Le droit applicable aux cessions de titres

Le choix de la loi applicable à un contrat est en général fait par les parties sans que celles-ci ne se soucient des conséquences qui en découlent. De fait, ce choix est dicté par des considérations diverses telles que la connaissance des parties de la teneur de telle ou telle loi, ou encore de leur liens avec celle-ci ; considérations qui découlent, in fine, l’une de l’autre.

Les titres étudiés dans ce mémoire sont les « titres financiers » au sens de l’Ordonnance du 8 Janvier 2009 . Cette ordonnance a instauré une nouvelle catégorie de biens corporels regroupant l’ensemble des droits négociables constatés par une inscription en compte dont le régime unitaire s’ordonne autour de leurs deux caractéristiques communes, d’une part, leur négociabilité et d’autre part, leur inscription en compte . Ainsi, les titres financiers sont désormais définis à l’article L. 211-1, II du Code monétaire et financier, comme : « Les titres de capital émis par les sociétés par actions ; 2. Les titres de créance, à l’exclusion des effets de commerce et des bons de caisse ; 3. Les parts ou actions d’organismes de placement collectif». Ces dispositions sont complétées par l’article L. 212-1, A, selon lequel « les titres de capital émis par les sociétés par actions comprennent les actions et les autres titres donnant ou pouvant donner accès au capital ou aux droits de vote », et l’article L. 212-1, A, qui dispose que « les titres de créance représentant chacun un droit de créance sur la personne morale ou le fonds commun de titrisation qui les émet ». En définitive, la combinaison des articles L. 211-1, L. 211-3 et L. 211-14 permet de donner une définition complète du titre financier qui est un droit négociable constaté par une inscription en compte auquel est attaché un régime particulier sans lequel cette classification ne présenterait aucune utilité . Seuls les titres de capital émis par les sociétés par actions, les actions et les autres titres pouvant donner accès au capital ou aux droits de vote non négociés sur un marché règlementé nous intéresseront ici. La négociabilité des titres financiers permet de les différencier des contrats financiers . A ce titre, l’article L. 211-14 du Code monétaire et financier dispose qu’ « à l’exception des parts de sociétés civiles de placement immobilier […] et des parts de société d’épargne forestière […], les titres financiers sont négociables». Nous noterons, en outre, que depuis l’Ordonnance du 8 Janvier 2009, les instruments émis sur le fondement de droits étrangers sont assimilés aux titres financiers.

Le fondement du principe d’autonomie de la volonté 

Le Règlement Rome I trouve ses origines dans la Convention de Rome « sur la loi applicable aux obligations contractuelles » dont la dernière version codifiée avait été élaborée et publiée au Journal Officiel en 2005. Cette dernière était le fruit d’un travail commun d’unification entre les six États fondateurs du Marché commun. La Convention de Rome était accompagnée d’un rapport établi par MM. Giuliano et Lagarde  et complétée par deux protocoles concernant son interprétation par la Cour de Justice européenne. Ces deux protocoles étaient entrés en vigueur le 1er août 2004 et avaient été publiés par décret le 5 Janvier 2005. La CJUE était chargée de l’interprétation uniforme de la Convention de Rome.

La Convention de Rome tendait à l’unification des règles de conflit de lois au sein de l’Union européenne. Elle poursuivait ainsi l’œuvre d’unification entreprise par le Règlement du 22 Décembre 2000 en matière de conflits de juridictions.

Par la suite, le Parlement européen et le Conseil ont adopté le Règlement Rome I . Ce règlement transforme en texte de l’Union la Convention de Rome, tout en y apportant quelques modifications. Il introduit dans le droit national des États membres de l’Union européenne un ensemble de règles uniformes sur la loi applicable aux obligations contractuelles ainsi que sur certaines questions générales de droit international privé dans la mesure où ces questions se rattachent à la matière des obligations contractuelles . Ainsi, les rédacteurs du Règlement Rome I ont opté pour une unification en matière contractuelle plutôt qu’une unification générale du droit privé. La Convention de Rome ne disparaît pas pour autant puisqu’elle s’applique toujours au Royaume-Uni et au Danemark, ces pays n’ayant pas adopté le Règlement Rome I. Les règles du Règlement Rome I seront ici développées par préférence à celles de la Convention de Rome car elles sont devenues le principe en matière de conflit de lois dans les relations contractuelles dans un grand nombre des États membres de l’Union européenne et reprennent en majorité les règles de la Convention de Rome.

Il est à noter qu’un premier travail d’unification avait préalablement été réalisé en matière d’obligations non-contractuelles par l’adoption, au sein de l’Union européenne, du Règlement (CE) n°864/2007 « sur la loi applicable aux obligations non-contractuelles » relevant de la matière civile et commerciale.

Ainsi, le Règlement Rome I s’inscrit dans un travail général d’unification législatif européen, tant sur le fond que la forme employés.

Le domaine d’application du Règlement Rome I

Le Règlement Rome I est applicable aux obligations contractuelles internationales de nature patrimoniale relevant de la matière civile ou commerciale. Les tractations menées avant la conclusion du contrat sont exclues du champ d’application du Règlement. Ainsi, les cessions de titres tombent dans le champ d’application de la Convention au titre d’un contrat de vente de nature patrimoniale. En ce qui concerne la condition ratione temporis, l’article 29 Règlement dispose que ce dernier est applicable aux obligations contractuelles conclues après le 17 Décembre 2009 . En outre, le Règlement précise que ses dispositions s’appliquent dès lors que le juge saisi appartient à un État contractant et ce, même si la loi désignée n’est pas elle-même, celle d’un État contractant.

La notion de contrat international comprend les cas dans lesquels la relation contractuelle comporte au moins un élément objectif d’extranéité. Le Règlement n’est donc applicable qu’aux situations comportant un conflit de lois. Ce conflit de lois est par exemple présent dans le cas d’une cession de titres d’une entreprise allemande, par un actionnaire allemand, à un acquéreur français. A contrario, dans une situation où tous les protagonistes seraient de nationalité française, la loi française serait alors applicable au contrat de cession à défaut de choix de loi par les parties.

Il est à noter que le Règlement est aussi applicable dans les cas où la situation litigieuse donne naissance à un conflit entre deux ou plusieurs lois coexistant à l’intérieur d’un même État, à condition que les règles en cause émanent du pouvoir législatif de ce dernier. Les parties peuvent également créer un élément objectif d’extranéité volontairement en choisissant la loi applicable. Toutefois, le choix par les parties d’une loi étrangère, ne peut, lorsque tous les autres éléments de la situation sont localisés au moment de ce choix dans un seul pays, porter atteinte aux dispositions auxquelles la loi de ce pays, ou du pays choisi, ne permet pas de déroger par contrat. Ces dispositions sont dénommées dans le Règlement Rome I : « dispositions impératives » .

Certaines matières sont expressément exclues du champ d’application du Règlement Rome I. Nous en développeront certaines sans pour autant que cette liste soit exhaustive, afin de ne pas nous égarer. Nous retiendrons tout de même que le Règlement ne s’applique qu’aux contrats de droit privé, ce qui exclu les contrats relevant du droit administratif, du droit public ou des obligations légales . Par ailleurs, les conventions d’arbitrage, la validité des clauses d’élection de for et les questions relevant du droit des sociétés sont aussi exclues des dispositions du Règlement.

Table des matières

Introduction
I. La détermination de la loi applicable au transfert de titres en application du Règlement Rome I
A. Le principe d’autonomie de la volonté
1. Le fondement du principe d’autonomie de la volonté
2. Le domaine d’application du Règlement Rome I
3. Le champ d’application du Règlement Rome I
B. L’application subsidiaire des règles de conflit de lois en cas d’absence de choix d’une lex contractus
1. Les règles de conflit de lois du Règlement Rome I
2. La prise en compte des lois de police dans la détermination de la loi applicable au contrat
3. Le domaine d’application de la loi désignée par le Règlement Rome I
II. Les éléments déterminant le choix des parties
A. Les critères subjectifs
1. Le choix d’un régime fiscal attractif
2. Le choix d’un régime contractuel sécurisé
3. Le choix d’un droit de la concurrence protecteur
B. Les restrictions au choix des parties
1. L’étude des contrats « Sharia compatible »
2. La négociation contractuelle russe
3. L’éminence de la lex societatis
Conclusion

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