La relative originalité des outils juridiques français au regard des systèmes étrangers.

La relative originalité des outils juridiques français au regard des systèmes étrangers

L’originalité du système juridique français en matière d’aires marines protégées est certaine mais relative. Par exemple, l’appareil législatif français est caractérisé par une considérable richesse institutionnelle qui semble faire défaut au système canadien sans que les deux pays soient complètement différents (section 1). Par ailleurs, la nature juridique de l’acte de création des aires marines protégées est un élément qui différencie le système français et les systèmes italien, algérien et calédonien (section 2). Mais il n’en reste pas moins que les appareils juridiques italien, algérien et calédonien présentent des similitudes avec l’organisation législative française (section 2).

Le Canada : la richesse institutionnelle comme principale différence

Le système français des aires marines protégées se caractérise par une certaine diversité. Ce trait saille d’autant plus à l’aune du modèle canadien. En effet, ce dernier ne brille pas par sa richesse, sa variété. Essentiellement il ne regroupe que trois types d’aires marines protégées contre six (les principales) pour le modèle français. Ainsi le réseau des aires marines canadien recèle principalement des zones de protection marines, des réserves marines de faune et des aires marines nationales de conservation. Cette relative 54 La relative originalité des outils juridiques français au regard des systèmes étrangers. pauvreté ne se réduit pas seulement à un chiffre. D’un point de vue institutionnel, décisionnel, le modèle français apparaît particulièrement riche par rapport au système canadien. Au sein du processus français, en fonction des aires marines concernées, les personnes ayant le pouvoir de décision de création varient : il peut s’agir du Premier ministre, du Président de la République, d’un préfet, d’un ministre ou encore du Conservatoire de l’espace littoral et des rivages lacustres. Au Canada, on ne retrouve pas cette même dissémination des prérogatives de mise en place des espaces marins protégés. En effet, peu importe la catégorie d’aire marine, la clé de voûte du système, l’ultime décisionnaire s’incarne en la personne du gouverneur en conseil. Ce personnage institutionnel renvoie en fait au gouvernement. Les trois lois qui consacrent les trois plus importants types d’aires marines protégées accordent toutes un rôle prééminent au gouvernement, au Cabinet. Il en va ainsi de la Loi sur les océans (zones de protection marine), en son article 35.3, de la Loi sur les aires marines nationales de conservation, en son article 5.1 et de la Loi sur les espèces sauvages (réserves marines de faune) en son article 4.1.1. Cependant les modèles français et canadiens convergent sur certains points dans une certaine mesure. Par exemple, les deux systèmes s’appuient sur le levier foncier pour faire progresser la cause environnementale. On sait que la France, par le biais du Conservatoire de l’espace littoral et des rivages lacustres, use du moyen foncier pour arriver à ses fins. Au Canada, la même appétence pour la politique foncière écologique se manifeste. L’article 9.1 de la Loi sur les espèces sauvages en témoigne : le ministre responsable en vertu de ladite loi peut procéder à des achats ou conclure des contrats de bail, au nom du Canada, à propos de terrains en vue de protéger l’environnement. Cependant deux différences avec le système français se font jour : en France c’est un établissement public qui gère la stratégie foncière écologique et les expropriations sont permises (au Canada, les expropriations ne font pas partie des attributs du ministre en question). Outre ce point de convergence, les deux systèmes se rejoignent à quelques détails près en matière de champ d’intervention. Les deux modèles tendent à protéger largement l’environnement. La diversité des aires françaises s’apprécie aussi au regard des systèmes algériens, calédoniens et italiens.

L’Algérie, la Nouvelle-Calédonie,l’Italie

la nature juridique du texte créatif comme principale différence La France s’appuie bien sûr sur le système législatif pour créer son réseau d’aires marines protégées. En effet les outils juridiques sont mis en place à travers la loi. Mais la création des aires marines protégées en elles-mêmes, c’est-à-dire en tel lieu et à tel 55 moment relève du pouvoir du Premier ministre, du Président de la République, du préfet ou d’un établissement public (Conservatoire de l’espace littoral et des rivages lacustres). Le législateur ne se charge pas de créer des aires marines particulières, il se contente d’instaurer le concept, la base juridique. C’est un trait fondamental du système français qui contraste grandement avec la méthode mise en œuvre dans beaucoup de pays. L’Algérie, l’Italie, l’Espagne illustrent ce propos. Tout comme La Nouvelle-Calédonie, qui n’est pas un pays indépendant puisque rattaché à la France, mais qui est considérée comme un pays étranger dans le cadre de cette étude à cause de sa très importante autonomie. L’Algérie, par l’entremise de la loi du 17 février 2011, a réglé son système d’aires marines protégées. L’Algérie représente un cas particulier par rapport à l’Italie, l’Espagne et la Nouvelle-Calédonie. En effet, c’est un pays qui ne base pas exclusivement le pouvoir décisionnel de création sur la loi, loin s’en faut. Seule une catégorie d’aire marine protégée (sur sept) peut être créée par le législateur aux termes de l’article 28 : « les réserves naturelles intégrales » 147. Cela constitue avec la France une différence certaine mais pas importante numériquement. Au vu de l’article 28, il apparaît que plusieurs autres modes de création existent, à l’instar du système français : arrêté et décret. La loi n’est donc pas le seul moteur de la mise en place des aires marines protégées. Une autre différence existe malgré tout avec le système français relativement justement à un des moteurs de la création des espaces préservés : l’esprit d’initiative. En France, les textes législatifs désignent rarement explicitement les personnes dotées du pouvoir d’initiative. L’initiative n’est pas institutionnalisée, du point de vue du droit seuls des ministres ou des préfets peuvent mettre en branle le processus de création. En pratique il se peut que ces personnes agissent après avoir été contactées par des citoyens ou diverses institutions mais ceux-ci n’ont pas de rôle d’initiative officiel. Le système algérien revêt un caractère différent de ce point de vue là. L’article 19 de la loi du 17 février 2011 pose clairement le principe d’une dissémination plus large du pouvoir d’initiative : «L’initiative du classement d’un territoire en aire protégée doit être prise par les administrations publiques ou les collectivités territoriales, en adressant à la commission une demande de classement. »

Le processus de gestion des aires marines protégées françaises : une diversité au service du pragmatisme.

Les modes de gestion des aires marines protégées accordent une large place à la pluralité, diversité. Cette pluralité s’exprime en matière institutionnelle pour répondre au défi anthropique (titre 1). Cette pluralité caractérise aussi les moyens de gestion des aires marines protégées et est indispensable en vue de concilier les impératifs économiques et environnementaux (titre 2). Titre 1. Un cadre institutionnel pluriel face au défi anthropique Le cadre institutionnel des aires marines protégées est très divers. La pluralité au sein des enceintes de gestion est manifeste (chapitre 1). Cette pluralité est nécessaire dans la mesure où l’environnement doit faire face à une menace diverse qui est incarnée par une multitude d’acteurs (chapitre 2). Chapitre 1 : Une importante pluralité des modes de gestion Les modes de gestion des différentes aires marines protégées sont sensiblement les mêmes. Il y a des différences mais elles sont ténues, du moins d’un point de vue législatif, théorique. Cependant, si les modes de gestion se ressemblent cela ne signifie pas pour autant qu’ils sont dénués de toute variété, de toute pluralité. Au contraire, tous les modes de gestion des aires marines protégées sont marqués du sceau de la diversité et de la confrontation d’idées. En effet, les organismes de gestion sont composés d’un large panel de gestionnaires venant de multiples horizons (section 1). La pluralité ne se manifeste pas seulement à l’égard des gestionnaires. Le fonctionnement des aires marines protégées est encadré par des objectifs variés (section 2)

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