Les caractéristiques de la directive atad

Avant d’entamer l’étude de l’applicabilité de l’ATAD en Belgique, nous consacrerons un titre sur les caractéristiques essentielles de la Directive.

UNE DIRECTIVE

Le Conseil a décidé d’arrêter une directive et non un règlement pour plusieurs raisons. A la suite des rapports finaux de l’OCDE, le Conseil souhaitait travailler sur des mesures communes à l’Union, flexibles et en conformité avec ses conclusions. Afin de lutter contre l’évasion fiscale de manière cohérente et coordonnée, afin d’assurer le bon fonctionnement du marché commun, seule une action collective était à privilégier.

Vingt-huit systèmes juridiques hétéroclites ne pouvaient subir une législation européenne trop intrusive, il a alors été décidé de mettre en œuvre la politique de lutte contre la planification agressive par une Directive. Celle-ci permet ainsi d’éviter la fragmentation du marché, d’agréger au mieux ces différentes asymétries, et d’offrir un cadre commun et adaptable à chacun des États membres. L’article 115 du traité sur le fonctionnement de l’Union a donc été utilisé pour assurer ce rapprochement des lois nationales et préserver la continuité et le bon fonctionnement du marché intérieur.

UNE NORME MINIMALE

Lutter efficacement contre l’évasion fiscale tout en jonglant avec des législations disparates n’est pas tâche aisée. Chaque État membre légifère avec ses propres spécificités et est la partie la mieux placée pour gérer l’imposition des sociétés sur son territoire. Le Conseil a ainsi favorisé l’instauration de normes minimales de sévérité et a laissé aux États le soin de les adapter à leurs systèmes nationaux et d’appliquer les règles spécifiques conformes aux objectifs de la Directive . La transposition devra être réalisée par leurs soins dans le respect des règles européennes et sous le joug de la Cour de justice de l’Union Européenne (CJUE).

Les États Membres restent libres d’établir des normes plus protectrices des bases d’imposition nationales pour l’impôt sur les sociétés. Cette latitude est d’ailleurs expressément prévue à l’article 3 de l’ATAD . C’est ainsi qu’ils pourraient, par exemple, amplifier la sévérité de la clause générale anti-abus en l’assortissant de règles plus strictes .

DES DÉLAIS DE TRANSPOSITION

L’entrée en vigueur de l’ATAD est programmée pour le 1er janvier 2019 (article 11). Concernant l’imposition à la sortie, un délai d’une année supplémentaire a été donné. Une période transitoire est en outre permise pour l’article 4. Les États possédant déjà des règles nationales ciblées aussi efficaces que celui-ci devront le transposer au plus tard le 1er janvier 2024.

LES MESURES VISANT À LUTTER CONTRE L’ÉVASION FISCALE 

Le socle commun de la directive comprend cinq mesures phares : une limitation de la déduction des intérêts (sujet de notre recherche), une règle concernant les sociétés étrangères contrôlées, un régime concernant les dispositifs hybrides, une disposition concernant les taxations à la sortie et une disposition générale anti-abus.

L’effort européen plus conséquent que celui chapeauté par l’OCDE. La disposition centrale de cette étude, par exemple, ne sera plus une simple règle de bonnes pratiques, mais une obligation européenne. Une veille sur les prochaines applications des mesures anti-BEPS pourra être réalisée afin d’éviter, vu ces contraintes fiscales, que l’Europe et ses États membres perdent de leur compétitivité internationale.

LA LIMITATION DE LA DÉDUCTIBILITÉ DES INTÉRÊTS DANS L’ATAD

Ce deuxième titre sera consacré à la disposition centrale de notre étude : l’article 4 contenant la limitation de la déductibilité des intérêts prévue par l’Union européenne . Nous verrons tout d’abord ses origines. Nous aborderons ensuite son champ d’application et notamment les types d’intérêts qui sont visés. Nous listerons par la suite les exceptions prévues par le texte et la possibilité laissée aux États membres de garder des règles transitoires équivalentes. Nous terminerons par le contexte actuel de déductibilité des intérêts en Belgique.

LES RAISONS D’EXISTENCE

Les groupes multinationaux ont souvent profité de la mobilité et fongibilité de l’argent afin d’agir sur leurs résultats fiscaux . En effet, en planifiant intelligemment des transferts de dette à l’intérieur du groupe, les entités utilisent les financements intragroupes ainsi que des instruments financiers afin de gonfler leurs dettes; elles utilisent également des paiements d’intérêts excessifs afin de recourir à l’évasion de leur base d’imposition et au transfert de bénéfices.

DISPOSITIONS GÉNÉRALES

Les contribuables visés
Sont visés par la directive tous contribuables soumis à l’impôt sur les sociétés dans un ou plusieurs États membres, y compris les établissements stables, lorsqu’ils sont situés dans un ou plusieurs États membres, d’entités ayant leur résidence fiscale dans un pays tiers (article 1er).

Les coûts d’emprunt
« [L]es charges d’intérêts sur toutes les formes de dette, les autres coûts économiquement équivalents à des intérêts et les charges supportées dans le cadre de financements au sens du droit national, notamment, mais pas exclusivement, les paiements effectués dans le cadre de prêts participatifs, les intérêts imputés sur des instruments, tels que des obligations convertibles et des obligations sans coupon, les montants déboursés au titre de mécanismes de financement alternatifs, du type finance islamique, les charges d’intérêts des versements au titre de contrats de crédit-bail, les intérêts capitalisés inclus dans la valeur de l’actif correspondant inscrit au bilan, ou l’amortissement des intérêts capitalisés, les montants mesurés par référence à un rendement financier en vertu des règles d’établissement des prix de transfert, le cas échéant, les intérêts notionnels payés au titre d’instruments dérivés ou de contrats de couverture portant sur les emprunts d’une entité, certains gains et pertes de change sur emprunts et instruments liés à des financements, les frais de garantie concernant des accords de financement, les frais de dossier et frais similaires liés à l’emprunt de fonds » .

En vue de déterminer les surcoûts d’emprunt du contribuable à limiter, il est d’abord indispensable de déterminer les coûts d’emprunt. Ces derniers seront à la base du calcul des surcoûts d’emprunt. Ce sont ainsi les charges d’intérêts sur toutes les formes de dettes ainsi que les autres coûts économiquement équivalents.

Les surcoûts d’emprunt
« [L]e montant du dépassement des coûts d’emprunt déductibles supportés par un contribuable par rapport aux revenus d’intérêts imposables et autres revenus imposables économiquement équivalents perçus par ce contribuable, conformément au droit national ».

Afin donc d’éviter les abus des transferts de bénéfices intragroupes, il est prévu une limitation, non pas de tous les coûts d’emprunt, mais uniquement des « surcoûts d’emprunt ». Il en est déduit que ces surcoûts d’emprunt représentent le solde restant de la différence entre les coûts d’emprunt déductibles supportés par le contribuable et les revenus d’intérêts et autres revenus économiquement équivalents imposables dans le chef de celui-ci .

Table des matières

INTRODUCTION
I.- LES CARACTÉRISTIQUES DE LA DIRECTIVE ATAD
A.- UNE DIRECTIVE
B.- UNE NORME MINIMALE
C.- DES DELAIS DE TRANSPOSITION
D.- LES MESURES VISANT À LUTTER CONTRE L’ÉVASION FISCALE
II.- LA LIMITATION DE LA DÉDUCTIBILITÉ DES INTÉRÊTS DANS L’ATAD
A.- LES RAISONS D’EXISTENCE
B.- DISPOSITIONS GENERALES
1) Les contribuables visés
2) Les coûts d’emprunt
3) Les surcoûts d’emprunt
4) L’EBITDA européen
C.- DISPOSITIONS VISANT À LUTTER CONTRE L’ÉVASION FISCALE
1) Principe : limitation de la déductibilité des surcoûts d’emprunt
2) Exceptions
a) Les surcoûts de trois millions d’euros
1. Étendue
2. Exemple
b) Les entreprises isolées
c) Les droits acquis
d) Les projets publics
e) Les groupes consolidés
1. Clause de sauvegarde
a. Clause de sauvegarde liée au fonds propres
(i) Étendue
(ii) Exemple
b. Clause de sauvegarde liée à l’EBITDA
(i) Étendue
(ii) Exemple
2. Prise en compte du groupe
a. Étendue
b. Exemple
f) Le report
1. Étendue
2. Exemple
g) Le secteur financier
h) Les mesures équivalentes
D.- COMPARAISON AVEC LES RÈGLES LIMITANT LA DÉDUCTIBILITÉ DES INTÉRÊTS EN BELGIQUE
1) La sous-capitalisation
2) Paiements d’intérêts à un contribuable établi à l’étranger
3) Le principe de pleine concurrence
4) Comparaison entre les mesures belges et l’article 4
5) Report de transposition de la directive
III.- LA LIMITATION DE LA DÉDUCTIBILITÉ DES INTÉRÊTS : LE PRISME DES ENTREPRISES BELGES
A.- LES RÉSULTATS DE L’APPLICATION DE L’ARTICLE 4 DE L’ATAD À ABINBEV
1) Principe : limitation de la déductibilité des surcoûts d’emprunt
2) Les groupes consolidés
a) Clause de sauvegarde liée aux fonds propres
b) Clause de sauvegarde liée à l’EBITDA
3) Le report
B.- DISCUSSION
1) Les impacts et problèmes pour les entreprises belges
a) Principe : limitation de la déductibilité des surcoûts d’emprunt
1. Les entreprises touchées
2. La complexité de calcul
b) Les exceptions de groupe consolidé
1. Clause de sauvegarde liée aux fonds propres
2. Clause de sauvegarde liée à l’EBITDA
c) Le report
2) Nos recommandations
a) La centralisation des emprunts
b) Utilisation des exceptions avec parcimonie
1. Les droits acquis
2. Clause de sauvegarde liée aux fonds propres
3. Clause de sauvegarde liée à l’EBITDA
4. Le report
c) Gestion de risques
C.- RÉCAPITULATIF DES IMPACTS ET RECOMMANDATIONS
IV.- LA LIMITATION DE LA DÉDUCTIBILITÉ DES INTÉRÊTS : LE PRISME DU LÉGISLATEUR BELGE
A.- LES IMPACTS POUR L’ETAT BELGE
B.- RECOMMANDATIONS POUR LE LEGISLATEUR BELGE
1) Les critères pour une nouvelle loi
2) Nos recommandations
3) L’exemple britannique
V.- CONCLUSION

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