Le BIM, une technologie de rupture

Le BIM, une technologie de rupture

Le Building Information Modeling, Model Management (BIM) est souvent qualifié de technologie de rupture. Dans ce chapitre, nous allons voir qu’il s’inscrit dans la continuité des innovations du secteur de la construction sur le plan technique (Conception Assistée par Ordinateur) et organisationnel (évolution de l’organisation du travail). Cependant, il s’agit d’une technologie de l’information et de la communication qui est en important décalage avec les méthodes de travail actuelles du secteur de la construction. Dans un premier temps, nous allons positionner le BIM par rapport à l’histoire des technologies pour la construction. Ensuite, nous allons voir en quoi il est en rupture avec les méthodes de travail actuelles. Enfin, nous évoquerons les raisons pour lesquelles les États à travers le monde souhaitent inciter les acteurs du secteur à adopter cette technologie, et évoquerons leurs stratégies incitatives. Le BIM, une technologie de rupture 47 2.1 BIM : une continuité avec les précédentes innovations du secteur de la construction Dans cette partie, nous revenons sur l’évolution du dessin et de la conception assistée par ordinateur. Nous montrons ainsi en quoi le BIM s’inscrit dans une continuité naturelle des évolutions technologiques passées du secteur de la construction et de la société dans son ensemble. Nous montrons également en quoi il est en phase avec le développement actuel de l’industrie 4.0.

La naissance et l’évolution de la CAO

Dans cette partie, les moments clés de la constitution de la CAO du secteur de l’architecture sont exposés. Ils sont nécessaires pour comprendre l’émergence du « BIM » et les réactions qu’il suscite aujourd’hui.

La CAO pour l’architecture est née dans les années 

La naissance de la DAO-CAO : les industries automobile et aéronautique en première ligne Pendant la Seconde Guerre mondiale, la course aux nouvelles technologies est un enjeu politique, a accéléré le développement des technologies de calcul. En 1945, à la fin de la guerre, le premier ordinateur est commercialisé. Très coûteux et volumineux, il est édité en peu d’exemplaires et est réservé aux grandes entreprises. À la fin des années 1950 – début des années 1960, les premiers logiciels ancêtres des solutions de Dessin Assistée par Ordinateur (DAO) voient le jour dans les laboratoires de recherche. Très vite, et dès le milieu des années 1960, les premières générations de logiciels de DAO en 2 dimensions sont utilisées dans l’industrie. Ils sont principalement développés par des industriels du secteur automobile pour leur propre utilisation (Tornincasa, Di Monaco 2010). Au début des années 1970, des systèmes de modélisation 2D sont commercialisés ; ils sont achetés notamment par les secteurs aéronautique et électrique qui commencent à développer des logiciels de modélisation 3D. L’entreprise française d’armement et d’aéronautique Dassault systèmes (connue alors encore sous la dénomination « Avion Marcel Dassault ») développe l’ancêtre du logiciel de modélisation 3D CATIA dès 1977, commercialisé un an plus tard (Tornincasa, Di Monaco 2010).

Les années 80 : l’essor de la CAO spécialisée pour l’architecture

Les premières interfaces graphiques des ordinateurs sont développées au milieu des années 1970 et début des années 1980. Les premiers mini-ordinateurs et les premiers ordinateurs personnels (moins chers et produits en grande quantité) sont alors commercialisés : c’est le début de la marche vers la démocratisation de l’informatique. À partir des années 1980, le marché des logiciels de Conception Assistée par Ordinateur (CAO) explose. Des sociétés d’édition de logiciels développent et commercialisent des solutions CAO pour leurs clients. Entre 1983 et 1985, des logiciels de dessin et modélisation dédiés à l’architecture font leur apparition (voir Tableau 1). Avant ces outils, on dessinait sur les outils de DAO avec des composantes du dessin à la main comme des traits, des hachures ou des surfaces. La vague des outils de CAO (Conception Assistée par Ordinateur) des années 80 amène le dessin 3D avec des objets architecturaux comme des murs, dalles ou encore des poteaux que l’on paramètre. Ces outils marquent le début de la modélisation architecturale orientée objet (Eastman et al. 2008). La commercialisation de ces logiciels par des éditeurs dans les années 80 marque le passage d’une logique de programmation (où chaque entreprise développe ses propres outils) à une logique d’édition (où un éditeur propose des outils pour ses clients qui n’ont donc pas à le développer) (Autissier, Vandangeon-Derumez, Vas 2014). Ce basculement est un tournant important dans l’histoire de la CAO et dans la démocratisation des outils numériques. Les logiciels ne sont plus faits sur mesure pour chaque client : ils deviennent des solutions « standards » avec des possibilités de paramétrage. À la même période, les premiers ordinateurs personnels arrivent sur le marché : moins onéreux, ce matériel et ces logiciels « clé en main » deviennent accessibles21 aux petites et moyennes entreprises qui ne pouvaient pas les développer elles-mêmes. Cette période correspond donc au début de la standardisation des moyens de conception et de dessin assisté par ordinateur.La raison pour laquelle il a fallu attendre l’édition de logiciels pour que la CAO se développe dans le secteur de la construction semble être sa composition. Contrairement aux secteurs de l’aéronautique et de l’automobile composés principalement de grandes entreprises capables de développer leurs propres outils, le secteur de la construction compte principalement des petites entreprises n’ayant pas cette capacité 22 . C’est pour cette raison également que certaines technologies utilisées dans la construction ont été initialement développées à d’autres fins. 

Années 1990 : le développement de l’interopérabilité

Au cours des années 1980, l’informatique pour la construction s’est développée de manière fulgurante. Chaque secteur d’activité et chaque spécialité au sein du secteur commence à exploiter des solutions logicielles indépendantes les unes des autres. Elles ne sont alors pas développées pour communiquer entre elles et les échanges d’informations entre ces différents outils sont alors difficiles23. Le début des années 1990 correspond au début de la diffusion large d’internet. L’isolement des domaines et les problèmes d’interopérabilité deviennent alors centraux. Cet isolement trouve alors un nom dans la littérature scientifique : « Islands of Automation » (Hannus 1996). L’appellation fait référence à des îles (domaines) qui ont développé leurs standards et logiciels de manière isolée et non communicante : les « îlots d’automatisation ». C’est le début du développement et de la prise en compte large des problématiques d’interopérabilité24. À la fin des années 90, Matti Hannus (Hannus 1996) propose une représentation graphique des îlots d’automatisation (voir Figure 9). Il représente des moyens qui permettent métaphoriquement d’aller d’une île à l’autre. On remarque par exemple le « ferry » du format DXF qui permet d’échanger des dessins vectoriels entre la conception architecturale et l’ingénierie. L’écoulement du temps est représenté sur son schéma par la baisse du niveau de l’eau chaque année, qui laisse apparaître : (1) des îles avec une base de plus en plus large (car les domaines s’informatisent de plus en plus), (2) des îles qui se rejoignent à leur base (car des domaines mutualisent leurs technologies), mais aussi (3) de nouvelles îles qui sont découvertes (des nouveaux domaines qui s’informatisent) et qu’il s’agira de connecter aux autres. 

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