Le rôle des constructions détachées participiales dans la cohérence textuelle

D’entrée de jeu, nous voulons préciser les caractéristiques de la construction à l’étude dans notre corpus, et ce, à partir de la description offerte dans les grammaires traditionnelles. De façon générale, les grammairiens ciblent les aspects morphosyntaxiques des participes présents. En voici un bref survol.

Le participe est la forme adjectivale du verbe puisqu’il exprime l’action à la manière d’un adjectif. Il tient donc à la fois de la nature du verbe et de celle de l’adjectif (Chartrand, 1999; Grevisse, 1995) et fonctionne comme l’un ou l’autre, selon le contexte (Kalinowska, 2010). En tant que verbe, le participe présent est un mode impersonnel et c’est pourquoi il ne varie pas selon les personnes (ex. : Vibrant à la musique, les élèves se mirent à chanter .) (Bescherelle, 2013; Chartrand, 1999; Grevisse, 1995; Kalinowska, 2010; Laporte, 2010; Riegel, 2009). Il diffère en cela de l’adjectif verbal qui est une sous-classe des adjectifs qualificatifs et se comporte comme eux (Chartrand, 1999), s’accordant en genre et en nombre avec le nom qu’il qualifie (ex. : Les élèves, vibrants, se mirent à chanter .). Dire que le participe tient de la nature du verbe justifie le fait qu’il soit capable d’introduire une nouvelle structure prédicative dans un énoncé (Combettes, 1998). Nous y reviendrons.

De son côté, le mode impersonnel gérondif a la même forme que le participe présent, mais il est toujours précédé de la préposition en (GPrép) (Grevisse, 1995). Il joue le rôle d’un complément circonstanciel et possède certaines propriétés des adverbes (ex. : Il te faut rejoindre en courant ton frère et ta sœur .). Il est souvent complément de phrase (Chartrand, 1999; Laporte, 2010). Bien que les gérondifs possèdent certaines caractéristiques similaires aux participes présents, nous avons choisi de laisser de côté cette forme pour nous attarder uniquement aux constructions participiales.

Du point de vue syntaxique, le participe présent est le noyau du groupe participial (GPart) (Chartrand, 1999; Laporte, 2010) et se rattache de préférence au sujet, sauf dans les cas où l’interprétation ne présente aucun risque d’ambiguïté (Chartrand, 1999; Riegel, 2009). Nous verrons, dans le corpus, certaines difficultés liées à l’application de la règle de coréférence au sujet.

Enfin, Laporte (2010) précise qu’un verbe au mode impersonnel, comme c’est le cas des constructions participiales, a souvent une fonction de complément dans la phrase. Le participe présent peut être une proposition subordonnée circonstancielle (ex. : Les convives, ayant terminé leur repas, s’en allèrent .) (Bescherelle, 2013), construction que nous avons privilégiée. Toutefois, le participe peut aussi être le noyau verbal d’une subordonnée participiale. Il s’emploie alors en construction absolue avec un sujet qui lui est propre (distinct de celui du verbe principal). Cette proposition participiale est complément circonstanciel du verbe de la phrase (ex. : La nuit tombant, ils rentrèrent au camp .) (Grevisse, 1995; Riegel, 2009). Le participe peut aussi être l’équivalent d’une proposition relative, donnant des précisions à propos d’un nom (ex. : Les jeunes ayant un laissez-passer peuvent participer .) (Kalinowska, 2010). Ces deux derniers cas n’ont pas été retenus pour notre étude .

Ces éléments ayant été relevés, nous constatons que les grammaires traditionnelles n’offrent pas d’informations explicites sur le rôle textuel de la construction à l’étude.

Aspects textuels

Cependant, à partir des informations recueillies dans les ouvrages traditionnels de grammaires, certains aspects textuels peuvent être inférés implicitement. Nous avons donc pu déduire des constructions participiales les retombées textuelles suivantes :

La première de ces retombées est le fait qu’en plus d’être impersonnel, le participe est un mode intemporel. En effet, pour se placer à une époque précise, les états et les actions exprimés par le mode participe ont besoin des autres verbes. Le participe présent marque donc une action (présente, passée ou future) en train de s’accomplir à la même époque que celle exprimée par le verbe principal qui l’accompagne. Toutefois, le contexte peut aussi fournir au PP les indices de temps nécessaires (ex : Je vis arriver Justine, s’adonnant depuis une heure à son sport préféré .) (Grevisse, 1995; Kalinowska, 2010). Cette précision lève le voile sur l’importance de tenir compte du contexte pour bien interpréter le sens des participes présents à l’étude, et ce, au-delà des indices de temps. Nous y reviendrons lors de notre analyse.

Une autre de ces retombées textuelles concerne la distinction que font les grammaires entre la forme simple et la forme composée. On distingue ainsi deux formes de participes présents :

Dans sa forme simple, le participe présent exprime une relation de simultanéité par rapport à un autre verbe de la phrase, conjugué au mode personnel. Il présente alors l’événement en train de s’accomplir (Chartrand, 1999). Ex. : Je contemple le soleil se couchant sur la mer.

Dans sa forme composée, le participe désigne l’aspect accompli d’un événement. De cette manière, il peut exprimer l’antériorité par rapport au verbe principal de la phrase (ex. : Ayant acheté son billet, Louis entra dans la salle de spectacle .) (Chartrand, 1999; Laporte, 2010; Riegel, 2009). Les deux formes de participes sont présentes dans notre corpus, ce qui influencera la relation établie entre la CD part et la proposition principale.

Une troisième retombée concerne ce que dit Kalinowska (2010) à propos du gérondif. Il explique que le gérondif, comme les propositions participiales et les subordonnées circonstancielles de cause, a la particularité de pouvoir exprimer, selon sa relation avec le reste de la phrase, plusieurs valeurs circonstancielles (cadre temporel, manière, moyen, condition, cause, justification, succession, opposition, simultanéité, etc.). Cette construction dénote donc les circonstances d’un fait principal, c’est-à-dire la situation dans laquelle s’est produit, se produit ou se produira ce fait (Chartrand, 1999; Laporte, 2010; Riegel, 2009). Cette observation est pertinente puisque de son côté, Riegel (2009) affirme que les participes apposés (ex.: Ayant mangé trop de dessert, l’enfant fut malade .) peuvent aussi recouvrir toutes les valeurs temporelles, causales ou conditionnelles évoquées ci-haut pour les gérondifs. En effet, en emploi détaché, les participes présents réagissent comme une apposition au GN. Ils acquièrent alors le statut d’une proposition participiale sans sujet, analogue à celui d’un complément circonstanciel, construction que nous chercherons à mieux circonscrire dans ce mémoire.

Finalement, la dernière retombée est que, de façon générale et pour assurer la clarté d’un énoncé, si le participe présent est placé en début de phrase ou d’un membre de phrase, il se rapporte au sujet du verbe principal de la phrase (ex. : Ayant bien étudié, j’ai obtenu une excellente note .). Il s’agit de la règle de coréférence au sujet. Or, comme nous l’avons évoqué précédemment, cette règle ne s’applique pas si l’interprétation de la phrase ne présente aucun risque d’ambiguïté (exemple implanté dans l’usage : L’appétit vient en mangeant.) (Chartrand, 1999; Grevisse, 1995; Riegel, 2009). En ce qui nous concerne, bien que les grammaires énoncent la règle de coréférence dans le cadre de la phrase, il est indéniable que celle-ci a des retombées au plan textuel, notamment au niveau de l’arrimage référentiel (continuité thématique). Cette règle sera centrale dans l’analyse du rôle des constructions détachées au niveau référentiel. Précisons en terminant que les CD présentes dans notre corpus ne se trouveront pas toujours en début de phrase. Nous reparlerons aussi des défis liés à cet aspect.

Table des matières

INTRODUCTION
PROBLÉMATIQUE
OBJECTIFS
CHAPITRE 1 : REPÈRES THÉORIQUES
PREMIÈRE PARTIE : LES PARTICIPES PRÉSENTS DANS LES GRAMMAIRES
DEUXIÈME PARTIE : L’APPORT DE BERNARD COMBETTES
TROISIÈME PARTIE : LA COHÉRENCE
Le concept de pertinence
L’arrimage des énoncés
CHAPITRE 2 : ÉTAT DE LA QUESTION
L’ARRIMAGE RÉFÉRENTIEL
L’ARRIMAGE INFORMATIF
L’ARRIMAGE ÉVÉNEMENTIEL
CHAPITRE 3 : MÉTHODOLOGIE
CORPUS
MÉTHODE D’ANALYSE
CONSIGNE PRÉSENTÉE AUX JUGES EXPERTS
CHAPITRE 4 : ANALYSE
PREMIÈRE PARTIE
Arrimage référentiel
Arrimage informatif
Arrimage événementiel
DEUXIÈME PARTIE
Arrimage référentiel
Arrimage informatif
Arrimage événementiel
CHAPITRE 5 : DISCUSSION
RÔLE DES CD PARTICIPIALES DANS LA COHÉRENCE TEXTUELLE
RETOMBÉES DIDACTIQUES DE L’ÉTUDE
CONCLUSION

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