Les Cellulites Orbitaires de l’Enfant

Les Cellulites Orbitaires de l’Enfant

PRÉSENTATION CLINIQUE ET CLASSIFICATION

Cliniquement, la cellulite réalise un œdème inflammatoire de l’œil, le plus souvent unilatéral, douloureux et fébrile, d’installation aiguë et de progression rapide. Il est important d’essayer de préciser : le siège initial de l’œdème, l’aspect des téguments à la recherche d’un traumatisme, d’une lésion cutanée, la présence d’une infection ORL associée [45]. Toutefois, il n’existe pas un tableau « typique » d’infection orbitaire, mais plusieurs présentations cliniques en fonction de la localisation anatomique de l’infection et de sa gravité. La classification de Chandler, qui décrit les complications des sinusites, offre l’avantage de se baser sur l’anatomie et permet, dès l’examen ophtalmologique, de grader le stade de l’infection, avant même le bilan d’imagerie, qui sera réalisé en urgence [6]. Classification de Chandler [11] 1- Cellulite préseptale ou Grade I 2- Cellulite orbitaire ou Grade II 3- Abcès sous-périosté ou Grade III 4- Abcès orbitaire ou Grade IV 5- Thrombose du sinus caverneux ou Grade V 

Grade I : cellulite préseptale ou œdème inflammatoire orbitaire

La cellulite préseptale constitue la forme clinique la plus fréquente (72% à 96% des cas) et la moins grave, car circonscrite en avant du septum orbitaire. L’œdème palpébral y est franc, avec un érythème variable, une chaleur cutanée augmentée et une sensibilité normale. L’acuité visuelle est conservée, on ne retrouve pas d’exophtalmie ni de déficit oculomoteur. L’œil est blanc, la pupille normale, tout comme le fond d’œil. La douleur est peu intense et est décrite plutôt comme une tension des tissus sous-cutanés. Grade I : Diffusion de l’infection à partir de l’ethmoïde (trait noire) en avant du septum orbitaire : stade de cellulite pré septale (flèche rouge)-1 T A 23

Grade II : cellulite orbitaire ou rétroseptal

e On retrouve là encore un œdème palpébral important ; la sensibilité cutanée peut être diminuée. L’examen ophtalmologique montre une exophtalmie, un chémosis, une hyperhémie conjonctivale. Une légère diminution de l’acuité visuelle est possible. La pupille et le fond d’œil sont normaux. La motilité oculaire est, en général, conservée mais parfois réduite. Les signes cliniques sont liés, à la fois, à l’inflammation intraorbitaire et à une infiltration bactérienne, parfois difficile à mettre en évidence. Grade II : Diffusion de l’infection vers la graisse orbitaire sans collection abcédée : cellulite orbitaire (flèche bleu)-2 T A 24

Grade III : abcès sous-périosté

Il résulte d’une accumulation de débris inflammatoires et de bactéries sous le périoste orbitaire, témoin de l’envahissement de l’orbite à partir d’un foyer de sinusite adjacent. Les signes congestifs décrits pour les cellulites sont francs. La palpation de l’orbite peut retrouver une douleur exquise et une masse si l’abcès est antérieur ou volumineux. Les signes compressifs (exophtalmie, baisse d’acuité et troubles oculomoteurs) sont variables en fonction de la localisation de l’abcès. Grade III : Formation d’une collection entre le périoste (en vert) et la lame papyracée (flèche rouge) : abcès sous périosté-3 A T 25 

Grade IV : abcès intra-orbitaire

L’œdème palpébral est majeur, tout comme l’exophtalmie, qui peut être axile ou non en fonction de la localisation de l’abcès. La sensibilité cutanée est diminuée. L’examen ophtalmologique met en évidence une baisse d’acuité visuelle sévère, un chémosis important, une pupille en mydriase. La motilité est très réduite. L’examen du fond d’œil montre parfois un œdème papillaire ou des plis choroïdiens. Grade IV : L’infection dépasse le périoste et réalise une véritable collection intra orbitaire : stade d’abcès orbitaire (zone colorée en jaune)-4 III.5.

Grade V : Thrombose du sinus caverneux

Les signes de congestion des paupières sont présents, avec un aspect bleu violacé. L’exophtalmie est majeure, l’acuité visuelle est effondrée. L’atteinte nerveuse est globale, avec une pupille en mydriase, une ophtalmoplégie complète (atteinte du III, du IV et du VI), mais également une atteinte du V. A T 26 Le pronostic vital est alors mis en jeu. Ces signes cliniques ne sont pas spécifiques de l’infection : une thrombophlébite peut survenir dans un contexte d’hypercoagulabilité ou de traumatisme, notamment chez des patients plus âgés [6]. Cette classification est aussi une gradation de l’évolution de la cellulite. Ainsi, une cellulite préseptale (Grade I) peut évoluer en l’absence de traitement vers un Grade IV voire V. Cependant, cette évolution graduelle n’est pas systématique [37]. Grade V : Diffusion vers l’apex orbitaire avec migration d’emboles septiques vers le sinus caverneux (flèche rouge)-5 Figure 11 : Diffusion de l’infection de l’orbite [50] (1, 2, 3, 4,5) A T

ÉTIOLOGIES

La porte d’entrée des cellulites orbitaires est le plus souvent sinusienne (85%) ou cutanée (10 %), mais toutes les causes d’infections locorégionales peuvent être retrouvées (5 %) : infection des voies lacrymales, fracture du massif facial, chirurgie oculo-orbitaire ou abcès dentaire. Dans le cas particulier des infections pédiatriques, la part des sinusites comme point de départ de l’infection orbitaire est encore plus nettement prépondérante. Leur localisation et leurs formes cliniques varient en fonction de l’âge, puisque la formation des cavités sinusiennes se poursuit jusqu’à l’adolescence. En effet, les cellules ethmoïdales sont formées dès le deuxième semestre de vie, alors que le sinus maxillaire se développe à partir de l’âge de 2 ans, et le sinus frontal à partir de l’âge de 5 ans, pour atteindre leur taille définitive à la fin de l’adolescence. Les sinusites sont donc ethmoïdales surtout entre l’âge de 6 mois et 5 ans, maxillaires à partir de l’âge de 3 ans, et frontaux après l’âge de 10 ans. 28 Figure 12 : Formation des sinus en fonction de l’âge, de la naissance (N) à l’âge adulte (A) (âge exprimé en années) (d’après Arey LB) 

Extension de Structures périorbitaires

Quatre-vingt-dix pour cent des cas de cellulite orbitaire sont causés par une sinusite, et la majorité d’entre eux sont causés par une sinusite ethmoïdale. Les infections telles que l’érysipèle et l’impétigo peuvent conduire à des infections orbitaires grâce à un écoulement rétrograde à travers les veines orbitales et une thrombophlébite septique. La dacryocystite est une autre cause de cellulite orbitaire. Les infections dentaires peuvent conduire à des infections des sinus paranasaux et orbitaux qui peuvent entrainer une sévère baisse de l’acuité visuelle, la méningite, et même la 29 mort. Bullock et Fleishman [8] ont trouvé une incidence anormalement élevée de comorbidités que peut entrainer une immunodépression chez 3 des 4 patients qu’ils ont signalés comme ayant des complications d’une infection dentaire.

Causes exogènes

La cellulite orbitaire peut survenir après un traumatisme contondant ou pénétrant dans l’orbite. La fracture des os de l’orbite à la suite d’un traumatisme par objet contondant peut entraîner une communication directe avec un sinus attenant avec inoculation bactérienne. Dans certains cas, un fragment déplacé d’une fracture du plancher orbital peut bloquer l’ostium du sinus maxillaire, conduisant à la sinusite et simultanément une cellulite orbitaire. Les corps étrangers intraorbitaires, en particulier métallique, et les fragments de bois, doivent être extraits en cas de pénétration suite à un traumatisme [18, 25]. Toute chirurgie orbitaire ou périorbitaire peut conduire à une cellulite orbitaire. Elle est rare dans la chirurgie des strabismes et les procédures de plissement scléral.

Causes endogènes

Une endocardite bactérienne peut entraîner des infarctus septiques dans le cerveau et une cellulite orbitaire. Une endophtalmie peut également entrainer une cellulite orbitaire .

Flore microbienne

Il est primordial de réaliser des prélèvements locaux, mais également des hémocultures. En effet, il apparaît que si les prélèvements bactériologiques locaux (drainage de l’abcès par exemple) sont souvent négatifs chez l’enfant âgé de moins de 9 ans, leur rendement augmente avec l’âge, et un ou plusieurs germes sont presque toujours identifiés après l’âge de 15 ans, parfois même après plusieurs jours d’antibiothérapie orale [26]. À l’inverse, les hémocultures sont positives chez seulement 5 % des adultes, mais chez 33 % des enfants âgés de moins de 4 ans [12]. Le diagnostic bactériologique permet d’adapter rapidement l’antibiothérapie et de lutter contre les résistances bactériennes. Chez le nouveau-né, le Staphylocoque aureus serait le germe le plus fréquemment retrouvé. Chez le jeune enfant, l’infection est le plus souvent mono-microbienne : avant l’âge de 5 ans, les infections à Haemophilus influenzae et Streptococcus pneumoniae prédominent ; les germes anaérobies sont rarement en cause, et l’incidence des infections à Haemophilus influenzae est en diminution, pour atteindre des taux très faibles quand la vaccination est systématique.

Table des matières

INTRODUCTION GÉNÉRALE
PREMIÈRE PARTIE
I. DÉFINITION
II. RAPPELS
II.1. Rappel anatomique
II.1.1. L’orbite
II.1.1.1. La paroi supérieure
II.1.1.2. La paroi inférieure
II.1.1.3. La paroi médiale
II.1.1.4. La paroi latérale
II.1.2. Le septum orbitaire
II.1.3. Les paupières
II.1.4. Le globe oculaire
II.1.5. Les sinus
II.2. Physiologie pathologique
III. PRÉSENTATION CLINIQUE ET CLASSIFICATION .
III.1. Grade I : cellulite préseptale ou œdème inflammatoire orbitaire
III.2. Grade II : cellulite orbitaire ou rétroseptal
III.3. Grade III : abcès sous-périosté
III.4. Grade IV : abcès intra-orbitaire
III.5. Grade V : Thrombose du sinus caverneux
IV. ÉTIOLOGIES
IV.1. Extension de Structures périorbitaires
IV.2. Causes exogènes
IV.3. Causes endogènes
IV.4. Flore microbienne
V. DIAGNOSTIC
V.1. Positif
V.2. Différentiel
V.2.1. Tumeurs orbitaires
V.2.2. Inflammations orbitaires chroniques
V.2.3. Fascéites nécrosantes périorbitaires
VI. TRAITEMENT .
VI.1. Forme préseptale
VI.2. Forme rétro septale
VI.2.1. Traitement médical
VI.2.1.1. Antibiotique
VI.2.1.2. Corticothérapie
VI.2.1.3. Traitement local
VI.2.1.4. Traitement adjuvant
VI.2.2. Traitement chirurgical
VI.2.2.1. Indication
VI.2.2.2. Technique chirurgicale
VII. EVOLUTION
DEUXIÈME PARTIE
I. MATERIEL ET MÉTHODES
I.1. Cadre d’étude
I.2. Méthodes
I.3. Matériel
II. RÉSULTATS
II.1. Épidémiologie
II.1.1. Fréquence
II.1.2. Age
II.1.3. Sexe
II.1.4. Délai de consultation
II.1.5. Périodicité
II.2. Examen clinique
II.2.1. Motif de consultation
II.2.2. Consultation antérieure à l’hospitalisation
II.2.3. Antécédents médicaux et chirurgicaux
II.2.4. Signes généraux
II.2.5. Examen ophtalmologique
II.2.5.1. Latéralité
II.2.5.2. Acuité visuelle
II.2.5.3. Annexes
II.2.5.4. Oculomotricité
II.2.5.5. Segment antérieur
II.2.5.6. Segment postérieur
II.2.6. Examen des autres appareils
II.3. Examen paraclinique
II.3.1. Biologie
II.3.1.1. Bilan infectieux
II.3.1.2. Bilan du terrain
II.3.2. Imagerie médicale
II.3.2.1. Radiographie
II.3.2.2. Tomodensitométrie
II.3.2.3. Echographie
II.4. Classification et porte d’entrée
II.5. Traitement
II.5.1. Traitement médical
II.5.2. Traitement chirurgical
II.6. Évolution
II.6.1. 6-1 Évolution favorable
II.6.2. Evolution défavorable
II.6.3. Décès
III. DISCUSSION
III.1. Profil épidémiologique
III.1.1. Age
III.1.2. Sexe
III.1.3. Delai de consultation
III.1.4. Périodicité
III.2. Classification
III.3. Données cliniques
III.3.1. Données de l’interrogatoire
III.3.2. Données de l’examen clinique
III.4. Données paracliniques
III.4.1. Biologie
III.4.2. Imagerie médicale
III.4.2.1. Radiographie
III.4.2.2. Tomodensitométrie
III.4.2.3. Echographie
III.5. Traitement
III.5.1. Traitement médical
III.5.2. Traitement chirurgical
III.6. Évolution
CONCLUSION

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