Les complications des greffes sous sinusiennes

Physiologie et histologie de la membrane sinusienne

Le rôle physiologique du sinus maxillaire est mal déterminé, certaines études montrent que le comblement d’une partie de leur volume ne semble pas affecter la physiologie respiratoire et ne change pas la voix du patient.
Le sinus est tapissé d’une membrane respiratoire ciliée, analogue à la muqueuse pituitaire des fosses nasales, semblable au revêtement des bronches et de la trachée.
Son épaisseur varie entre 0.13 à 0.5mm . Elle est de couleur gris bleutée, celle-ci est composée de quatre types de cellules : basales, caliciformes, à microvillosités et ciliées. Les cellules cylindriques ciliées transportent les sécrétions du sinus dans la cavité nasale (1000 battements/minutes) et les cellules épithéliales caliciformes, dont les sécrétions maintiennent l’activité ciliaire et membranaire . Chaque cellule épithéliale possède environ 200 cils présents en surface. Le battement ciliaire est coordonné car tous les cils battent dans la même direction, avec la même fréquence, et de façon synchrone.
La fréquence du mouvement ciliaire est de l’ordre de 10 à 20 Hz, à une vitesse de 10 à 15 mm/mn. Il en résulte un drainage actif du sinus .
Ces cils sont chargés d’évacuer les sécrétions muqueuses. Ce drainage, est effectué par les procès ciliaires, à la partie la plus déclive du sinus, puis, les sécrétions sont évacuées par un conduit nommé l’ostium du maxillaire, qui s’abouche dans le cornet moyen de la cavité nasale. Toute obstruction prolongée entre des modifications des échanges d’oxygène et de gaz carbonique perturbe le fonctionnement normal des cellules et entraîne une stase muqueuse (Gouet and Touré, 2017). Il existe des fonctions établies et des hypothèses : la muqueuse sinusienne assurerait un rôle de défense par la présence de glandes, le drainage muco-ciliaire, le mucus qui contient des enzymes, des immunoglobulines A sécrétoires. Ces substances favorisent la phagocytose par les macrophages. Il existe également un mécanisme de défense tissulaire par le tissu lymphoïde associé à la muqueuse naso-sinusienne. Grâce à certaines études, (culture de cellules), la membrane de Schneider a un potentiel ostéogénique par l’expression de l’ARNm des marqueurs de protéines ostéogéniques, (phosphatase alcaline, ostéonectine, ostéocalcine et sialoprotéine osseuse).
Le sinus est chargé de réaliser plusieurs missions physiologiques : Il sécrète du mucus, Il est chargé de drainer ces sécrétions vers les fosses nasales par l’ostium, par l’activité ciliaire créant des courants d’évacuation du mucus et s’opposant à la pénétration de particules étrangères au niveau de l’ostium, Il contribue grandement à la résorption osseuse : la présence d’ostéoclastes favoriserait la résorption osseuse par l’épithélium sinusien, Son développement se fait tout au long de la vie grâce à la surpression intra sinusienne, L’équilibre de la flore bactérienne en provenance de l’ostium, Le sinus jouerait un rôle dans le réchauffement de l’air, Les cavités sinusiennes allègent le crâne, Le sinus contribue à l’olfaction et à la résonance du son.

Réaction osseuse à l’extraction au maxillaire : conséquences cliniques

L’extraction des dents, pour quelque raison que ce soit (traumatisme, délabrement, orthodontie…) va entraîner une résorption de l’os alvéolaire .
Au maxillaire, cette résorption s’effectue de manière centripète : c’est la hauteur résiduelle présente sous le sinus qui va diminuer.
Cette résorption est rapide : elle s’objective seulement en quelques mois, moins d’un an. Elle se traduit par:
une réduction de 3,1 à 5,9 mm du volume osseux vestibulo palatin entre 4 et 12 mois post extractionnel, soit 50 % de perte osseuse,
une réduction de 0,7 à 1,5 mm du volume osseux crestal entre 4 à 6 mois post extractionnel avec pour conséquence une fragilité de la crête alvéolaire laquelle, se résorbant, favorise la diminution de la hauteur d’os disponible .
Si aucune mesure est prise rapidement, la réhabilitation prothétique implantaire nécessitera une greffe osseuse afin de retrouver le volume osseux perdu, et compromet un résultat esthétique et fonctionnel satisfaisant, il est donc impératif de prévenir le patient lors de l’extraction et de réfléchir à la phase prothétique ultérieure.

Les techniques de greffes sous sinusiennes

Indications de l’élévation sinusienne

L’indication de l’élévation du plancher sinusien se pose en mettant en accord les demandes du patient, les résultats esthétiques et fonctionnels escomptés et surtout, la situation clinique : il faut avant toute chose évaluer le contexte osseux.
Certaines classifications nous aident à orienter notre plan de traitement en fonction du bilan clinique : La Classification de Misch , créée en 1993, comporte 4 niveaux classant les pertes osseuses : SA1: H> 12 mm : La mise en place des implants peut se réaliser sans augmentation osseuse. SA2: 12 mm <H< 8 mm : Le traitement implantaire nécessite une augmentation sinusienne par voie crestale, les implants pourront être posés dans le même temps chirurgical.
SA 3 : 5 mm <H< 8 mm : Ici, une augmentation sinusienne par abord vestibulaire est préconisée, les implants pourront être posés dans le même temps chirurgical. SA 4 : H< 5 mm : deux temps chirurgicaux sont nécessaires, un premier pour l’augmentation sinusienne par voie latérale, puis un second pour poser les implants.
La Classification de Jensen, créée en 1999, montre l’évolution des techniques et des indications : Classe A : 10 mm ou plus d’os résiduel sont présents. Généralement, aucune greffe n’est nécessaire avant la mise en place d’implant(s).
Classe B : 7 à 9 mm ou plus d’os résiduel sont présents. La technique de comblement sinusien la plus adaptée à cette situation clinique se fait par voie crestale à l’aide d’ostéotomes.
Classe C : 4 à 6 mm d’os résiduel sont présents. Dans ce cas, la voie d’abord latéral est indiquée en utilisant un greffon autogène, allogène, une xénogreffe, un matériau alloplastique ou une combinaison de deux greffons différents.
Classe D : 1 à 3 mm d’os résiduel sont présents. Seule l’utilisation d’os autogène, greffé par voie d’abord latéral, aboutit à des résultats satisfaisants.
Les greffes d’élévation du plancher sinusien seront indiquées dans les situations suivantes : Catégories 2, 3 et 4 de Misch, Catégories B, C et D de Jensen, Absence de relief de crête, Reconstruction à la suite d’un cancer du maxillaire, pour stabilisation d’une prothèse, Absence d’antécédent de pathologie sinusienne, Absence d’obstacles anatomiques majeurs.
La classification de Chiapasco voit le jour en 2003, elle propose de prendre en considération le rapport inter arcade en plus de la hauteur et la largeur osseuse résiduelle, afin d’éviter de se retrouver dans des cas défavorables niveau biomécanique (rapport couronne implant ou occlusion inversée) .
Les deux étiologies principales aux insuffisances verticales postérieures maxillaires sont : la résorption alvéolaire crestale, la pneumatisation du sinus, Celles-ci essentiellement dues à l’avulsion des molaires maxillaires.

Planification et plan de traitement

Lors de la détermination du plan de traitement, le dialogue avec le patient sera indispensable, il faudra satisfaire ses attentes au maximum, énoncer les étapes de traitement, l’informer sur les différentes techniques de greffes, leur réalisation, les autres alternatives, et obtenir sa coopération. Lors de la préparation du patient, une attention particulière doit être portée à sa motivation, elle est essentielle au bon déroulement des soins et doit durer tout au long du traitement .
Suivant les desiderata, notre plan de traitement s’orientera vers une restauration esthétique ou uniquement satisfaisante au niveau fonctionnel, nous n’oublierons pas de prendre en compte les moyens économiques du patient pour ajuster notre traitement.
L’information du patient doit intégrer les risques liés à l’intervention et les suites postopératoires . Nous devons être conscients qu’une réhabilitation ad integrum ne peut pas être garantie, et que nous choisirons les techniques nous permettant de nous en rapprocher le plus possible.
Notre choix prothétique se fera aussi en fonction de l’hygiène du patient. Les possibilités de nettoyage sont différentes entre une restauration fixe ou amovible.
La prise en charge pour la réalisation d’une greffe sous sinusienne peut se faire soit en ambulatoire soit au cabinet dentaire .

Complications dues aux variations anatomiques

Morphologie du plancher sinusien :La morphologie du plancher sinusien étant sujet à de nombreuses variations anatomiques joue un rôle en augmentant la difficulté opératoire : une irrégularité (septa, excroissance) augmente le risque de perforation de la membrane de Schneider. Plus l’angle formé entre les parois interne et externe est aigu plus il est difficile d’élever la membrane sans perforation.
Épaisseur et adhérence de la membrane sinusienne :L’épaisseur de la membrane sinusienne est aussi à prendre en compte, l’épaisseur de la membrane est très variable entre individus, elle peut être fine, normale, épaisse ou hypertrophique et chez un même individu, elle peut varier fortement d’un endroit à l’autre du sinus.
Typiquement, elle varie entre 0,3 et 1,3 mm, l’épaisseur de la membrane est une information importante à connaître avant une intervention, car elle constitue un des paramètres permettant de prédire la difficulté de la chirurgie sinusienne. Elle se détermine sur les coupes radiographiques obliques.
La courbe panoramique est insuffisante, car elle apporte des informations sur l’épaisseur de la membrane au niveau du plancher mais non au niveau de la paroi antérolatérale, là où s’effectue l’abord vestibulaire. Une membrane bien visible sur la radiographie sera plus facile à manipuler pendant la chirurgie. On se méfiera d’une membrane épaisse ou hypertrophique, qui peut être signe d’épisodes inflammatoires répétés. Si tel est le cas, la membrane sera fibreuse, certes épaisse, mais sans doute plus difficile à décoller de la paroi osseuse.
L’élasticité et l’adhérence aux parois sinusiennes de la membrane de Schneider sont aussi variables. L’adhérence est liée à l’interpénétration de la membrane sinusienne avec la trame osseuse des parois osseuses du sinus.
L’interpénétration étant plus importante lorsque les parois sont faiblement corticalisées, il est possible d’anticiper un décollement plus laborieux. Quand ce cas de figure est combiné avec une membrane fine, les conditions pour une perforation sont réunies, il faudra donc être très vigilant. Dans le cadre d’une étude sur un cadavre, de Reiser et al. en 2001, il a été observé qu’il était possible de déformer élastiquement la membrane sinusienne sur 4 à 5 mm, mais aussi jusque 6 à 8 mm sans systématiquement perforer la membrane. Dans ces conditions, le taux de perforation est de 24%.
Lorsque la membrane sinusienne est déchirée lors de l’intervention chirurgicale, elle se reconstitue en 6 mois.

Table des matières

Introduction 
1. Rappels
1.1. Le sinus maxillaire 
1.1.1. Embryologie
1.1.2. Anatomie
1.1.2.1. Morphologie angulaire du sinus
1.1.2.1.1. Paroi supérieure ou orbitaire
1.1.2.1.2. Paroi latérale
1.1.2.1.3. Paroi antérieure ou jugale
1.1.2.1.4. Paroi nasale ou médiale
1.1.2.1.5. Plancher sinusien
1.1.2.1.6. Paroi postérieure ou zygomatique
1.1.2.1.7. Variation anatomique : les septa
1.1.3. Vascularisation
1.1.3.1. Vascularisation artérielle
1.1.3.2. Drainage veineux
1.1.3.3. Drainage lymphatique
1.1.4. Innervation
1.1.5. Physiologie et histologie de la membrane sinusienne
1.1.6. Réaction osseuse à l’extraction au maxillaire : conséquences cliniques
1.2. Les techniques de greffes sous sinusiennes
1.2.1. Indications de l’élévation sinusienne
1.2.2. Planification et plan de traitement
1.2.2.1. Bilan clinique
1.2.2.2. Bilan paraclinique
1.2.3. Sinus lift par abord vestibulaire ou latéral
1.2.3.1. Technique chirurgicale
1.3. Les matériaux de comblements
1.3.1. Définition : Biologie des greffes osseuses
1.3.1.1. Autogène
1.3.1.2. Allogène
1.3.1.3. Xénogreffe
1.3.1.4. Synthétique ou alloplastique
1.3.1.5. Dérivés du sang
1.3.1.6. Membranes
1.3.2. Rôle et choix des matériaux : avantages et inconvénients
1.3.3. Ostéointégration des matériaux de comblement
2. Les complications des greffes sous sinusiennes
2.1. Complications dues aux variations anatomiques
2.1.1. Morphologie du plancher sinusien
2.1.2. Épaisseur et adhérence de la membrane sinusienne
2.2. Complications per opératoires
2.2.1. Complication lors du temps muqueux
2.2.2. Complications nerveuses
2.2.3. Complications hémorragiques
2.2.4. Déchirure de la membrane
2.2.5. Altération de la racine adjacente
2.3. Complications postopératoires
2.3.1. Complications non spécifiques
2.3.1.1. Tuméfactions
2.3.1.2. Hématomes
2.3.1.3. Écoulement nasal et épistaxis
2.3.1.4. Ecoulement intrabuccal et hémorragies
2.3.1.5. Rupture des sutures
2.3.1.6. Écoulement purulent au niveau des sutures
2.3.1.7. Candidose
2.3.1.8. Douleurs
2.3.2. Complications spécifiques
2.3.2.1. Exfoliation de particules
2.3.2.2. Complications infectieuses
2.3.2.2.1. Infection du greffon et sinusite maxillaire
2.3.2.2.2. Abcès post sinus lift
2.3.2.3. Complications nerveuses
2.3.2.4. Communication bucco-sinusienne
2.3.2.5. Complications liées à la régénération incomplète du greffon
2.3.2.6. Résorption du greffon
2.3.2.7. Complications liées à l’exposition du greffon
2.3.2.7.1. Exposition précoce
2.3.2.7.2. Exposition tardive
2.3.2.8. Céphalées post opératoires
2.3.2.9. Insuffisance du comblement sinusien
3. Gestion des complications : traitements et conduite à tenir
3.1. Traitement préventif
3.1.1. Analyses des germes intrabuccaux
3.1.2. Préparation du patient
3.1.2.1. Recommandations préopératoires et consignes postopératoires
3.1.2.2. Médications
3.1.2.2.1. Traitements habituels du patient
3.1.2.2.2. Anxiolytiques et prémédication sédative
3.1.2.2.3. Antibiotiques
3.1.2.2.4. Anti inflammatoires
3.1.2.2.5. Prévention et traitement de la douleur postopératoire
3.1.3. Décontamination du matériel et traçabilité
3.1.4. Asepsie et salle de soin
3.1.5. Préparation du praticien et du patient pour l’opération
3.2. Traitement curatif
3.2.1. Traitement des complications infectieuses
3.2.1.1. Sinusite aiguë
3.2.1.2. Abcès post sinus lift
3.2.2. Traitement de la déchirure de la membrane sinusienne
3.2.3. Traitement des lésions des racines adjacentes
3.2.4. Traitement des atteintes nerveuses
3.2.5. Traitement des complications hémorragiques
3.2.6. Traitement de la diffusion du matériel de comblement dans le sinus
4. Prévention des complications des greffes sous sinusiennes : Contre-indications et facteurs de risque
4.1. Contre-indications
4.1.1. Contre-indications locales
4.1.1.1. Pathologies locales du sinus
4.1.1.2. Corps étrangers intra-sinusiens
4.1.1.3. Pathologie apicale de la racine adjacente
4.1.2. Contre-indications générales
4.1.2.1. Patient immunodéprimé
4.1.2.2. Maladies systémiques non contrôlées
4.1.2.3. Cardiopathies à haut risque
4.2. Facteurs de risque
4.2.1. Facteurs de risque locaux
4.2.1.1. Radiothérapie
4.2.1.2. Parodontite
4.2.1.3. Qualité et quantité des tissus mous et de l’os
4.2.1.4. Mauvaise hygiène buccale
4.2.2. Facteurs de risque généraux
4.2.2.1. Tabagisme et toxicomanies
4.2.2.2. Diabète
4.2.2.3. VIH et VHC
4.2.2.4. Traitement aux corticoïdes
4.2.2.5. Thérapie aux biphosphonates
4.2.2.6. Maladies du système osseux
4.2.2.7. Troubles hémorragiques et pathologies cardiovasculaires
4.2.2.8. Allergies et maladies auto-immunes
4.2.2.9. Âge
4.2.3. Facteurs de risque anatomiques
4.2.3.1. Septum
4.2.3.2. Polype
4.2.3.3. Situation de l’artère antrale
4.2.3.4. Limitation d’ouverture buccale
Conclusion
Bibliographie

Télécharger le rapport complet

Télécharger aussi :

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *