LE THEME DE L’OPPOSITION DANS ANTIGONE DE Jean ANOUILH

LE THEME DE L’OPPOSITION DANS ANTIGONE DE Jean ANOUILH

OPPOSITION DES PERSONNAGES 

Des personnages antinomiques 

Apparemment, l’Antigone de Sophocle diffère de celui de Jean Anouilh tant dans la composition que dans la psychologie des personnages. Le dernier porte un regard neuf sur l’Antigone antique. Il actualise le mythe d’Antigone dans le XXème siècle pris dans les étaux des deux guerres mondiales. Il s’ensuit que les thèmes que Sophocle avait mis en exergue sont atténués et laissent la place à des thématiques peignant ce début de siècle décadent. A la politique, la morale collective et la quête de soi, Antigone, l’héroïne, est cependant à l’antipode des autres personnages. Elle s’oppose presque à tous les personnages. Le Prologue nous éclaire sur le caractère foncier d’Antigone, tournant le dos à son entourage : « seule en face du monde, seule en face de Créon, son oncle, qui est le roi » (p.9). Cela dit, Antigone s’oppose aux personnages aussi bien dans les idéologies que dans la beauté. Les personnages essaieront de la sauver de son sort cruel : la mort. Elle ne l’entend pas de cette oreille, car c’est un drame « il n’y a plus rien à tenter » (p.58).La mort reste son unique lot. Dans son œuvre, Jean Anouilh décrit l’héroïne comme une révoltée au sens camusien du terme. Antigone ne se reconnait pas dans ce monde. Elle ressent l’absurdité dans sa nudité. Elle essaie de se défaire de cette attitude. Elle s’oppose alors à tous les personnages, à commencer par sa sœur Ismène. L’opposition des deux sœurs s’inscrit principalement sur trois volets : physique, philosophique et intellectuel. Tout d’abord, la beauté sépare les deux sœurs. L’une belle et élégante, et l’autre laide et renfermée. Le Prologue nous donne un aperçu de la beauté des deux filles d’Œdipe. Antigone, « la maigre jeune fille noiraude et renfermée » (p.9), le « moineau » (p.74). L’héroïne n’est pas belle, tandis que sa sœur Ismène est décrite comme une « blonde » et « belle ». Le Prologue dit : « Ismène est bien plus belle qu’Antigone » (p.10). Cette beauté de la première est associée à son gout vestimentaire. « Dans sa nouvelle robe » (p.10), elle était éblouissante et élégante, alors qu’Antigone s’habille d’une manière très simple. Son mode vestimentaire n’est cependant pas mentionné dans l’œuvre, mais 10 il laisse paraitre, vu son tempérament triste et pessimiste, qu’elle s’habillait modestement. Voilà pourquoi, pour paraitre belle à Hémon, elle empruntait le parfum, le maquillage, et la robe d’Ismène, afin que son fiancé ait envie d’elle. On peut dire que la beauté d’Ismène est très raffinée d’où son élégance, alors que Antigone est différente. C’est dans cette perspective qu’Ismène déclare que sa sœur est belle mais pas comme tout le monde. Elle dit : « Pas belle comme nous, mais autrement. Tu sais bien que c’est sur toi que se retournent les petits voyous dans la rue ; que c’est toi que les petites filles regardent passer, soudain muettes sans pouvoir te quitter des yeux jusqu’à ce que tu aies tourné le coin »(p.31). « Pas belle comme nous » veut dire qu’Antigone n’est pas aussi belle que les femmes de son rang. Cette différence fait de cette héroïne une fille du peuple. Voilà pourquoi « les petits voyous » et les « petites filles » sont stupéfaits quand ils la voient passer dans la rue. Elle leur ressemble tant dans son mode vestimentaire que dans sa beauté. Elle est authentique. Elle est la représentation du petit peuple. En ce sens, elle s’oppose au monde de la bourgeoisie. C’est pourquoi, étouffé et accablé par ce système social, Hémon, à la surprise générale, est allé demander la main d’Antigone, alors présentée comme son antipode. Le Prologue nous donne l’effet de ce geste en ces termes : « personne n’a jamais compris pourquoi » (p.10). Ensuite, la conception de la vie oppose les deux sœurs. Dans cette pièce, Ismène est peinte comme l’heureuse et joyeuse, celle qui prend la vie dans son pouls et en jouit. « Elle bavarde et rit » (p.9), elle est une vraie épicurienne, elle aime la danse et les jeux (p.10). Alors qu’Antigone est décrite comme un être sombre. « Elle pense qu’elle va être Antigone tout à l’heure » (p.9) désigne l’insouciance et l’insensibilité de cette héroïne à l’ égard de la vie. Elle pense à la mort. Cette opposition en ce qui concerne la conception de la vie et de la mort entre les deux sœurs se précise quand Ismène dit qu’elle ne veut pas mourir. Mais Antigone réplique qu’elle aimerait aussi vivre. Elle s’entête à ne rien entendre. Elle est prête à perdre la vie pour réaliser son projet, alors que sa sœur n’est pas du tout prête à faire ce dernier saut, car elle se dit plus pondérée.  

Deux idéologies opposées 

La première rencontre d’Antigone et de Créon dans cette pièce, est également la scène où s’opposent leurs deux conceptions. Au lieu que l’entretien se déroule dans une atmosphère calme, entre l’oncle et la nièce, il prend une allure de lutte où deux antagonistes défendent chacun leur opinion. Le garde qui est là pour faire le compte-rendu de l’arrestation d’Antigone à son roi constitue un obstacle à leur communication. C’est ce qui oblige Créon à lui dire : «On vous demandera peut-être un rapport tout à l’heure. Pour le moment, laissez-moi seul avec elle. » (‘p.68). Si Créon ordonne au garde de partir, c’est pour se débarrasser d’un témoin, Car il pense qu’il peut discuter tranquillement avec Antigone et régler les choses à l’amiable. Il ne tarde pas à se rendre compte qu’Antigone ne reculera devant rien pour réaliser son projet. 16 L’ordre, une fois donné par le roi, le garde l’a tout de suite exécuté et a laissé les antagonistes face-à-face. Et voilà, maintenant, personne ne pourra les déranger. Créon et Antigone sont enfin seuls. Le dialogue peut donc commencer. En effet, même si cela touche effectivement la famille, le roi ne doit manifester aucune tendresse à l’égard d’Antigone. Il est contraint de jouer totalement son rôle de chef, parce qu’il doit donner l’exemple. En outre, l’orgueil et la fierté qu’éprouve Antigone pour son acte jugé absurde par Créon, empêchent toute communication réelle et lucide. Dépassé par cette intransigeance qu’il trouve obscure, le grand roi intervient en formulant des questions très courtes. Comme on peut le constater dans ses interventions lorsqu’il interroge Antigone : «Où –t-on-ils arrêtée? Qui garde le corps?» (p.64-65). Cela montre combien il est plus difficile pour Créon d’accepter cette terrible nouvelle, car bien qu’il ait été perçu comme un tyran, il a tout de même essayé vainement de sortir Antigone de cette impasse. Il savait que sa future bru court un danger, il a essayé de la sauver jusqu’au point de la supplier. Ces propos sont illustrés dans la phrase suivante lorsque Créon dit : « Alors, aies pitié de moi, vis. Le cadavre de ton frère qui pourrit sous mes fenêtres, c’est assez payé pour que l’ordre règne dans Thèbes. Mon fils t’aime. Ne m’oblige pas à payer avec toi encore. J’ai assez payé. » (p.86) L’expression « aies pitié de moi » qui peut parfois signifié qu’une personne est a bout de ses forces, montre que Créon est incapable de continuer la lutte. Il supplie donc son adversaire de témoigner de la pitié à son égard. La proposition « j’ai assez payé » justifie cette idée de lassitude de la part de Créon. Ce qui nous permet de dire que Créon se déclare lui-même vaincu. A partir de cet instant, le combat de Créon acquiert un nouvel aspect, celui de l’égoïsme ; Cela rend encore l’ultime défaite plus certaine. Gouvernée par des forces externes, Antigone suivra les traces de son destin jusqu’au bout. Créon, désespéré, se rend compte qu’il n’y peut rien devant cette intransigeance de 17 l’héroïne. Il se rend à l’évidence, et il supplie Antigone de l’aider. Créon se sentant désobéi, pensait faire fusiller le coupable encore inconnu. Désorienté et confus, il cherche à comprendre et à se convaincre de ce qu’on vient de lui apprendre. Il demande à chaque fois à Antigone de confirmer les dires du garde, dont il semble se méfier. Antigone, elle, s’exprime avec calme, multipliant les détails qui prouvaient à tout moment sa culpabilité. C’est un personnage complexe et gouverné par d’autres forces internes, aussi bien qu’externes, qui se montre à la fois fière et enfantine. Le caractère précis de son récit révèle bien cette fierté : les phrases d’Antigone sont brèves par rapport à celles du garde qui se montre très bavard. De la même manière, sa logique est simple (la pelle ôtée, il ne lui reste que les mains), tout en étant provocatrice. Mais ses explications sont aussi nostalgiques car pour rendre les honneurs funèbres à son frère Polynice, elle s’est servie en souvenir de son frère, d’une pelle lui appartenant. Durant le dialogue de nos deux héros, Antigone apparaît comme une personne inattaquable. Bien qu’elle soit coupable, elle semble être totalement sûre d’elle-même et conserve une autonomie indéniable et une innocence d’enfant. Créon se croit le détenteur de tous les pouvoirs et c’est lui qui mène l’entrevue. Il parle plus qu’Antigone. Avec sa voix d’autocrate, il pense la dominer. Dans les rares moments où elle se prononce, elle avance des réponses courtes qui se réduisent en une syllabe comme lorsqu’elle réplique par des « oui » et des « non ». Créon fera tout pour épargner Antigone. C’est dans cette intention bien précise qu’il a dira : « Te faire mourir ! Tu t’es regardée, moineau ! Tu es trop maigre. Grossis un peu, plutôt, pour faire un gros garçon à Hémon. Thèbes en a besoin plus que de ta mort, je te l’assure. Tu vas rentrer chez toi tout de suite, faire ce que je t’ai dit et te taire. Je me charge du silence des autres. Allez, vas ! Et ne me foudroie pas comme cela du regard. Tu me prends pour une brute, c’est entendu, et tu dois penser que je suis décidément bien prosaïque. Mais je t’aime bien tout de même avec ton sale caractère. N’oublie pas que c’est moi qui t’ai fait cadeau de ta première poupée, il n’y a pas si longtemps. »

Table des matières

REMERCIEMENTS
INTRODUCTION GENERALE
PREMIERE PARTIE : OPPOSITION ENTRE OPPOSITION ENTRE DEVOIR
FAMILIAL ET ORDRE ROYAL
Chapitre I : OPPOSITION DES PERSONNAGES
I-1. Des personnages antinomiques
I-2. Deux idéologies opposées
Chapitre II : LA CONSERVATION DE LA PURETÉ
II-1. L’intransigeance de la pureté
II-2. Deux points de vue divergents sur la pureté
DEUXIEME PARTIE : OPPOSITION ENTRE LA FEMME ET L’HOMME
Chapitre I : APPARENCE ET FONCTION DE LA FEMME
I-1.La féminité
I-1-1. Aspect physique
I-1-2. Affectivité
I-1-3. Le langage
I-2. Fonction de la femme dans la société
I-2-1.La femme: source de reproduction humaine
I-2-2.La femme : pilier de la société
Chapitre II : POUVOIR ET FONCTION SOCIALE DE L’HOMME
II-1. L’homme et le pouvoir
II-2. Fonction de l’homme dans la société
TROISIEME PARTIE : ADAPTATION DE LA PIECE AU MONDE
CONTEMPORAIN
Chapitre I : REACTUALISATION DU MYTHE D’ANTIGONE
I-1.Langue et style
I-2. Le rôle du temps et la structure de la pièce
Chapitre II : LA CRUAUTE DES PERSONNAGES
II-1. L’autoritarisme de Créon et l’indifférence des gardes face à la tragédie.
II-2. La révolte d’Antigone
CONCLUSION GENERALE
BIBLIOGRAPHIE

 

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