La représentativité de l’art contemporain africain

La représentativité de l’art contemporain africain

Quel rôle pour la Fondation Jean-Paul Blachère ?

Les centres d’art et fondations privés se multiplient en France. Le monde de l’art français dominé depuis toujours par les institutions publiques est en train de changer et laisse de plus en plus de place aux initiatives privées. Il faut bien reconnaître que la promotion de l’art contemporain africain ne pourra que difficilement être l’œuvre d’une seule structure publique. Tandis que l’intervention de grandes entreprises françaises dans les expositions ou les festivals alimente des inquiétudes de dérive commerciale, elle paraît pourtant de plus en plus nécessaire pour combler les carences de l’Etat face à des institutions culturelles toujours plus en demande de fonds. La France s’ouvre au privé après « des siècles de culture labellisée 100% public20 ». Avant toute chose, et afin de comprendre le fonctionnement d’un tel lieu, nous allons nous interroger sur ce qu’est une fondation. En France, c’est l’impulsion de l’ADMICAL (Association pour le Développement du Mécénat Industriel et Commercial), carrefour du mécénat d’entreprise qui a contribué à l’adoption de lois importantes comme celle sur les fondations en 1990 ou la loi « Mécénat » du 2 août 2003, sous le ministère de JeanJacques Aillagon. Par mon stage à la Fondation Blachère, j’ai pu participer à une journée de colloque et de formation sur la recherche de mécènes et ainsi pu comprendre le système (complexe) du mécénat privé en France. Désormais, avec cette loi de 2003, une entreprise ou un particulier peut déduire de l’impôt, 60% de son investissement culturel et jusqu’à 90% si elle contribue à l’achat d’un « trésor national » pour un musée. La Fondation Jean-Paul Blachère dépend entièrement de celle-ci. Ainsi, les avantages de la Réforme de 2003 ont été étendus aux expositions d’art contemporain. Les réductions d’impôts dont bénéficient les entreprises au titre du mécénat profitent désormais aux galeries qui organisent des expositions (le centre d’art de la Fondation Blachère par exemple). « Le terme de « Fondation » désigne l’acte par lequel une ou plusieurs personnes physiques ou morales décident l’affectation irrévocable de biens, droits ou ressources à la réalisation d’une œuvre d’intérêt général et à but non lucratif 21 ». Ainsi, en plus d’un budget annuel important (environ 600000 euros) alloué à la Fondation, Jean-Paul Blachère, avec cette loi n’est pas propriétaire des œuvres de la collection de la Fondation ; c’est un bien public. Selon la loi française, il existe plusieurs types de Fondations : la fondation d’entreprise, la fondation reconnue d’utilité publique et la fondation abritée22. Mais je développerai seulement le cas de la fondation d’entreprise avec la Fondation Blachère.La fondation d’entreprise est donc créée par une entreprise (qui peut lui donner son nom, comme c’est le cas pour notre exemple) qui effectue l’apport initial d’argent. L’intérêt général étant avant tout une affaire d’Etat, les fondations se créent sur autorisation des pouvoirs publics. La Fondation Blachère dépend du Ministère de l’Intérieur, qui valide ou non son projet et sa durée de vie est limitée à cinq ans, mais renouvelable trois à cinq ans. Grâce à sa fondation, l’entreprise peut exercer et valoriser son action de mécénat. Une fondation, quel que soit le type, quel que soit ses objectifs, sera toujours de l’argent privé mis à disposition d’une cause publique. Dans les textes, pour la fondation, cet argent n’est pas une priorité mais un moyen de réaliser ces objectifs, un moyen parmi d’autres (la formation, la sensibilisation, l’information). Ainsi, les projets tels que celui de la Fondation Blachère se multiplient. La domination reste encore très parisienne, mais les régions s’y mettent doucement. En 2004, la Fondation Blachère, était la première fondation d’entreprise créée dans le Vaucluse et la seule à ce jour à promouvoir l’art contemporain africain. Il existe aujourd’hui 169 fondations d’entreprises en France, et le chiffre augmente chaque année : le nombre de créations a doublé entre 2004 et 2007. 

2004 : création de la Fondation Jean-Paul Blachère

L’entreprise Blachère Illuminations est le leader européen des illuminations urbaines et festives. C’est elle qui a illuminé les Champs Élysées en 2007 pour les fêtes de fin d’année (et qui les illuminera en 2008) ou encore la Tour Eiffel pour le passage à l’an 2000. « Enracinée dans le local, elle se développe dans le global. Si elle s’ouvre largement sur le monde, elle reste de dimension humaine et ne perd pas son âme dans sa logique transcontinentale. » Jean-Paul Blachère a voulu donner un sens à sa passion de l’Afrique en créant une Fondation d’entreprise pour la promotion de son art. Ce projet doit permettre aux artistes africains de se confronter avec les autres cultures et leur offrir un accès équitable aux marchés du monde entier. La nécessité d’avoir un lieu de création et d’exposition s’est vite fait ressentir. Jean-Paul Blachère a donc acquit un ancien hangar situé aux abords de l’entreprise. Depuis, la Fondation est pourvue d’un centre d’art situé au cœur de la zone industrielle d’Apt. Elle dispose également d’un centre de documentation, d’une librairie, d’une galerie et d’une boutique. La Fondation Jean-Paul Blachère était au départ une association née de la rencontre de Jean-Paul Blachère et Yacouba Konaté, universitaire, philosophe et critique d’art à Abidjan. « Actions africaines » oeuvrait sur plusieurs plans : théâtre, musique, arts plastiques. La création de la Fondation n’est apparue que plus tard, avec la rencontre de Gabrielle Von Brochowski, ex-déléguée de la Communauté européenne en Afrique et la volonté de cibler les actions : les arts plastiques, et l’art contemporain en particulier. Associer son nom d’enseigne à une fondation est une solution des plus emblématiques et loin d’être inaccessible aujourd’hui aux petites et moyennes entreprises : une mise de fond et l’engagement sur cinq ans suffisent, et toutes les thématiques sont possibles. C’est ainsi que la Fondation Jean-Paul Blachère s’est engagée dans un programme quinquennal en faveur des artistes africains. Un tiers 28 des fondations d’entreprises en France ont choisi comme le président fondateur, le secteur culturel et artistique. L’entreprise a bloqué la somme d’un million d’euros pour financer le programme de la Fondation. Elle offre aussi à des partenaires publics ou privés d’élargir son action en octroyant des bourses de participation à des artistes ou des étudiants. c. Fonctionnement de ce lieu atypique Nous parlons de lieu atypique car le cap fixé à la fondation par le chef d’entreprise est généralement en ligne directe avec la raison sociale de l’entreprise et ses domaines de compétences. Le thème de la Fondation ainsi que son emplacement au milieu de la zone industrielle d’Apt, appuient son originalité et en font un lieu pour le moins atypique. Outre les subventions décernées chaque année, la Fondation enregistre des recettes qui lui sont propres. Elles sont constituées par les droits d’entrée, les produits dérivés et les ventes à la Boutik’. En 2005, avec la création du Centre d’art, les subventions ont augmenté de 25,4%, un an après la création de la Fondation. Et depuis la première année, celle-ci fait toujours ressortir un solde créditeur. En moyenne, les recettes se découpent de cette façon : – subventions brutes de l’entreprise : 62% – subventions diverses (dont la ville d’Apt) : 15% – recettes propres : 20% – divers : 3% Mais c’est au bout de la troisième année que nous pouvons nous rendre compte d’une bien meilleure maîtrise des budgets prévisionnels. L’expérience des premières années a permis des améliorations. Le budget 2007 est passé à 600 000 euros, quand il aurait dû être d’environ 500 000 euros, cela à cause à de dépenses 29 imprévues, notamment l’achat d’œuvres pour enrichir la collection. Mais le bilan d’activité et budgétaire est plus que positif 23 puisque entre janvier et juin 2008, lors de mon stage, j’ai pu remarquer l’augmentation nette des recettes ne serait ce que de la Boutik’. Ayant eu l’occasion d’assister à un conseil d’administration de la Fondation, voici ce qu’il en est ressorti quant au fonctionnement de la Fondation ces cinq prochaines années. Un rappel des principes de la Fondation a été fait, notamment ne pas faire d’ingérence en Afrique. Depuis le début de l’aventure, il leur semble important, de ne pas se substituer aux différents organismes institutionnels africains ou étrangers, pour soutenir de manière globale l’art contemporain du continent. L’action de JeanPaul Blachère et de la Fondation doit rester strictement personnelle, au risque toutefois (comme il est apparu lors de la dernière Biennale à Dakar avec la remise du Prix de la Fondation), d’apparaître en concurrente et non plus en partenaire. Aussi, « afin de conserver l’identité propre de la Fondation, sa souplesse, son indépendance et sa liberté, celle-ci ne souhaite pas collaborer avec des institutions européennes ou africaines, ni avec d’autres entreprises. Ce principe s’entend à l’exception de certaines actions ciblées, des partenariats, qui sont envisagés comme un échange réel de compétences ou de moyens  ». La Fondation se pose aussi en « découvreuse de nouveaux talents ». Avec une notoriété assez récente, cela ne leur permet pas d’aller vers de grands artistes sans passer par des acquisitions. C’est pourquoi, la Fondation axe son travail sur la recherche et l’accompagnement d’artistes émergents. Néanmoins, elle ne s’éloigne pas complètement des artistes reconnus par le marché, puisque lors de ce Conseil d’administration, la volonté d’agrandir la collection s’est fait clairement sentir. Afin donc de l’enrichir et de rencontrer des artistes confirmés, il a été décidé que c’est l’entreprise qui ferait une ou deux 23 Annexe n°2 24 Claude Agnel, « Compte-rendu du Conseil d’administration du 30 janvier 2008 », Fondation Jean-Paul Blachère, Apt, 2008 30 acquisitions importantes par an. Ces acquisitions se feront s’il y a rencontre et échange avec l’artiste, comme cela a été fait avec Barthélémy Toguo ; en avril dernier. Invité par Jean-Paul Blachère à passer la journée à Apt, Barthélémy Toguo nous a présenté ses nouveaux travaux. Un partenariat a même été mis en place pour un projet d’exposition de l’artiste lors de la Biennale 2008, mais tout ceci n’a pas aboutit pour « divergence d’opinions ». Il faut souligner un autre point important pour la Fondation. Dépendante financièrement de l’entreprise, elle se doit d’entrer en « partenariat » avec celle qui la subventionne. C’est pourquoi, l’idée de « résidence-lumière » dans le cadre de résidence « art et entreprise » a vu le jour : un artiste sera invité à travailler quelques jours ou quelques semaines à la Fondation, avec les matériaux fournis par l’entreprise. Lors de mon stage, j’ai pu assister à la première résidence (deux résidences seront organisées par an). En ce qui concerne le fonctionnement de la Fondation, il apparaît que pour les membres de celle-ci comme pour le Conseil d’administration, il est important d’avoir une thématique, ce qui selon eux, permet de donner du sens à leur action. Deux façons de procéder sont ressorties de ce Conseil : – définir une thématique par an en fonction de l’actualité artistique du continent, – ou prévoir dès à présent une thématique sur trois à cinq ans. Enfin et il me semble que c’est un des points les plus importants, la volonté d’organiser de nouveau un atelier de création en Afrique est apparue. Cet événement sera financé par les entreprises, Blachère Illuminations, en partenariat avec deux habitués de la Fondation, Accord et Air France. Il restait au moment du Conseil d’administration, à définir les dates et les artistes, avec l’espoir que cet événement aurait lieu dans le courant de l’année. A la fin de mon stage, en juin dernier, la question de l’organisation d’un atelier de création en Afrique n’était pour le moment plus à l’ordre du jour.

Table des matières

Remerciements
Introduction
PARTIE I : La fondation Jean-Paul Blachère inscrite dans un mouvement de reconnaissance de l’art contemporain africain en France
1.1 Des événements primordiaux
a. « Les Magiciens de la Terre », le déclencheur
b. « Africa Remix », 15 ans après
1.2 La création de structures travaillant à la reconnaissance de l’art contemporain africain
a. La Collection Pigozzi
b. Cultures France
c. Le Musée des Arts Derniers
d. Revue Noire et Africultures
1.3 Quel rôle pour la Fondation Jean-Paul Blachère ?
a. La réforme de 2003
b. Création de la Fondation
c. Fonctionnement de ce lieu atypique
PARTIE II : La création contemporaine présentée par la fondation Jean-Paul Blachère
2.1 Une fondation d’entreprise au service de l’art
a. Jean-Paul Blachère, directeur, collectionneur et mécène
b. Sa mission de mécénat
2.2 Les actions de la Fondation
a. Les expositions
b. Les résidences
c. Les ateliers franco-africains
2.3 Une présence obligatoire en Afrique
a. La Dak’art
b. Atelier critique à Gorée
c. Les Rencontres de la Photographie africaine à Bamako
2.4 Aujourd’hui, des signes de reconnaissance ?
Une reconnaissance en marche en France et en Afrique
CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIE
ANNEXES

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