Le principe de l’apport minimal

Le principe de l’apport minimal

L’histoire montre que les technologies qui se sont imposées sont celles qui répondent à au moins un des trois critères suivants : conservation de l’existant, réponse aux besoins et réduction des coûts. Par exemple : La nouvelle technologie Conserve l’existant ? Oui à 50 % Répond aux besoins ? Oui à 50 % Réduit les coûts ? Oui à 10 % TOTAL + de 100 % Î Oui, ça apporte quelque chose ! La nouvelle technologie peut ne pas conserver l’existant, mais apporter une réelle plusvalue ; c’est le cas du Compact Disc qui a remplacé le vinyle en quelques années (meilleure qualité de son, plus grande résistance , etc.). La nouvelle technologie peut être plus chère mais répondre aux besoins ; c’est le cas des téléphones mobiles. Pour un usage personnel, on a besoin de communiquer, de se sentir important (besoins irrationnels). Pour un professionnel, être joignable à tout moment fait partie de la qualité de service qu’il offre à ses clients (besoin rationnel) : cela lui permet d’être plus réactif et donc de gagner plus d’argent, même si les communications coûtent deux fois plus cher que celles d’un téléphone fixe. La nouvelle technologie peut remettre en cause l’existant mais réduire les coûts. Si le retour sur investissement est assuré, elle a alors de fortes chances de s’imposer. Ce constant souci de productivité est présent dans toutes les industries. Face à une nouvelle technologie, la question à se poser est donc : est-ce qu’elle apporte quelque chose ? Un exemple dans le domaine des réseaux L’Ethernet à 100 Mbit/s, puis le Gigabit Ethernet se sont imposés très rapidement, parce que d’une part les composants électroniques proviennent de technologies existantes (Fibre Channel, etc.) ce qui réduit les coûts, et d’autre part l’existant est préservé. ATM est sans doute ce qui se fait de mieux en matière de technologie réseau, mais il en fait trop par rapport aux besoins d’aujourd’hui. En faire trop implique de dépenser plus d’argent en R&D, en formation, en fabrication, etc., ce qui a pour conséquence de ralentir la diffusion de ladite technologie.  Les partisans des deux technologies placent le débat au niveau de la qualité de service, de l’intégration voix/données/image et des débits. A-t-on besoin d’une qualité de service ? En termes de gestion de la qualité de service, ATM est équivalent à Frame Relay ou IP puissance 10. Mais, actuellement, 10 % des capacités techniques d’ATM sont exploitées : la classe de service la plus utilisée est l’ABR (qui est la plus basse disponible !), l’accès le plus utilisé est AAL-5 (qui offre le minimum de service !), et l’intégration voix/données se fait attendre. La gestion de la qualité de service devient nécessaire lorsque l’on doit gérer l’utilisation d’une bande passante limitée. Or, toute les évolutions actuelles montrent que les débits réseaux ne cessent d’augmenter et que la bande passante devient disponible à volonté et à moindre coût. Dès lors que la bande passante est disponible à moindre frais, une gestion évoluée de la QoS devient inutile. Les entreprises ont juste besoin d’une QoS de base : priorité, débit garanti, délai de transit et variation du délai de transit (la question de la perte de données ne se pose même plus avec des taux d’erreur 10-6 à 10-10 sur les lignes numériques). Par contre, seuls les opérateurs y trouvent leur compte : ATM leur permet de réduire leurs coûts de fonctionnement en dimensionnant leur réseau au plus juste tout en y casant le maximum de clients. Une gestion évoluée de la QoS leur permet également de présenter des grilles tarifaires complexes. L’intégration voix/données/image Quelles sont les technologies que les entreprises utilisent aujourd’hui pour la voix, les données et l’image ? Réponse : Frame Relay et IP. Bien sûr, en prenant en compte l’existant, on trouve encore du X.25, du FDDI, du Decnet, du SNA, etc. Jusque vers 1996, le monde de la téléphonie et les partisans d’ATM (souvent les mêmes) doutaient que l’on puisse transporter de la voix sur Frame Relay et dans des paquets IP. Aujourd’hui, on ne peut que constater la réalité. Pourquoi ? Parce que les technologies ont évolué ; elles permettent de faire plus de choses à moindre coût et répondent toujours au principe de l’apport minimal. Aujourd’hui, IP permet de transporter de la voix compressée d’assez bonne qualité en utilisant donc moins de débit. Les systèmes de visioconférence utilisent majoritairement le RNIS, Frame Relay et, dans une moindre mesure, IP. Les débits Jusqu’à la fin des années 90, ATM était annoncé comme étant le seul à pouvoir offrir des débits élevés, de 155 à 622 Mbit/s, voire plus dans le futur. © Éditions Eyrolles Introduction 4 Jusqu’à ce que le Gigabit Ethernet arrive. Dommage pour ceux qui ont investi dans ATM à 25 Mbit/s. Aujourd’hui, ATM est utilisé par les entreprise dans quelques rares cas : • dans les réseaux fédérateurs et dans les réseaux de campus ; • dans les mondes médical et audiovisuel pour la vidéo. Le Gigabit Ethernet s’est par contre imposé rapidement dans les réseaux fédérateurs. En effet, outre son meilleur rapport qualité/prix, il est compatible avec l’existant tout en simplifiant les architectures.

Le cas ATM

La technologie ATM (Asynchronous Transfer Mode) a toujours été présentée comme un aboutissement, comme seule capable d’assurer le transport des données multimédias. Elle n’a cependant jamais réussi à s’imposer dans les entreprises et chez les particuliers. Seuls les opérateurs en font un usage important. Alors ? Pourquoi ATM pourrait s’imposer ? Parce que les opérateurs et les constructeurs investissent massivement dans cette technologie. Mais est-ce que cela assurera sa diffusion dans les entreprises et chez les particuliers ? Parce que, avec 1 Gbit/s, Ethernet arrive au bout de ses limites. Mais est-ce vrai ? Alors qu’ATM plafonne encore à 622 Mbit/s, les ingénieurs se penchent aujourd’hui sur l’Ethernet à 10 Gbit/s ! Parce qu’ATM fonctionne aussi bien sur LAN que sur WAN. Mais le Gigabit aussi ! Parce qu’ATM intègre la voix, la vidéo et les données. Mais qui utilise aujourd’hui cette possibilité ? Parce qu’ATM s’intègre dans l’existant avec LAN Emulation. Mais que c’est compliqué ! Pourquoi ATM pourrait disparaître ? Parce que son coût n’arriverait pas à baisser suffisamment. Entre une carte Ethernet 100 Mbit/s à 700 F et une carte ATM 155 Mbit/s à 3 000 F, on n’hésite pas. Parce qu’ATM engendre un overhead d’au moins 10 % (5 octets d’en-tête pour 48 octets de données dans le meilleur des cas avec AAL-5). Même si la bande passante est disponible à volonté, il y a un surcoût de 10 %, ce qui représente un manque de compétitivité important pour une entreprise. Les apports fonctionnels (QOS, intégration voix/données, etc.) justifient-ils cet overhead ? Le compensent-ils ? Enfin, il est possible d’établir des liaisons Ethernet Gigabit sur de longues distances (actuellement, 150 km). C’est l’occasion d’utiliser l’Ethernet de bout en bout (simplification de l’architecture). © Éditions Eyrolles Introduction CHAPITRE 1 55 ATM peut-il remplacer IP ? Cette question souvent brandie comme une menace par la partisans d’ATM sème la confusion dans les esprits, car IP et ATM ne remplissent pas le même rôle au sein d’un réseau, même si certaines de leurs fonctions se recouvrent. ATM offre, en effet, les mêmes fonctions qu’IP : une signalisation, un adressage (NSAP), un routage (PNNI) et la gestion de la qualité de service. Mais le transport des données entre un PC et un serveur s’effectue exclusivement à l’aide du couple TCP/IP. Qui transfert des fichiers sur ATM sans passer par IP ? En fait, ATM seul ne sert pas à grand-chose. Pis, le protocole IP peut se passer des services d’ATM : le plus souvent, IP circule sur PPP, voire directement sur la fibre optique (en SDH ou encore plus directement en WDM). Pourquoi alors remplacer une technologie par une autre ?

Le syndrome de Vinci Faut-il alors donner du temps au temps ?

Par exemple, IP n’a pas connu une diffusion planétaire immédiate : ce protocole s’est imposé rapidement dans les universités et les centres de recherche, puis plus lentement dans le monde des entreprises. ATM pourrait suivre la même voie : il fait l’objet de nombreux travaux de normalisation et a le soutien de l’ONU (l’ITU) et des constructeurs (ATM Forum). Cela n’est cependant pas un gage de réussite ; il suffit de se souvenir de ce qui est arrivé aux protocoles OSI et au RNIS. Mais certains peuvent encore espérer que le RNIS sera le Concorde qui aura permis le développement de l’Airbus ATM. Le problème des technologies trop en avance sur leur temps est qu’elles sont soumises au syndrome de Vinci1 : • Au début, elles ne répondent pas au principe de l’apport minimal. • Dix ans après, elle sont dépassées (techniquement ou économiquement) par d’autres technologies ou de plus anciennes qui ont évolué avec leur temps. C’est ce qui aurait pu arriver à IP si les protocoles OSI avait été plus performants, et c’est ce qui pourrait arriver à ATM dans quelques années. À court et moyen termes, ATM ne s’imposera pas face à IP et à Ethernet. Dans dix ans, on pourra se poser de nouveau la question : Ethernet et IP ont-ils atteint leurs limites par rapport 1 Artiste de génie, Léonard de Vinci était également « Premier ingénieur et architecte du Roi, Mécanicien d’état ». Cependant, nombre de ses projets sombraient dans les limbes, parce que trop novateurs ou irréalisables avec les moyens techniques de l’époque. Ses talents d’ingénieur étaient surtout mis à contribution pour réaliser des automates de fêtes foraines et de spectacles. © Éditions Eyrolles Introduction 6 aux besoins du moment ? Si oui, quelle est la solution qui répond au principe de l’apport minimal ? On est par ailleurs étonné du parti pris de la presse pour l’ATM. Les revues spécialisées ont régulièrement émis des avis négatifs à propos des commutateurs 100bT, puis du Gigabit : • juillet 1997 : « qualité de service à revoir » ; • janvier 1998 : « fonctions d’exploitation limitées » ; • etc. Ces mêmes magazines mettent en avant le handicap de la jeunesse du Gigabit ou encore sa limitation à 1 Gbit/s (en oubliant que l’on attend toujours l’ATM à 622 Mbit/s pour les réseau locaux…). D’une manière générale, on met en exergue les avantages de l’ATM par rapport au Gigabit en oubliant les inconvénients du premier et les avantages du second. En réalité lorsqu’ils bénéficient d’une dynamique importante comme Ethernet et IP, les technologies et les produits s’améliorent au fil du temps. La méthode américaine est, en effet, de sortir un produit le plus rapidement possible afin rentabiliser les premiers investissements, les améliorations ne venant que si le marché se développe.

Formation et coursTélécharger le document complet

Télécharger aussi :

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *