LA REGLEMENTATION PRUDENTIELLE DES COMPTES D’INVESTISSEMENT PARTICIPATIF

LA REGLEMENTATION PRUDENTIELLE DES COMPTES D’INVESTISSEMENT PARTICIPATIF

Aperçu sur la réglementation prudentielle des banques islamiques

La globalisation de la finance et l’intégration rapide de la finance islamique dans la finance globale soulèvent un grand nombre de défis pour les régulateurs (Bhambra, 2007). La hausse spectaculaire de la finance islamique enregistrée ces dernières années met le point sur  l’importance d’adopter des politiques pour favoriser son intégration dans les systèmes financiers nationaux et internationaux. L’applicabilité des modèles conventionnels de réglementation prudentielle et de gestion des risques aux banques islamiques sont au centre des préoccupations des régulateurs. Bien que l’accord de Bâle soit la pratique standard internationale des banques conventionnelles en matière de fonds propres bancaires, les instruments financiers Shariah Compliant et les risques spécifiques associés ne sont pas reconnus dans cet accord. En effet, Les principes qui régissent le fonctionnement d’un système financier islamique sont différents de l’esprit de la finance conventionnelle et exigent le respect de l’ensemble des principes éthiques de la Shariah, ce qui change le schéma de l’intermédiation bancaire classique. L’AAOIFI et l’ISFB essaient de combler le vide laissé par les accords de Bâle. La première, L’organisation de comptabilité et d’audit des institutions financières islamiques (AAOIFI), est une organisation à but non lucratif créée en 1992 pour promouvoir les principes de la loi islamique auprès des institutions financières islamiques. Sa mission consiste à harmoniser les pratiques comptables des institutions financières islamiques. Elle établi des standards en matière de comptabilité, d’audit, de gouvernance et d’éthique à l’attention des institutions financières qui souhaitent développer leur activité sur le marché de la finance islamique. L’objectif des standards publiés par l’AAOIFI est de contribuer à une plus grande harmonisation des produits et techniques de financement islamiques. Plusieurs pays et institutions ont adopté les normes comptables élaborées par l’AAOIFI qui complètent celles des normes internationales d’information financière. La seconde, le conseil des services financiers islamiques (IFSB), représente un dispositif de supervision et de réglementation des institutions financières islamiques. L’exclusion apparente de la finance islamique de l’accord de Bâle II fait naître ce dispositif. Etabli en 2002 à Kuala Lumpur en Malaisie, le conseil est un organisme chargé de l’élaboration de normes acceptables au plan international pour les banques islamiques. Son travail complète celui du Comité de Bâle sur le Contrôle Bancaire. Cet organisme a pour objectif principal de mettre l’accent sur la gestion prudente des risques dans les institutions financières islamiques. Il fournit un ensemble d’instructions sur les meilleures pratiques pour la mise en œuvre d’une gestion efficace des risques. L’IFSB s’est notamment efforcée résoudre le problème lié au risque commercial déplacé. L’identification des techniques bancaires islamiques et le profil de risque associé sont au cœur des réajustements du dispositif réglementaire de l’Islamic Financial Services Board (2005). 175 Les normes de l’IFSB (2005) sont inspirées en grande partie de l’accord de Bâle II. Cet accord représente une étape importante dans l’évolution de la réglementation prudentielle des banques islamiques et semble être mieux adapté à la diversité et à la complexité de l’activité bancaire islamique. L’origine des difficultés réglementaires en matière de finance islamique réside de la faible connaissance des risques associés aux instruments financiers islamiques combiné à la nouveauté de la majorité des instruments Shariah Compliant et la rareté des informations disponibles (Jouini & Pastre, 2008). Les différences dans la structure des bilans entre les banques conventionnelles et islamiques, la nature des instruments financiers Shariah Compliant et les risques associés sont reconnus avoir des implications importantes sur le dispositif de réglementation et de supervision des banques islamiques (Archer & Karim, 2007 ; Bhambra, 2007 ; El Hawary & al, 2007; Fiennes, 2007; Turk & Sarieddine, 2007 ; Sundararajan & Errico, 2002). Comme nous l’avons présenté en chapitre 1, les produits bancaires Islamiques exposent la banque à des risques similaires à leurs contreparties conventionnelles. En plus, l’activité bancaire Shariah Compliant présente des risques spécifiques (Khan & Ahmed, 2001 ; Sundararajan & Errico, 2002 ; Grais & Kulthunga, 2007). La diversité des opérations financières islamiques et les risques spécifiques qui en résultent sont au cœur de la problématique prudentielle des banques islamiques (Bhambra, 2007). Il semble raisonnable de mettre en place un dispositif de supervision et de réglementation visant à reconnaître les spécificités de ces institutions financières, d’une part pour promouvoir la stabilité de l’industrie bancaire islamique et de protéger les déposants, d’autres part pour faciliter l’intégration de la finance islamique dans le système financier international (El, Hawary & al, 2007 ; Chapra & Khan, 2000). L’analyse prudentielle des comptes d’investissement participatifs La quantification du risque transféré des titulaires des comptes d’investissement aux actionnaires représente un défi pour les superviseurs en raison de leur caractère ambigu vu la divergence des pratiques en termes de partage des profits. La première question qui se pose aux superviseurs consiste à évaluer dans quelle catégorie sont classés les comptes d’investissement participatifs d’une banque spécifique opérant dans une juridiction spécifique. Cette évaluation permettra d’estimer le niveau de risque supporté par les actionnaires et donc le besoin en capital réglementaire et/ou économique (Sundararajan, 2008). Les comptes d’investissement soulèvent plusieurs questions quant au calcul du capital réglementaire. – Les comptes d’investissement doivent-ils intégrer le numérateur du ratio de solvabilité bancaire avec les fonds propres de la banque ? – Les actifs financés par les comptes d’investissement doivent-ils être pris en compte dans le dénominateur du ratio de solvabilité bancaire? Les comptes d’investissement sont des capitaux à maturité déterminée, ils ne doivent donc pas faire partie du capital de la banque. Cependant, ces fonds partagent avec les fonds propres la propriété d’être « risk absorbent ». Théoriquement, les fonds d’investissement mobilisés sur 179 la base du contrat Mudaraba ne devraient pas être le sujet des exigences minimales de capital sauf pour les pertes résultantes d’une mauvaise gestion de la part de la banque islamique. Dans ce cas, la banque est soumise à un risque opérationnel classique. Par conséquent, le dénominateur du ratio prudentiel ne devrait inclure que le risque opérationnel associé aux comptes d’investissement. En pratique, la banque islamique se trouve obligée également d’assurer un minimum de fonds propres pour couvrir le risque commercial déplacé. Le risque commercial déplacé affecte le capital de la banque islamique et requiert ainsi une charge de capital additionnelle. Cette charge dépend de la politique de lissage et des réserves constituées dans le cadre de cette politique. 

L’analyse des réserves PER et IRR par les autorités réglementaires

L’AAOIFI et l’IFSB considèrent PER et IRR comme des réserves prudentielles. Jusqu’à présent, la rétention des deux types de réserves n’est pas obligatoire. Par contre elle est fortement recommandée par ces deux institutions. L’AAOIFI recommande de présenter la part de PER réservée aux actionnaires comme composante des réserves totales et de l’intégrer aux capitaux propres53. Quant à l’IRR, l’AAOIFI recommande de l’inscrire comme composante des capitaux des titulaires des comptes d’investissement54. Elle effectue le même raisonnement pour la part de PER qui leur revient55. Contrairement à l’AAOIFI, l’IFSB (2005) recommandent de ne pas inscrire les deux types de réserves avec les capitaux propres. La majorité des autorités de régulation n’interviennent pas sur la méthode de calcul du taux de rendement sur les comptes d’investissement participatifs ainsi que sur le calcul du PER et IRR. La Banque Centrale de Malaisie par exemple, propose un intervalle de détermination du PER par rapport au profit total mais pas un pourcentage spécifique. 

Les ratios prudentiels proposés

Les modèles conventionnels de réglementation prudentielle bancaire, notamment la réglementation de Bâle II, ne reconnaissent pas la particularité des banques islamiques 53 Paragraphe 22, Norme 11, AAOIFI 2008 54 Paragraphe 23, Norme 11, AAOIFI 2008 55 Paragraphe 23, Norme 11, AAOIFI 2008 180 (Archer and Karim, 2007). La présence des comptes d’investissement participatifs affecte pourtant considérablement le ratio prudentiel proposé par Bâle II (Ahmed abdel Karim, 1996; Archer and Karim, 2009; Archer and Karim, 2006; Archer et al., 2010; Fiennes, 2007; Grais and Kulathunga, 2007; Grenning and Iqbal, 2007; Karim, 2001). En application de l’accord de Bâle II, certaines banques islamiques ont tendance à comptabiliser les comptes d’investissement en hors bilan. Cette pratique tend à affaiblir leur capital (Khan and Chapra, 2000). Les autorités réglementaires islamiques internationales, l’AAOIFI et l’ISFB, essaient de combler le vide laissé par les accords de Bâle. L’AAOIFI a publié en 1999 «the Statement on the purpose and calculation of the capital adequacy ratio for islamic banks ». Cette proposition représente la première tentative pour développer un ratio d’adéquation en capital qui prend en considération les spécificités des banques islamiques. Le ratio proposé par l’AAOIFI est : ( ) risques pondérés des actifs financés par CI ( ) crédit marché opérationnel risques pondérésdes actifs financés par CC et CP crédit marché opérationnel capital Ratio de capital + + + + + = 50% Avec, CC : Comptes courants, CP : Capitaux propres, CI : Comptes d’investissement participatifs Ce ratio a le mérite de constituer un premier pas dans l’analyse réglementaire du risque commercial déplacé mais il ne propose aucune justification concernant le pourcentage de 50% choisi. Actuellement ce ratio n’est plus utilisé. L’IFSB a publié en 2005 « Capital Adequacy Standard for Institutions (other than Insurance Institutions) offering only Islamic Financial Services» et propose deux méthodes : une méthode standard et une méthode plus avancée. Dans la méthode standard, l’IFSB ne considère que l’aspect théorique des comptes d’investissement participatifs collectés à la base du contrat Mudaraba. La logique théorique dit que le capital investi par les déposants n’est pas garanti par la banque islamique sauf en cas de mauvaise gestion des fonds de la part de la banque islamique (risque opérationnel). 

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