent que le déficit au niveau de l’inhibition de la réponse motrice et automatisée (contrôle de l’interférence) serait central dans le TDAH. Ce déficit se traduit par une difficulté à inhiber la première réponse ou la réaction, afin de fournir un moment pour réfléchir à une meilleure action ou à une réponse adéquate. L’inhibition sous-tend à la fois la capacité à contrôler ses impulsions, une propension à faire preuve d’attitudes prosociales et conciliantes envers les autres, ainsi qu’à la capacité à respecter les normes sociales, à planifier et à organiser (Barkley, 1997a; Schachar, Mota, Logan, Tannock, & Klim, 2000). Enfin, Barkley soutient que le TDAH résulte d’une immaturité dans les mécanismes permettant de gérer l’inhibition comportementale. Par exemple, un enfant de sept ans manifesterait des comportements plus appropriés chez un enfant de quatre ans. Ce retard diminue avec la maturation du cerveau, mais une immaturité persisterait chez une grande proportion d’adultes atteint d’un TDAH.

TDAH chez l’adulte 

Le TDAH chez l’adulte est de plus en plus étudié, mais il demeure difficile à définir. Dans le DSM-5 sont décrits les symptômes comportementaux et cognitifs généralement observés chez l’enfant de 6 à 12 ans (APA, 2015; Guay et al., 2010). Il s’agit toutefois d’un trouble développemental chronique, pour lequel 50% à 70% des enfants présenteront encore des manifestations à l’âge adulte. Le TDAH représente environ 4% de la population générale adulte (Barkley, Fisher, Smallish, & Fletcher, 2002; Resnick, 2005; Wender, Wolf, & Wassertsetin, 2001).

Chez l’adulte, la symptomatologie apparaît moins spectaculaire que chez l’enfant, puisque l’agitation motrice diminue et l’individu peut utiliser des techniques compensatoires pour atténuer ses problèmes d’impulsivité et d’inattention. Ces stratégies ne sont toutefois pas toujours efficaces (Wender et al., 2001). Les symptômes d’agitation retrouvés chez l’enfant peuvent, chez l’adulte, se transformer en un sentiment subjectif d’agitation ou en une difficulté à rester en place (Guay et al., 2010).

Conséquemment, les symptômes du TDAH chez l’adulte peuvent passer inaperçus, ou encore, ne pas être pris au sérieux. Or, la distraction et l’impulsivité, caractéristiques du TDAH chez l’adulte, entraînent une souffrance psychologique importante; elles ont des implications sérieuses sur le fonctionnement occupationnel, personnel et social des adultes. En effet, les adultes atteint du trouble ont généralement un plus faible niveau d’éducation, un statut d’emploi inférieur marqué d’une instabilité sur le plan professionnel (fréquence élevée de mises à pied ou départs soudains), des difficultés sur le plan conjugal (taux de divorce plus élevé) et sont plus à risque d’être impliqués dans de graves accidents de la route (Barkley, 1997a; Faraone, Biederman, Feighner, & Monuteaux, 2000; Mannuzza, Klein, Bessler, Malloy, & Lapadula, 1993).

TDAH auprès d’une population judiciarisée 

Usher, Stewart, Wilton et Malek ont réalisé, en 2010, une étude sur le TDAH auprès d’une populationjudiciarisée du Service correctionnel Canada. L’objectif de l’étude était de dresser un profil des délinquants souffrant de TDAH. Cette étude menée auprès de 497 détenus a permis d’établir que 16,5% d’entre eux obtiennent un score élevé à la version intégrale de l’Échelle d’auto-évaluation du TDAH chez l’adulte (ASRS), résultat fortement corrélé avec les seuils cliniques du diagnostic du trouble. Une proportion de 25% des détenus obtient un score modéré à l’ASRS. Même avec ce score modéré, ces hommes sont 1,8 fois plus à risque d’être confrontés à des placements en isolement et à des accusations d’ infractions disciplinaires (manquements aux règles de la sécurité; actes violents ou préjudiciables) que les détenus présentant un score faible ou nul à l’ASRS (Usher et al., 2010). Les résultats obtenus dans l’étude de Usher et ses collaborateurs indiquent également une difficulté au niveau de la remise en liberté chez ces détenus. Les délinquants étaient réincarcérés plus souvent et dans un délai plus court que ceux qui ne manifestaient pas le trouble. Le TDAH chez les hommes incarcérés génère donc des défis sur le plan de la gestion des comportements impulsifs et agressifs. Il devient important de s’intéresser à la contribution de ce trouble et au rôle de l’impulsivité dans la prédiction du comportement violent.

Les résultats de la méta-analyse de Young, Moss, Sedgwick, Fridman et Hodgkins (2015) indiquent, suite à une évaluation du TDAH par entrevue, le même taux de prévalence (25%), chez un échantillon d’adultes incarcérés. Ce taux est dix fois supérieur à celui retrouvé au sein de la population générale. Cet écart est encore plus élevé lorsqu’il est question de la prévalence en centres de détention juvénile. Par ailleurs, Young et ses collaborateurs précisent que les études utilisant un diagnostic rétrospectif du TDAH, basé sur des outils de dépistage diagnostique, surestiment la prévalence du trouble chez les hommes incarcérés.

De plus, les comorbidités sont fréquentes chez les détenus ayant un TDAH. En effet, Young et ses collaborateurs (2015) avancent que les détenus atteint du trouble sont davantage à risque de présenter un trouble des conduites et un trouble de la personnalité, en plus du trouble d’abus ou de dépendance aux substances psychoactives (SPA), facteurs nettement associés aux comportements délinquants.

Table des matières

Introduction
Contexte théorique
TDAH
TDAH chez l’adulte
Étiologie du TDAH
TDAH auprès d’une population judiciarisée
L’impulsivité comme facteur important dans la compréhension et la gestion du
risque de comportements violents
Définition de l’impulsivité selon Barratt et ses collaborateurs
Mesure de l’impulsivité dans la PCL-R
Théorie de Gottfredson et de Hirschi
Approche de Webster et de ses collaborateurs
Troubles de la personnalité associés aux comportements violents
Trouble des conduites avant l’âge adulte
Trouble de la personnalité antisociale à l’âge adulte
TDAH et comportement violent
Méthode
Participants
Procédure d’évaluation
Instruments
Le Structured Clinical Interview for DSM Disorders (SCID)
La Barratt Impulsivity Scale version II (BIS-II)
Le Connors’ Adult ADHD Rating Scales (CAARS)
MacArthur Community Violence Instrument (MacCVI)
Analyses statistiques
Résultats
Analyses descriptives
Matrice d’ intercorrélations
Régressions logistiques polytomiques
Comportements agressifs non sévères
Comportements agressifs sévères
Discussion
Forces et limites de l’étude
Perspectives futures
Conclusion

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