Danger socio-économique de la décentralisation

Dangers politiques

Les inconvénients de la décentralisation s’étendent aussi sur le pouvoir, sur le « rapport social entre des individus ou des groupes sociaux » jugé dangereux en cas d’idée de séparatiste et de concurrence entre les organes décentralisés et les institutions traditionnelles.

Concurrence entre organes décentralisés et institutions traditionnelles

La bonne ou mauvaise relation entre les organes décentralisés et les institutions traditionnelles repose sur les méthodes d’approche de la décentralisation, de la façon dont celleci est mise en œuvre. En effet, les institutions traditionnelles en sont fréquemment victimes que bénéficiaires. On distingue, de ce fait, trois grandes approches : celle qui consiste à s’ajuster aux institutions locales autonomes préexistantes en s’appuyant et acceptant ces dernières comme telles et en s’efforçant de les intégrer dans le dispositif institutionnel étatique, celle qui consiste à ajuster les institutions autonomes, à les reformer afin de les adapter à l’environnement nouveau et aux objectifs visés par la décentralisation et celle qui consiste simplement à substituer aux institutions préexistantes de nouvelles structures décentralisées.
Cette dernière est la plus dangereuse parce qu’elle entend supprimer les institutions traditionnelles. Ce qui signifie qu’il va y avoir une rupture totale entre les organes décentralisés et les institutions. Or, la population accorde beaucoup plus d’importance aux décisions prises par celles-ci. En conséquence, il risque d’y avoir une certaine compétition entre les deux ; ce qui est défavorable pour le développement national parce qu’il n’existera plus d’unité d’action sur le territoire. A Madagascar, contrairement à certains pays de l’Afrique comme le Rwanda, l’approche décentralisée s’appuie sur l’ajustement de ces institutions (les olo-be, les tangalamena, les hazolava,…) en les considérant comme telles et en essayant de les faire adhérer au processus de la décentralisation. Ainsi, le fokonolona (unités sociopolitiques constituées à partir des structures traditionnelles) est inséré dans la constitution afin qu’il soit intégré dans la décentralisation.

Idée de séparatiste

A propos de l’idée de séparatiste qui se manifeste par l’éclatement de l’Etat, l a décentralisation reflète ce cas. En effet, elle peut être plus poussée. Autrement dit, les instances locales peuvent détenir certaines compétences attribuées par la constitution comme le pouvoir de légiférer sur son territoire. C’est ce qu’on appelle régionalisation qui, plus qu’un Etat unitaire décentralisé, est un Etat moins fédéral. Telle est la situation de Madagascar dans la deuxième moitié de la III ème République. Cette structure est un risque car elle pourrait diviser l’Etat en instituant un morcellement du territoire qui met en péril le processus d’intégration nationale comme ce qui s’est passé à l’ex-Yougoslavie. Si le pouvoir central ne prend pas des précautions, il pourrait donc perdre l’unité étatique face à cette réelle menace de la décentralisation ; d’où la justification de certaines ingérences de l’Etat dans certaines affaires publiques locales. De surcroît, les organes décentralisés pourraient aussi concurrencer l’Etat.
Dans les pays du Sud, l’existence d’une tension entre exécutif local et pouvoir central est toujours source de séparation. La disparité de parti politique et les conflits que cela génère en sont les preuves parce que l’autorité centrale n’a pas le même parti politique que celui de l’autorité locale. Ainsi, le pouvoir central en place opte pour une politique de discrimination. Cet affrontement explique sans doute la difficulté de la mise en place de la décentralisation à Madagascar. Les dirigeants ont tendance à considérer la décentralisation comme la propagation de leur idéologie.

OBSTACLES A LA MISE EN ŒUVRE DE LA DECENTRALISATION A MADAGASCAR

La décentralisation a été initiée par la constitution de la IIIème république. Son première expérience est les communes, des collectivités de base considérées comme plus proche de la population locale. Par ailleurs, certaines initiatives ont été déjà entreprises par l’Etat en vu de mettre en place les provinces et les régions. Cependant, des problèmes persistent ; ils bloquent le processus de décentralisation. Ils proviennent plutôt des facteurs intérieurs et extérieurs aux collectivités territoriales décentralisées.

Handicaps internes des institutions locales décentralisées

Ce sont des difficultés permanentes. Elles rendent l’action administrative territoriale inopérante. Souvent, c’est par le biais de l’insuffisance des moyens et du déficit démocratique qu’elles atrophient cette dernière.

Manque des moyens

Le manque des moyens est une situation généralisée à Madagascar. Ce phénomène touche toutes les collectivités territoriales décentralisées . Ils se manifestent notamment par l’insuffisance des moyens financiers et techniques.

Capacité financière insuffisante

Les collectivités territoriales décentralisées sont des personnes morales publiques, dotées d’une autonomie financière. Elles adoptent leurs propres budgets et perçoivent directement leurs impôts et taxes. Néanmoins, les finances locales ne leur permettent pas d’avoir cette autonomie. Elles n’arrivent pas à financer leur fonctionnement notamment ses services et l’assainissement de leurs infrastructures. Cela s’explique par le faible rendement de leurs recettes fiscales. Son origine est la caractéristique socio-économique de la collectivité.
C’est pour cela que la force fiscale des contribuables urbains est plus élevée que celle des résidents des communes rurales. D’ailleurs, ces dernières sont tributaire des subventions de l’Etat. Elles constituent la majeure partie de leurs ressources. Dans la commune rurale. Cette dépendance fait donc perdre leur cette autonomie car l’Etat dispose toujours un droit de faveur à leur égard.

Moyens humains et matériels réduits

Les moyens financiers ne sont pas seulement l’origine du blocage institutionnel mais aussi les moyens humains et matériels. En effet, les instances locales ne disposent pas des effectifs suffisant vu les maigres rémunérations perçues par leurs agents. Ainsi, peu de personnes voudraient y intégrer. D’où, le fonctionnement irrégulier leurs services. En plus, ils ne sont pas tous compétents. Certains d’entre eux ne sont pas en mesure d’assumer correctement leur fonction et d’autres, par conséquent, sont subissent la surchargé du service.
D’ailleurs, les outils utilisés sont délabrés voire inexistants. Les personnels sont ainsi contraints de recourir aux méthodes archaïques pour assurer la continuité des services. Résultat, l’accès aux informations sont difficiles ; aussi les prestations de service sont en retard et coûtent chère. Donc, les populations locales vont perdre leur confiance et ne participent plus à la gestion de leur cité. C’est pour quoi, on constate une faible participation des citoyens locaux lors des élections à Madagascar.

Déficit démocratique

Le déficit démocratique signifie le déclin de la participation citoyenne. Il provoque la crise de l’administration locale. Car, sa décision ne reflète plus les demandes de la population locale. D’où le manque d’intérêt des acteurs et la faiblesse institutionnelle de la collectivité locale.

Baisse de la participation et de la mobilisation des acteurs

La participation citoyenne est le but ultime de la décentralisation. C’est la démocratie, base du développement. Il n’y a donc pas de développement local sans participation active de la population. C’est-à-dire que celle-ci doit contribuer aux décisions touchant ses conditions de vie en apportant son choix à la gestion de la collectivité. Toutefois, à Madagascar, les affaires locales n’intéressent plus les citoyens. Ils sont indifférents à l’égard leur collectivité. Cette paresse démocratique est due à la relation élus/population qui reste quasiment inexistante. Les élus consultent rarement la base et en conséquence la population locale ne leur accorde plus de crédit. D’où la contradiction des décisions prises par la collectivité et la volonté réelle de celleci. D’ailleurs, les conseillers (organe délibérant) qui exercent leur contrôle sur l’exécutif local sont majoritairement issus du parti de celui-ci. Ils soutiennent plutôt les élus que la population.
La seule chose qu’elle peut faire c’est la sanction par voie des élections à la fin de leur mandat.
Pour la société civile et le public, leurs membres sont souvent exclus ou s’excluent. Ils sont marginalisés ou se désintéressent complètement de la gestion des affaires publiques. Ceci, parce qu’ils n’ont pas été suffisamment sollicités et informés. La participation des acteurs est ainsi à craindre à Madagascar. Voila pourquoi on remet en cause la capacité institutionnelle des collectivités.

Incapacité institutionnelle des collectivités locales

La mise en œuvre de la décentralisation requiert une certaine aptitude pour que les instances locales puissent être en mesure d’accomplir leurs tâches. Elles doivent avoir une connaissance suffisante ou une qualification répondant à la réalisation leurs objectifs. Pourtant, à Madagascar, cette compétence est quasiment inexistante. Peu d’élus ont reçu des formations sur la gestion et la planification locale alors que la collectivité en dépend. De plus, certains d’entre eux, voire les citoyens locaux, savent à peine lire et écrire. Plus de 50% de l’ensemble de la population malagasy sont analphabète. Le plus flagrant est dans la zone rurale encore analphabète. Cela va donc freiner le processus de développement, pire encore accentuer la pauvreté. Car, il n’y a plus de dynamisme institutionnel en raison de leur capacité limitée.
Or, les procédures administratives sont complexes et demandent au moins la maîtrise de l’écriture. D’où la faiblesse administrative due notamment à ces facteurs endogènes mais qui peut aussi résulter des facteurs exogènes.

Blocages externes aux institutions locales

En plus des difficultés politiques et juridiques, l’échec de la décentralisation est souvent le fait des phénomènes sociaux et environnementaux. Ils empêchent le développement de Madagascar en paralysant petit à petit l’Administration publique territoriale.

Problèmes politico-juridiques

Les deux ‘ petits diables’ qui répandent sur les institutions locales un flot de nouveaux maux sont la lacune juridique et des mouvements populaires. Ce sont les principaux sources de problème à Madagascar.

Lacunes juridiques

Les textes juridiques sont essentiellement la garantie des institutions locales. Ils posent des principes et des règles afin d’assurer leur bonne gestion. Ainsi, la loi fondamentale malagasy dispose en son préambule que «l’épanouissement de la personnalité et de l’identité de tout Malagasy est le facteur essentiel du développement durable et intégré dont les conditions sont, notamment : – la mise en œuvre de la décentralisation effective, par l’octroi de la plus large autonomie aux collectivités décentralisées tant au niveau des compétences que des moyens financiers ; ». Pourtant, même si les lois sur la décentralisation ont été adoptées, après une réforme institutionnelle novatrice , elles ne reflètent plus la réalité. D’abord, elles ne correspondent plus à la constitution et leur mise à jour met du temps à venir. Elles créent ainsi une confusion au niveau des organes locaux, qui ont à peine la faculté de cerner le tenant et l’aboutissant de ces textes. En outre, pour la fiscalité locale, ces textes de loi n’améliorent pas la santé des finances publiques locales. Les chiffres fixés par le législateur en matière de sont inadéquates à la situation actuelle ; elles intensifient la faiblesse institutionnelle locale.

Mouvement populaire

Cet événement est encore plus grave que le précédent. Il rend l’administration publique malgache inefficace. En effet, la reforme de l’administration publique malagasy en administration décentralisée a connu, depuis son adoption , des bouleversements politiques. Ils proviennent des manifestations populaires organisées par les politiciens. Citons par exemple la période de la deuxième république (1992-2010) dont on a vécu les deux pires grèves que celles de 1972 et 1991. Ces grèves ont duré trop longtemps, huit mois en 2002 et la crise de 2009, instaurant un régime transitoire , qui perdure jusqu’à aujourd’hui. Elles ont interrompu le processus de décentralisation qui n’est pas encore effectif. Car, seule la commune est véritablement opérationnelle. Et, les autres collectivités ne font que changer de statut à chaque changement de régime. Cette nouvelle aspiration politique conduit ainsi à une instabilité juridique parce que les dirigeants, en place, procèdent toujours à une révision de la constitution, voire son changement en 2010. Ils considèrent qu’elle est devenue incompatible à leur vision de développement. Par ailleurs, ces mouvements obligent les bailleurs de fonds à se retirer de Madagascar. Ils ne soutiennent plus la décentralisation car ils ne reconnaissent pas la légalité du dirigeant issu de la manifestation. C’est ainsi que le processus de développement est stoppé à Madagascar. Il n’y a plus de financement extérieur, notamment d’aides budgétai res, alors que le fonctionnement de la majeure partie des collectivités territoriales décentralisées en dépend. D’où l’effort titanesque du pouvoir central, en ce moment, à rechercher des solutions politiques en vue d’une reconnaissance internationale sans réfléchir, par fois, aux problèmes d’ordre social et environnemental.

SOLUTIONS POUR LA REFORME DE LA DECENTRALISATION

La décentralisation effective nécessite une amélioration et une bonne coordination des approches institutionnelles. Le but est d’appuyer les institutions décentralisées et de consolider les actions locales afin d’avancer, pas à pas, dans le processus de développement local.

Appui aux institutions décentralisées

La meilleure façon de soutenir les collectivités territoriales décentralisées c’est de renforcer leurs capacités et de leur doter des moyens suffisants et efficaces. Ces deux procédés permettront ainsi la participation des citoyens pour le développement de leur collectivité.

Renforcement des capacités institutionnelles

Pour être autonome, l’Etat doit renforcer les capacités des collectivités territoriales décentralisées en donnant des formations aux élus et de l’éducation aux citoyens locaux.

Formations des élus

Les élus locaux sont les dirigeants (chef de l’exécutif et conseillers) ou représentants (députés et sénateurs) de la collectivité territoriale décentralisée. Ils mettent en œuvre la politique de planification et de gestion de celle-ci. D’où la nécessité de renforcer leur capacité afin de promouvoir le développement institutionnel. A Madagascar, peu d’élus disposent d’une faculté suffisante pour diriger sa localité. Leurs capacités sont limitées au seul repré sentation des citoyens locaux. Ainsi, ils n’ont pas assez de connaissance pour résoudre les grands obstacles du développement comme l’étude et la faisabilité d’un programme. On rencontre souvent cette situation au niveau des communes rurales, à majorité illettrée. Cependant, des Organismes Non Gouvernementaux ont déjà participé à leur formation comme l’AFFA ( Ainga mais c’est insuffisant. Ainsi, le ministère de l’aménagement du territoire et de la décentralisation a mis en place l’Institut National de Décentralisation et de Développement local en vue de former les personnels et les élus de l’administration territoriale décentralisée. Ce programme était déjà initié par le régime
C’est un ONG d’appui créé en 1994 à l’issue d’une rencotre de toutes les entités concérnées par le développement d’Analavory. Il œuvre dans la région de Miarinarivo et de Soavinandriana et s’occupe surtout de la mise en œuvre de la décentralisation. RAVALOMANANA en réunissant les élus communaux de toute l’île au palais d’Iavoloha pour leur apprendre la technique de leadership. Malheureusement, il a été stoppé par sa destitution en 2009. C’est pour cela que les dirigeants du régime de la transition veulent poursuivre ce projet en adoptant cet institut. Cette première approche est cruciale pour le développement des collectivités, particulièrement pour les communes rurales, parce qu’elles vont acquérir des connaissances et pouvant ainsi atteindre certains de ses objectifs.

Alphabétisation de l’ensemble des citoyens

La réussite de la décentralisation a non seulement besoin de la formation des élus mais également de l’alphabétisation de l’ensemble de la population. La participation citoyenne dépend ainsi de ce programme. Il faut donc renforcer cette initiative locale en donnant aux citoyens locaux la capacité à s’impliquer beaucoup plus aux décisions qui leurs concernent.
Car, il est difficile d’imaginer l’émergence d’une citoyenneté locale si la majorité de la population reste analphabétique. A Madagascar, le niveau d’éducation est très faible. Selon une étude de la banque mondiale, 60% des jeunes urbains ont une scolarité primaire complète contre seulement 12% des ruraux alors que c’est l’éducation qui est l’élément essentiel dans la stratégie de réduction de la pauvreté. Dans ce cas, l’Etat malagasy devrait élaborer une politique nationale d’éducation concernant à la fois les enfants et les adultes ; il faut qu’il améliore le système éducatif. Au niveau primaire, il devrait payer les salaires des enseignants et viser ainsi la qualité d’apprentissage. En secondaire, il faut augmenter les effectifs dans le premier cycle contre une amélioration qualitative du second cycle en fonction des exigences sociales. Au niveau supérieur, la clé est dans la gestion de la structure notamment la meilleure répartition du budget qui devrait se faire au profit de la pédagogie et de la recherche. Enfin, l’Etat doit favoriser les écoles privées car elles contribuent beaucoup à l’éradication de cet analphabétisme. Aussi, encourager les appuis des partenaires comme l’Alphabétisation FJKM qui œuvre dans l’apprentissage des adultes dans le domaine de la lecture, de l’écriture et du calcul. Tout cela contribue à l’efficacité de la décentralisation. Cependant, c’est irréalisable en l’absence des moyens.

Table des matières

CHAPITRE I : ENJEUX DE LA DECENTRALISATION
1.1. Intérêts de la décentralisation
1.1.1. Développement local
1.1.2. Développement national
1.2. Inconvénients de la décentralisation
1.2.1. Danger socio-économique de la décentralisation
1.2.2. Dangers politiques de la décentralisation
CHAPITRE II – OBSTACLES A LA MISE EN ŒUVRE DE LA DECENTRALISATION A MADAGASCAR
2.1. Handicaps internes des institutions locales décentralisées
2.1.1. Manque des moyens
2.1.2. Déficit démocratique
2.2. Blocages externes aux institutions locales
2.2.1. Problèmes politico-juridiques
2.2.2. Phénomènes socio- environnementaux
CHAPITRE III –SOLUTIONS POUR LA REFORME DE LA DECENTRALISATION
3.1. Appui aux institutions décentralisées
3.1.1. Renforcement des capacités institutionnelles
3.1.2. Amélioration des moyens
3.2. Consolidation des actions locales
3.2.1. Contribution des partenaires à la décentralisation
3.2.2. Adoption d’un mécanisme de contrôle efficace

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