Le Brexit et ses conséquences en matière de propriété intellectuelle

Le « Take back control » que scandaient les meneurs de la campagne pro-Brexit a eu raison de l’Europe des 28. Le 23 juin 2016, les Britanniques votaient en faveur du leave, et le 29 mars 2017, Theresa May envoyait au Conseil européen la notification du déclenchement de l’article 50 du Traité sur l’Union européenne. A partir de ce moment, et durant deux années au moins, les négociations menées entre l’Union européenne et son déserteur permettront d’en établir les modalités de sortie et tenteront de définir leurs relations futures. En attendant, l’incertitude est à son comble. Dans ce travail, nous commençons par nous imprégner du contexte qu’est celui du Brexit, avant d’aborder le cœur du sujet : quelles pourraient-être les conséquences de ce Brexit en matière de propriété intellectuelle ? Après nous être assurés qu’il ne devrait pas y en avoir sur le système du brevet européen, nous nous penchons sur celles que subiront les autres protagonistes de la matière. La marque de l’Union européenne dans un premier temps, et les dessins ou modèles communautaires dans un second : qu’adviendra-t-il de leurs effets sur le territoire britannique, alors que ces systèmes se cantonnent aux Etats membres de l’Union européenne ? Nous verrons que des désagréments sont à prévoir non seulement du côté des titulaires et des candidats aux titres de protection, mais également du côté des avocats britanniques spécialisés en la matière.

Le Brexit

L’historique 

« Une fois que nous aurons négocié un nouvel accord, nous offrirons aux Britanniques un référendum avec un choix très simple : rester ou sortir. Rester dans l’Union européenne sur la base de ces nouvelles conditions, ou en sortir pour de bon. » Le 23 janvier 2011, David Cameron, alors Premier Ministre du Royaume-Uni et leader du parti conservateur, s’inquiète dans un discours prononcé à Bloomberg du futur de l’Union européenne. Problèmes liés à la zone euro, crise de la compétitivité de l’Europe face au reste du monde, perception de l’Union européenne comme étant « quelque chose imposé à sa population et non comme agissant en son nom » : l’Europe ne fait plus rêver. Au Royaume-Uni, l’assentiment démocratique relatif à l’Union européenne est au plus bas. Sous la pression des eurosceptiques et dans l’espoir d’attiser ce courant, David Cameron promet un référendum aux citoyens britanniques. Mais avant cela, Londres et Bruxelles vont négocier un nouvel accord établissant un statut spécial pour le Royaume-Uni au sein de l’Union. Un statut qui y justifierait son maintien. « Et quand viendra le référendum, permettez-moi de dire maintenant que si nous pouvons négocier un tel arrangement, je ferai campagne en sa faveur de tout mon cœur et de toute mon âme ». Inconscient, David Cameron signait ainsi la fin de l’Europe des 28.

Le 8 mai 2015, David Cameron est élu pour un nouveau mandat et confirme son intention d’organiser un référendum sur le maintien ou non du Royaume-Uni au sein de l’Union européenne .

Les 18 et 19 février 2016 a lieu le sommet européen pour fixer le statut spécial qu’aura le Royaume-Uni au sein de l’Union européenne, s’il y demeure. Un accord est conclu, contenant une clause d’autodestruction qui le rendra caduc en cas de Brexit. Dans cet accord, l’Union européenne cède quelques nouvelles faveurs aux Britanniques en matière de gouvernance économique (le Royaume-Uni ne veut pas que ses propres intérêts soient affectés par l’Eurozone), de compétitivité (renforcement de celle-ci), de souveraineté et de libre circulation (en rapport avec l’accès aux aides sociales) .

Fort de ces nouveaux arguments, le Premier Ministre tente de dissuader les citoyens de voter en faveur du Brexit : « Vous aurez une illusion de souveraineté, mais vous n’aurez pas de pouvoir, pas de contrôle ». Il dénonce aussi les risques qu’un tel vote représenterait pour la sécurité économique et nationale de son pays . De son côté, Jean-Claude Junker, président de la Commission européenne, prévient le Royaume Uni que l’Union européenne ne lui fera pas de cadeau s’il décide de la quitter . Mais ces mises en garde ne suffisent pas et ne font pas le poids face au pic d’immigration qui impacte le marché du travail , et à l’influence des médias pro-Brexit .

Le 23 juin 2016, 51,9% des Britanniques qui ont décidé de voter  demandent le retrait de leur pays de l’Union européenne . Ce résultat n’a pas d’effet immédiat et n’est juridiquement pas contraignant , mais les citoyens ont fait leur choix, et il serait politiquement inconcevable de ne pas le respecter. Après 43 ans d’adhésion, le Royaume-Uni quittera l’Union européenne. L’accord de février conclu entre eux tombe à l’eau.

David Cameron, après avoir perdu son pari d’un référendum qui viendrait attiser les courants eurosceptiques, annonce sa prochaine démission . C’est ainsi que le 13 juillet 2016, Theresa May, ministre de l’Intérieur – eurosceptique qui a finalement décidé de rejoindre la campagne pro-UE – est investie Première Ministre par la reine Elisabeth II. Alors qu’elle disputait la succession de Cameron avec Andrea Leadson, cette dernière s’est retirée avant que n’ait lieu l’élection, la laissant seule éligible. Dès son investiture, Theresa May a immédiatement précisé qu’un deuxième référendum ne serait pas organisé . Et le 29 mars 2017, elle envoie la lettre de notification du déclenchement de l’article 50 du Traité sur l’Union européenne à Donald Tusk, président du Conseil européen, comme le requiert le paragraphe 2 de cet article .

Afin de bénéficier d’un mandat solide sur lequel il serait bon de s’appuyer pour entamer les négociations, Theresa May organise des élections législatives anticipées le 8 juin 2017. Cela lui vaut la perte de sa majorité au Parlement. C’est donc affaiblie, tout compte fait, qu’elle entamera les négociations .

L’article 50 du Traité sur l’Union européenne et le début des négociations

La notification adressée par Theresa May au Conseil européen est la première étape de la procédure de retrait par décision unilatérale d’un Etat. Cette procédure est une innovation importante du Traité sur l’Union européenne qui marque la reconnaissance de la souveraineté des Etats quant à leur maintien au sein de l’Union européenne, association d’Etats volontaire . Le déclenchement de l’article 50 ouvre une période initiale de deux ans durant laquelle devront se tenir les négociations relatives aux modalités de sortie du Royaume-Uni, avec prise en compte de ses futures relations avec l’Union . Si aucun accord n’a été conclu à l’issue de cette période de deux ans, éventuellement prolongée par accord unanime , le Royaume-Uni cessera automatiquement d’être un Etat membre, brisant alors tous les liens construits entre les deux parties. Cette situation qui porterait avant tout préjudice au Royaume-Uni, n’est pas non plus souhaitable pour l’Union .

C’est le 19 juin 2017, à Bruxelles, qu’ont démarré les négociations, menées d’une part par Michel Barnier et d’autre part par David Davis, secrétaire d’Etat du Royaume-Uni en charge du Brexit . Trois groupes thématiques ont été formés, se chargeant respectivement des droits des citoyens, du règlement des engagements financiers du Royaume-Uni envers l’Union européenne, et de sujets subsidiaires . Ces négociations devraient prendre fin vers octobre 2018, afin de laisser le laps de temps nécessaire aux Parlements britannique et européen pour ratifier l’accord de retrait, la ratification étant prévue pour la fin mars 2019 . Ce n’est que lorsque cet accord entrera en vigueur, ou, à défaut d’un tel accord, deux ans après la notification de l’article 50, que les traités européens cesseront de s’appliquer au Royaume-Uni . En attendant, celui-ci reste tenu par les obligations et continue à bénéficier des droits découlant du statut de membre de l’Union européenne . Un accord transitoire pourra être conclu afin d’éviter une transition trop brutale .

Table des matières

Introduction
Chapitre 1. Le Brexit
Section 1. L’historique
Section 2. L’article 50 du Traité sur l’Union européenne et le début des négociations
Section 3. Comment le Royaume-Uni envisage-t-il le Brexit ?
Section 4. Comment l’Union européenne envisage-t-elle le Brexit ?
Section 5. Les relations futures
Chapitre 2. Les conséquences du Brexit en matière de propriété intellectuelle
Section 1. Le brevet européen
Section 2. La marque de l’Union européenne
Sous-section 1. Conséquences générales pour les titulaires et les candidats à la marque UE
Sous-section 2. Conséquences plus spécifiques pour les titulaires et les candidats à la marque UE
Sous-section 3. Conséquences pour les avocats établis au Royaume-Uni
Section 3. Les dessins ou modèles communautaires
Section 4. Brevet européen à effet unitaire et Juridiction Unifiée du Brevet
Sous-section 1. Le projet
Sous-section 2. Le cadre juridique
Sous-section 3. Le « paquet brevet » et le Brexit
Section 5. L’épuisement des droits
Section 6. Le droit britannique et les titres nationaux
Section 7. Autres conséquences
Conclusion

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