LES ACTEURS DE LA LIBERTE D’EXPRESSION 

LES ACTEURS DE LA LIBERTE D’EXPRESSION 

LES JOURNALISTES

Considérations générales quant à la notion de journaliste La notion de « journaliste » est une notion large, tant du point de vue de la Cour EDH que du droit interne belge. La Cour de Strasbourg reconnaît un rôle particulier à la presse, car celle-ci, en alertant le public sur toutes sortes de sujets d’intérêt général et en ouvrant le débat public13, joue un véritable rôle de « chien de garde » 14 de la démocratie. La presse a même le devoir de diffuser de telles informations et idées, avec pour corollaire, le droit du public de les recevoir15 . Cependant, d’autres acteurs, qui ne sont pas des professionnels de l’information, peuvent également bénéficier de la protection de la liberté de la presse16. En effet, les médias et journalistes professionnels ne sont pas les seuls à pouvoir initier le débat public. La Cour a ainsi également reconnu un rôle de « chien de garde », semblable à celui de la presse, aux ONG17 ou militants18 qui alertent l’opinion publique sur des questions d’intérêt général19. De manière plus globale, la Cour considère que la reconnaissance ou non de la qualité de journaliste dans les Etats n’est pas importante : toute personne qui participe au débat d’intérêt général bénéficie d’une protection particulière20 . La Cour est donc encline à appliquer une protection semblable à celle qu’elle octroie à la presse au-delà de la qualité stricte de journaliste. Cette souplesse a néanmoins des limites : d’une part, il ne suffit pas de s’exprimer au travers des médias pour bénéficier d’une telle protection et d’autre part, la Cour maintient une distinction entre certaines catégories d’acteurs21. Elle a ainsi refusé d’assimiler aux journalistes les avocats22 et les syndicalistes23 . En droit belge la liberté de la presse est visée par l’article 25 de la Constitution (étroitement lié aux articles 148, alinéa 2 et 15024). Par le terme « presse », la Constitution ne vise cependant aucune catégorie particulière ; il est admis que tout citoyen peut bénéficier de cette liberté et exercer des activités dîtes de journalisme25, c’est-à-dire contribuer « directement à la collecte, la rédaction, la production ou la diffusion d’informations, par le biais d’un média, au profit du public ».

Les prérogatives et limites applicables à la presse

Il convient tout d’abord de rappeler que les principes exposés ci-après peuvent également s’appliquer à d’autres individus qui, bien que n’étant pas journalistes, « s’engagent dans un débat public d’intérêt général » 27 . Les journalistes ont certes pour mission de communiquer au public des idées et informations d’intérêt général, mais ils doivent veiller à ne pas dépasser certaines limites, « notamment quant à la réputation et aux droits d’autrui »28. La liberté d’expression des journalistes peut ainsi être mise en balance avec d’autres droits protégés par la Convention, comme le droit au respect de la vie privée29 ou le droit au procès équitable30 . Les journalistes doivent également veiller à vérifier l’exactitude des informations qu’ils fournissent, mais il ne s’agit pas d’une obligation stricte, dès lors qu’ils sont en mesure de démontrer leur bonne foi31. Ils ne peuvent donc pas se cacher derrière leur figure de « chien de garde » pour agir comme bon leur semble32 ; la bonne foi permet ainsi d’encadrer leur liberté mais également d’augmenter la fiabilité des informations. Il s’ensuit logiquement que les journalistes ne peuvent en principe pas se retrancher derrière l’article 10 de la Convention pour justifier une violation aux lois pénales de droit commun33 . Ainsi, dans l’affaire Erdtmann34, un journaliste dont le but était de démontrer les failles de sécurité des aéroports avait été condamné pour avoir embarqué une arme blanche à bord d’un avion. La Cour a jugé irrecevable sa requête, notamment car la condamnation portait sur l’embarcation de l’arme elle-même et non sur l’activité journalistique. De plus, le journaliste était bien au courant de cette interdiction et aurait pu démontrer les failles de sécurité d’une autre manière, moins dangereuse pour les passagers. Cette interdiction de principe doit néanmoins être nuancée. En effet, dans une affaire Haldimann35, des journalistes avaient filmé un courtier en caméra cachée puis l’en avait informé par la suite en lui proposant de se défendre face aux erreurs qu’il avait commises. Le reportage fut diffusé en prenant soin de rendre le courtier non reconnaissable mais les journalistes furent condamnés pour enregistrement non autorisé. Même si cette sanction était bien prévue par la loi, étant donné les circonstances de l’espèce, la Cour a conclu à la violation de l’article 10. Il apparaît donc que les journalistes n’ont pas une liberté illimitée36 mais qu’ils ont, au contraire, des devoirs et responsabilités lorsqu’ils diffusent des informations auprès du public. Ces devoirs peuvent d’ailleurs être renforcés lorsque la presse agit dans un contexte de conflits et tensions37 ; elle doit alors faire preuve de prudence. Ainsi, dans l’affaire Sürek38, le propriétaire d’un journal avait été condamné après avoir publié des lettres de lecteurs s’exprimant à propos du conflit kurde en Turquie. La Cour a tenu compte des tensions liées à ce conflit et aux termes employés dans les lettres, qu’elle a analysées comme étant « un appel sanglant à la vengeance » 39. Elle a ainsi conclu que la condamnation du requérant n’avait pas violé l’article 1040 . Néanmoins, étant donné son important rôle de « chien de garde » de la démocratie, la presse bénéficie de certaines garanties, dont l’importance est soulignée par la Cour41 . L’une des plus essentielles est la protection des sources journalistiques42, c’est-à-dire le fait pour les journalistes de ne pas être obligés de révéler l’identité de leurs sources. En effet, sans cette protection, de telles sources seraient plus réticentes à aider les journalistes, ce qui empêcherait ceux-ci de remplir convenablement leur mission d’information du public. Par conséquent, toute mesure touchant aux sources journalistiques doit être justifiée « par un impératif prépondérant d’intérêt public » .

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