Les procédures de traitement préventif des difficultés

Les procédures de traitement préventif des difficultés de l’entreprise en présence d’une créance environnementale 

Objectifs des procédures préventives

La prévention du traitement des difficultés de l’entreprise a pour objectif de prendre conscience de l’existence de ces difficultés le plus tôt possible pour pouvoir y faire face et assurer, en conséquence, la pérennité de l’entreprise. Le passage par une procédure judiciaire susceptible de laisser des séquelles est ainsi évité. Il s’agit donc d’un préalable indispensable au maintien de l’entreprise dans la vie économique. Eu égard à l’ordonnance n° 2014-326 du 12 mars 2014 dont l’un des objectifs est de valoriser la prévention, l’anticipation et promouvoir les solutions négociées878, ces procédures sont d’autant plus importantes. Cette prévention peut, tout d’abord, passer par la mise en place d’obligations comptables destinées à identifier les difficultés financières de l’entreprise. En ce sens, l’article L. 123-14 dispose que « les comptes annuels doivent être réguliers, sincères et donner une image fidèle du patrimoine, de la situation financière et du résultat de l’entreprise ». L’article L. 232-1 du Code de commerce prévoit l’établissement de documents comptables pour les sociétés commerciales. L’article L. 612-1 du Code de commerce oblige les entreprises qui à la fin de l’année civile ou à la clôture de l’exercice, dépassent les seuils fixés à l’article R. 612-1 de ce même code879 à dresser chaque année un bilan, un compte de résultat et une annexe. En outre, elles doivent nommer un commissaire aux comptes et fournir des documents supplémentaires. Ces derniers consistent à établir une situation de l’actif réalisable et disponible, lequel s’entend valeurs d’exploitation exclues, et du passif exigible, un compte de résultat prévisionnel, un tableau de financement et un plan de financement L’établissement de ces documents conduit à l’élaboration d’un rapport destiné à informer sur la situation de l’entreprise. Ce dernier est ensuite transmis aux commissaires aux comptes et au comité d’entreprise qui pourront faire usage de leur droit d’alerte (§1). Dans l’hypothèse où des difficultés sont avérées, le débiteur aura la possibilité de solliciter l’ouverture d’une procédure de traitement amiable de celles-ci afin d’éviter qu’elles ne s’aggravent et obligent à l’ouverture d’une procédure collective. Or, le fait que l’entreprise soit débitrice d’une créance environnementale peut déranger le déroulement normal de cette politique préventive et notamment de la procédure de conciliation .

L’instauration d’un droit d’alerte destiné à prévenir les difficultés des entreprises

 En tant qu’outils de prévention des difficultés, le droit d’alerte doit être attribué à des organes conscients des enjeux et qui disposent des connaissances nécessaires en la matière. C’est la raison pour laquelle la loi a confié cette prérogative à des acteurs internes à l’entreprise (A), mais également au Président du tribunal (B). 

Droit d’alerte interne à l’entreprise 

 Rôle du commissaire aux comptes et du comité d’entreprise – Actuellement, le droit commercial a vocation à gérer des situations financières délicates, mais qui se situent bien en amont de la cessation des paiements881. Pour prévenir au mieux les difficultés de l’entreprise, le législateur a mis en place un droit d’alerte au profit de deux entités: le comité d’entreprise et le commissaire aux comptes. Il s’agit de leur permettre de réagir aux difficultés dont elles auraient connaissance par les documents que le dirigeant doit leur transmettre ou, plus largement, dans l’exercice de leur fonction. Afin de traiter le plus efficacement possible ces éléments, une détection précoce est nécessaire, 882 mais elle suppose la connaissance d’informations susceptibles de révéler une difficulté financière. L’article L. 234-1 du Code de commerce oblige le commissaire aux comptes d’une société anonyme à faire usage de son droit d’alerte lorsque, à l’occasion de l’exercice de sa mission, il a connaissance de faits de nature à compromettre la continuité de l’exploitation. Cette disposition est reprise par l’article L. 612-3 de ce même Code. A défaut, une action en responsabilité peut être déclenchée à son encontre883. S’agissant des autres sociétés, cette possibilité offerte au commissaire aux comptes est prévue à l’article L. 234-2 du Code de commerce. Comme ce dernier le souligne, les faits visés sont de même nature, quel que soit le type de société. Le droit d’alerte du comité d’entreprise est lui prévu à l’article L. 2323-50 du Code du travail. Le but du comité est « d’assurer une expression collective des salariés permettant la prise en compte permanente de leurs intérêts dans les décisions relatives à la gestion et à l’évolution économique et financière de l’entreprise » 884. Il est donc logique qu’il soit associé à la prise en compte des difficultés de l’entreprise. A ce titre, dans une décision du 19 février 2002, la Chambre sociale de la Cour de cassation a considéré que l’intérêt du droit d’alerte est, entre autres, d’éviter la fermeture d’un établissement entrainant la suppression d’emplois885 . En l’absence de comité d’entreprise, cette prérogative revient aux délégués du personnel 886 . La formulation des difficultés susceptibles de justifier le déclenchement de l’alerte diffère quelque peu de celle relative au droit du commissaire aux comptes. En effet, le Code du travail prévoit que l’alerte peut être déclenchée lorsque ces organes ont connaissance de faits de nature à affecter de manière préoccupante la situation économique de l’entreprise887. De plus, la jurisprudence consacre une approche extensive de ce droit ce qui laisse paraître que le fait générateur de l’alerte est plus souple que celui du commissaire aux comptes888. Aussi, pour les juges du quai de l’Horloge889, l’appréciation du caractère préoccupant de la situation relève du pouvoir souverain des juges du fond. Dans les deux cas, il n’est pas précisé quelles sont réellement les difficultés qui doivent conduire à déclencher l’alerte. Il doit s’agir de tout fait révélateur d’un déséquilibre dans la situation financière de l’entreprise ou de faits révélant une incertitude sur l’avenir de l’entreprise. Dans la mesure où ne sont pas visées strictement les données comptables ou financières, les données environnementales devraient être prises en compte. En effet, en raison de leur importance, celles-ci peuvent avoir un impact sur l’entreprise. Comme le souligne le professeur Trébulle, l’environnement a vocation à être appréhendé sous l’angle des risques qui, in fine, doivent être traduits dans les comptes sociaux. 

Nécessité d’intégrer la donnée environnementale

Dès lors qu’une créance environnementale est constatée à l’encontre de l’entreprise débitrice, sa prise en charge peut représenter un coût particulièrement important. Lorsque cette créance résulte de l’engagement de la responsabilité du débiteur sur le fondement de la loi n° 2008-757 du 1er août 2008 relative à la responsabilité environnementale et à diverses dispositions d’adaptation au droit communautaire dans le domaine de l’environnement (sigle ci-après LRE), il conviendra de mettre en place des mesures de réparation. Par application de l’article L. 162-9 du Code de l’environnement, la réparation en nature doit primer. La compensation financière ne peut trouver à s’appliquer qu’en cas d’impossibilité d’une restauration du milieu . Si la compensation financière représentait déjà un coût élevé, celui de la réparation en nature l’est d’autant plus. Dans un rapport publié en septembre 2011, le Commissariat général au développement durable, sur la base d’un accident survenu en 2007 dans les PyrénéesAtlantiques a estimé que, par application des méthodes préconisées par la LRE, le montant de la réparation était de sept à neuf fois plus élevé qu’auparavant892 . Le fait que l’article L. 160-1 du Code de l’environnement dispose que les mesures de prévention ou de réparation imposées à l’exploitant doivent se faire à un coût raisonnable ne doit pas conduire à éluder les obligations des entreprises. De même, dans le cadre d’une activité réglementée, la survenance d’un incident peut conduire l’administration à prescrire différentes mesures à l’encontre du débiteur afin d’assurer la conformité de l’exploitation à la législation applicable. Ces mesures peuvent alors passer par la réalisation de travaux parfois techniques et pour un montant élevé. L’ensemble de ces éléments peut affecter la capacité financière de l’entreprise et compromettre sa pérennité. Lorsqu’ils en ont connaissance, les organes titulaires du pouvoir d’alerte devraient faire usage de cette prérogative. Le dirigeant de l’entreprise doit être amené à s’expliquer sur la situation de l’exploitation893 de façon à le pousser à réfléchir à une solution qui permettrait de répondre de ses obligations environnementales sans compromettre la pérennité de l’entreprise. Au-delà des conséquences purement financières que peut engendrer un passif environnemental, ce dernier peut influer plus largement la continuité de l’exploitation. En effet, lorsqu’une entreprise s’inscrit dans le cadre d’une activité soumise à un régime de police administrative, la non-conformité de l’exploitation à la réglementation peut conduire à une suspension du droit de continuer l’exercice de l’activité en question894, ce qui compromet gravement l’avenir du débiteur.

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