La réactualisation de l’idée autogestionnaire  dans le contexte du débat

La réactualisation de l’idée autogestionnaire  dans le contexte du débat

Cette idée peut d’autant plus apparaître comme démodée qu’elle est totalement absente des débats politiques ou managériaux depuis une vingtaine d’années. L’idée autogestionnaire a en effet été l’objet d’un débat politique enflammé dans le contexte libertaire des années 70 en France. Dans ce contexte, cette thématique a été fortement idéologisée en devenant l’apanage des partis de gauche, soucieux de coller aux revendications exprimées lors des événements de mai 68. Dans les années 80, le thème autogestionnaire est apparu comme une idée de plus en plus utopique incapable de faire face à l’amplification de la crise économique. Le débat pris donc fin au milieu des années 80 et le thème autogestionnaire est depuis tombé dans l’indifférence générale. Ainsi, « après avoir connu la marginalité puis le succès dans les années 70, l’autogestion comme mot a vécu ensuite la phase de banalisation qui accompagne le succès et prépare la décadence puis l’oubli » .Aujourd’hui, lorsque ce thème est évoqué, il ne peut se défaire de cette référence à l’anarchisme du XIX° siècle (mouvance politique qui n’a jamais eu la faveur de la majorité et qui est toujours apparu comme un mouvement radical et violent) ou à l’époque libertaire des années 70 portée par des « jeunes » aveuglés d’idéologies idéalistes et irréalistes. Ainsi, « l’autogestion oscillerait entre l’utopie et l’inefficacité » .

Au mieux, elle apparaît comme un doux rêve d’utopistes immatures, au pire comme une menace pour l’ordre social. Comme en fait état l’Encyclopédie Universalis, « le clair-obscur idéologique offert par l’autogestion en tant que concept et le refus de considérer les résultats effectifs de sa concrétisation, ou l’ignorance manifestée envers ses ratés, ont été propices à bien des équivoques (…) Le concept lui-même semble s’être discrédité à la faveur de son opacité et à cause de ses échecs ; même ses succès anciens apparents semblent remis en cause ». 1.1.2. Une idée occultée mais encore présente : Le débat sur l’autogestion est donc aujourd’hui complètement occulté. On constate alors un dénie total du thème et des expériences autogestionnaires. Les rares discours qui « osent » encore traiter des expériences autogestionnaires les présentent souvent comme des expérimentations éphémères qui aboutissent nécessairement à des échecs. Or, il existe encore de nos jours des organisations, et plus particulièrement des entreprises, qui se revendiquent du modèle autogestionnaire et qui tentent d’en mettre en œuvre les principes. Ainsi, malgré l’occultation du terme d’ « autogestion », nous pouvons aujourd’hui constater l’existence d’entreprises autogérées viables et qui semblent pérennes.

Si l’autogestion est absente des discours, elle n’est pas absente des pratiques.Mais si le terme semble avoir disparu, les idées et le modèle organisationnel dont cette expression est porteuse semblent toujours, voire de plus en plus, d’actualité. Ainsi, pour Frédéric Cépède « l’autogestion comme source de vitalité souterraine, comme attente d’une démocratie toujours plus radicale et participative reste, elle, féconde et rien n’interdit de penser que le mot puisse connaître dès lors une nouvelle jeunesse dans un avenir plus ou moins proche » . De même, pour Patrick Vivret, « l’autogestion n’est pas morte et sa prospérité peut se lire aujourd’hui dans les mouvements contemporains en faveur d’une autre mondialisation essayant d’articuler les échelles de la démocratie, du local au global, nécessitant un haut niveau d’auto régulation » . L’idée autogestionnaire semble ainsi resurgir au travers de l’émergence de nouveaux vocables : « participation », « intéressement », « autonomisation » et « responsabilisation » dans le monde des entreprise, « décentralisation » et « démocratie participative » suite à la faillite de l’Etat providence, de nouvelles formes de responsabilisation civique avec l’ « éco citoyenneté »… Au-delà des discours de sens commun, les réflexions actuellement menées sur les nouveaux modèles organisationnels suite à la faillite du taylorisme semblent réactualiser cette forme organisationnelle particulière.

En effet, si comme le soutient Nathalie Ferreira (citée précédemment), l’idée autogestionnaire émerge en réaction au mode de production inhérent à l’ère industrielle, il est légitime qu’elle ressurgisse à une époque où ce modèle industriel, poussé à son paroxysme, entre en crise et où la société cherche de nouveaux modèles d’organisation de la production « postindustriels ».Il apparaît ainsi comme pertinent de réintégrer le modèle autogestionnaire dans le débat qui se tient actuellement sur le renouvellement des formes organisationnelles et de s’interroger sur son statut au sein de ce débat : le modèle organisationnel autogestionnaire est-il un modèle définitivement démodé ou au contraire encore, voire peut être de plus en plus, d’actualité dans le contexte du renouvellement des formes organisationnelles? Mais intégrer le modèle autogestionnaire au sein de cette réflexion scientifique nécessite, au préalable, de démontrer que ce modèle est un véritable concept organisationnel. En effet, le flou idéologique qui entoure ce terme rend difficile sa prise en considération d’un point de vue scientifique. Cette imprécision du terme, empêchant sa prise en considération d’un point de vue scientifique, est entretenue par la littéraire sur le sujet. En effet, malgré l’importance du nombre d’ouvrages consacrés à l’autogestion, peu offre une analyse théorique suffisante de ce qui pourrait pourtant apparaître comme un véritable « concept organisationnel ». En effet, ces textes se réduisent souvent à la présentation des courants politiques fondateurs de l’autogestion (l’anarchisme, le communisme, l’anarchosyndicalisme, les guildes socialistes…) puis des différentes expérimentations autogestionnaires dans de grandes organisations politiques (la Yougoslavie de Tito étant l’exemple le plus souvent cité).

 

Cours gratuitTélécharger le document complet

Télécharger aussi :

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *