LES COMPLICATIONS ET SEQUELLES ORTHOPEDIQUES DE L’OSTEOMYELITE CHRONIQUE CHEZ L’ENFANT

LES COMPLICATIONS ET SEQUELLES ORTHOPEDIQUES DE L’OSTEOMYELITE CHRONIQUE CHEZ L’ENFANT

RAPPEL ANATOMIQUE D’UN OS LONG

On distingue trois parties importantes sur un os long : la diaphyse, les épiphyses et métaphyses. 

 La diaphyse C’est la partie centrale des os longs creusée par une cavité ou canal médullaire tapissé d’une membrane appelée endostée. Cette cavité est occupée par la moelle osseuse dont l’aspect et la fonction varient selon l’âge. La diaphyse est bornée à ses deux extrémités par les épiphyses 

 Les épiphyses

Elles se situent aux extrémités des os longs : une épiphyse distale (caudale) et une proximale (crâniale). Elles sont formées de tissu spongieux et sont très riches en moelle rouge hématopoïétique. Elles sont recouvertes de cartilage articulaire

 La métaphyse

C’est la partie située entre la diaphyse et l’épiphyse, à ce niveau se trouve le cartilage de conjugaison. A l’âge adulte lorsque la croissance du squelette est terminée, l’os remplace le cartilage épiphysaire ; cette partie ainsi transformée s’appelle la ligne épiphysaire [2] (Fig. 1)  Figure 1: Schéma d’un os long Haut Gauche 7  La vascularisation du tissu osseux Le tissu osseux est un tissu vascularisé contrairement aux autres tissus conjonctifs comme le cartilage. Une vascularisation absente ou défectueuse aboutit à un développement anormal du tissu osseux, à une réparation incomplète et peut engendrer des pathologies osseuses. Tout os privé de sa vascularisation se nécrose et aboutit à la mort des cellules qui le composent [23]. Le système artériel comprend essentiellement trois éléments :  l’artère nourricière principale qui pénètre l’os par le trou nourricier, et parcourt l’os selon un trajet généralement oblique et caractéristique de chaque os pour atteindre la cavité médullaire s’il s’agit d’un os long, le tissu spongieux dans les autres types d’os. Cette artère se subdivise à ce niveau en deux branches, une ascendante, et l’autre descendante, chacune d’elle se ramifiant en plusieurs artérioles. Elle participe ainsi à la vascularisation de la quasi-totalité du cortex diaphysaire ;  les artères métaphysaires : elles assurent la vascularisation de la totalité des métaphyses, pénètrent le long de la surface périostée de ces dernières et participent à la vascularisation médullaire ;  les artères périostées quant à elles sont responsables de la vascularisation du cortex, cependant elles n’atteignent pas la partie centromédullaire. Le retour veineux médullaire se fait grâce à un volumineux sinus veineux central, parallèle aux artères nourricières. Les veines nourricières et perforantes assurent le drainage sanguin des régions épiphysaires et métaphysaires vers l’extérieur de l’os. En résumé, la vascularisation se compose de deux systèmes complémentaires qui communiquent entre eux et qui irriguent les deux faces de l’os [26] : Le système endosté, provenant de l’artère nourricière et qui vascularise la face interne de l’os d’une part et d’autre part le système périosté provenant du réseau vasculaire musculo-périosté et qui vascularise la face externe de l’os. 8 La dévascularisation osseuse totale ne peut se produire que par la suppression des deux systèmes à la fois (Fig. 2) [26]. Figure 2: Double vascularisation de l’os par l’artère nourricière 

 Rappel histologique

Le tissu osseux 

Le tissu osseux est un tissu squelettique formé de deux éléments : la matrice osseuse et les cellules osseuses. C’est un tissu conjonctif spécialisé, caractérisé par la nature solide de la matrice extracellulaire [19].  Les composants du tissu osseux  La matrice osseuse Elle est constituée de substances fondamentales et de fibres (matrice organique) ainsi que des sels minéraux. La combinaison de fibres de collagène et de sels inorganiques rend l’os exceptionnellement résistant.  La matrice minérale Elle est constituée de cristaux dont la composition chimique comprend de l’hydroxyapatite (phosphate de carbone cristallisé) et du carbonate de calcium. Haut Gauche Des ions calcium et phosphate sont en surface dans des cristaux et participent à des échanges rapides avec le liquide interstitiel et donc avec le courant sanguin. Ainsi l’os contient 98% du calcium de l’organisme et représente un réservoir essentiel de calcium [19,57].  La matrice organique Elle forme ce que l’on appelle l’ostéoide ou substance pré-osseuse. Cette substance contient des protéines fibreuses structurales (collagène et élastine) ou adhérentes (fibronectine) ainsi que la substance inter fibrillaire (10%) [27,29].  Les cellules osseuses Le tissu osseux est composé de quatre types de cellule que sont les ostéoprogénitrices, les ostéoblastes, les ostéocytes et les ostéoclastes [19,75].  Les cellules ostéoprogénitrices : Elles se trouvent dans le périoste, dans l’endoste, tapissent les canaux de Volkmann. Elles sont des cellules souches dérivées du mésenchyme et peuvent se différencier pour former des ostéoblastes et des ostéocytes ;  Les ostéoblastes Ce sont des cellules formatrices du tissu osseux et sécrétant le collagène qui est une substance protéique nécessaire à l’ossification.  Les ostéocytes Ils correspondent à des cellules de forme étoilée dont les prolongements fins et longs unissent les cellules entre elles. Ce sont des cellules du tissu osseux matures.  Les ostéoclastes Il s’agit de cellules qui détruisent l’os tandis que parallèlement les ostéoblastes le reconstruisent.

Le tissu osseux non lamellaire 

C’est un tissu osseux immature. Il est caractérisé par l’absence d’orientation organisée par des fibres de collagène, qui sont entrecroisées et ne s’organisent pas en lamelles. Il présente une faible résistance mécanique

 Le tissu osseux compact 

Encore appelé tissu osseux Haversien, il forme avec le tissu osseux spongieux, la totalité du tissu osseux mature. Il est caractérisé par une organisation spatiale stricte des fibres de collagènes en lamelles superposées. Dans le tissu osseux compact, les lamelles osseuses forment des ensembles circulaires nommés ostéons ou systèmes de Havers. Chaque ostéon est centré par un canal, le canal de Havers 

Le tissu osseux spongieux

 Le tissu osseux spongieux est situé dans les épiphyses des os longs ainsi que dans les os courts et les os plats. Il joue un rôle d’amortisseur grâce à la moelle emprisonnée dans les alvéoles [34]. Il est composé de trabécules séparées par des espaces médullaires qui contiennent de la moelle osseuse. Dans les trabécules épaisses, on trouve des ostéons tandis que dans les trabécules moins épaisses, on trouve simplement des lamelles irrégulières, des lacunes et des canalicules contenant les ostéocytes et leurs tentacules. 

 Le tissu cartilagineux 

Il est fait de cellules, de fibres et de substance fondamentale. 2. La croissance osseuse Le cartilage de croissance assure la croissance en longueur au niveau des os longs. Il est indissociable d’une entité plus globale que constitue la chondroépiphyse. La chondro-épiphyse constitue à la fois une unité histologique, fonctionnelle et vasculaire. Toute lésion de cette région peut avoir un retentissement sévère sur la croissance.  Son rôle est double et consiste à assurer la croissance en longueur de l’os diaphysaire et permettre la croissance volumique des extrémités osseuses. La croissance des cartilages de conjugaison est respectivement de 30% pour l’extrémité supérieure et de 70% pour l’extrémité inférieure du fémur. Ainsi le genou est responsable de 67% de la croissance

 Particularité de l’os chez l’enfant 

 L’os de l’enfant a une structure différente de celui de l’adulte, il est plus chargé en eau mais aussi mécaniquement moins résistant que celui de l’adulte. Une grande partie est constituée d’une maquette cartilagineuse (non visible sur une radiographie) qui va progressivement s’ossifier au cours de la croissance. Au fur et à mesure que l’enfant grandit, apparaissent au sein de cette maquette cartilagineuse des noyaux d’ossifications. En fin de croissance, toute la maquette cartilagineuse aura disparu et se sera ossifiée. La luxation articulaire est exceptionnelle, l’os étant moins résistant que la capsule articulaire. 

 Le cartilage de croissance

 Il est présent aux deux extrémités des os longs, mécaniquement faible et peu résistant aux forces de traction axiale et de torsion. Beaucoup de fracture de l’enfant passent par ce cartilage de croissance. La complication la plus grave est la création d’un pont d’épiphysiodèse (destruction d’une partie ou de la totalité du cartilage) avec arrêt de croissance et perte de longueur et désaxation du membre. Cette complication sera d’autant plus importante lorsque l’enfant est jeune et si la fracture survient sur un des cartilages les plus actifs de l’organisme (près du genou loin du coude). 

PHYSIOPATHOLOGIE DE L’INFECTION OSSEUSE 

L’os de l’enfant en croissance, plus particulièrement la métaphyse des os longs, est à fort risque de greffe microbienne du fait de sa vascularisation .Outre le ralentissement circulatoire au niveau de la métaphyse, la faiblesse des défenses locales , la virulence des bactéries impliquées ainsi que les traumatismes locaux sont considérés comme d’importants facteurs favorisant l’infection osseuse [38]. Il existe deux systèmes vasculaires métaphyso-diaphysaires au niveau des os longs : – Le système endosté sous la dépendance de l’artère nourricière qui vascularise la face interne de l’os ; – Le système périosté, il découle de quatre réseaux vasculaires représentés par   :  la vascularisation périostée intrinsèque,  la vascularisation musculo périostée,  la vascularisation fascio-périostée,  et les anastomoses capillaires corticales provenant de l’artère nourricière . La pullulation microbienne au niveau de la métaphyse est responsable de phénomènes inflammatoires puis suppuratifs et de thromboses capillaires responsables d’une métaphysite (dévascularisation endosté). La propagation de l’infection peut se faire vers : L’épiphyse par le réseau interphysaire (réseau vasculaire reliant la vascularisation métaphysaire à la vascularisation épiphysaire existant chez le nourrisson jusqu’à 12-18 mois) (fig. 5) ; ceci entraine une atteinte du cartilage de croissance et une épiphysite ; la progression de l’infection au cartilage articulaire et à l’articulation donne lieu à une ostéoarthrite ; entre 8 et 18 mois, l’atrophie des vaisseaux du réseau interphysaire (responsable d’une barrière    entre épiphyse et métaphyse) et l’épaississement cortical limitent l’extension de l’infection [77] ; – la corticale, elle entraine la formation d’un abcès sous périosté qui progresse vers l’abcès sous cutané, provoquant une dévascularisation périosté et aboutissant à la nécrose osseuse par double dévascularisation (ostéomyélite chronique). La revascularisation de l’os périphérique à partir du périoste via les muscles permet une reconstruction osseuse (involucrum) au tour d’une zone nécrosée infectée et non vascularisée appelée «séquestre» ; l’évolution aboutit à la constitution de fistule cutanée. – La synoviale en cas de métaphyse intra-articulaire (hanche, épaule et coude), responsable d’une arthrite secondaire ; – La diaphyse (beaucoup plus rare). Dans toutes ces circonstances, l’ostéomyélite succède à un épisode aigu que ce soit un épisode traumatique ou d’infection et ce n’est que l’évolution de cet épisode initial traité insuffisamment ou de façon non adaptée qui conduit au développement d’une contamination osseuse. Certaines ostéomyélites paraissent d’emblée chroniques et il peut s’agir des formes dans lesquelles le stade aigu initial est passé inaperçu, en particulier à cause de la prescription systématique d’antibiotiques. Au cours de l’évolution de l’ostéomyélite, différents stades sont décrits par la classification d’Essaddam-Dargouth (Fig. 3):  

STADE 1 

 Il s’agit de l’état normal où la double vascularisation osseuse est présente, c’est le stade de la bactériémie qui correspond à la pénétration du germe dans le sang ; une partie des germes est phagocytée et détruite sur place, une autre partie va échapper à cette phagocytose et circuler librement jusqu’au site osseux ; elle est retrouvée par les hémocultures. Enfin, la dernière partie est phagocytée par le polynucléaire sans être détruite ; les germes vont rester quiescents jusqu’à la mort naturelle du polynucléaire qui va donc les libérer. Ils vont alors pouvoir se 14 manifester. Cela expliquerait l’intervalle de temps libre entre la pénétration du germe et les premières manifestations cliniques. 

 STADE 2 

C’est le stade de la dévascularisation endostée qui marque le début de l’infection osseuse caractérisée par une thrombophlébite au niveau des veines métaphysaires, ce qui va avoir pour conséquence un arrêt du flux artériel en amont et une inflammation avec œdème. Cet œdème inflammatoire entraîne une hyperpression intra osseuse qui complète l’arrêt de la vascularisation endostée. L’hyperpression explique la douleur de l’ostéomyélite. L’évolution au stade 1 dépend de la précocité et de l’efficacité du traitement médical : – si le traitement est efficace et précoce, la maladie s’arrête à ce stade ; – si le traitement est précoce mais inefficace, ou encore inefficace et tardif, l’évolution se fait vers la suppuration et le stade 

 STADE 3 

Il traduit le début de la dévascularisation périostée, le pus formé à l’intérieur de l’os ne pouvant plus être contenu dans le fût diaphysaire et va sortir à l’extérieur de l’os à travers les canaux de Havers et de Wolkmann. Ce pus va soulever le périoste et commencer à arracher la vascularisation périostée pour former l’abcès sous périosté. L’évolution de ce stade dépend de la précocité du traitement chirurgical. L’absence du diagnostic précoce de cet abcès et donc de son évacuation fait basculer la maladie dans le stade 3. 

 STADE 4 

 Il marque la fin de la dévascularisation périostée et le début de la double dévascularisation endostée et périostée. Il se caractérise par l’extension de l’abcès et donc de la dévascularisation périosté qui va déterminer l’étendue de l’ischémie osseuse. L’abcès va finir par se rompre dans les parties molles et définir l’abcès sous-cutané. La différence entre abcès sous périosté et abcès sous-cutané est double : 15 Sur le plan anatomique, les abcès sous périostés sont limités par le périoste alors que les abcès sous-cutanés rompent le périoste et s’épanchent dans les tissus sous cutanés ; Sur le plan physiologique, l’os de l’abcès sous périosté est encore vascularisé par les vaisseaux du périoste non décollé, alors que l’os de l’abcès sous-cutané a perdu ses deux vascularisations.  

STADE 5 

 Il correspond à la nécrose osseuse qui est le résultat de la double dévascularisation [31]. C’est le stade de la nécrose osseuse qui peut évoluer vers la résorption de la zone mortifiée ou vers son détachement avec constitution de séquestres. Les petits séquestres sont généralement englobés ou évacués spontanément par une fistule cutanée. Les plus grands doivent être extirpés chirurgicalement. Leur siège conditionne le pronostic fonctionnel du membre. Un séquestre sur un segment de membre à un seul os est plus grave que sur un membre à deux os.

Table des matières

INTRODUCTION
PREMIERE PARTIE : RAPPELS ET REVUE DE LA LITTERATURE
I. RAPPEL ANATOMIQUE D’UN OS LONG
1.1. Rappel histologique
1.2. Le tissu osseux
1.3. Le tissu osseux non lamellaire
1.4. Le tissu osseux compact
1.5. Le tissu osseux spongieux
1.6. Le tissu cartilagineux
2. La croissance osseuse
2.1. Particularité de l’os chez l’enfant
2.2. Le cartilage de croissance
II. PHYSIOPATHOLOGIE DE L’INFECTION OSSEUSE.
III. DIAGNOSTIC DE l’OMC
1. Diagnostic positif
1.1. Circonstances de découverte
1.2. Examen physique
1.3. Examens paracliniques
2. Diagnostic différentiel
3. Diagnostic Etiologique
3.1. Germes
3.2. Porte d’entrée
4. Diagnostic de terrain
5. Diagnostic du stade évolutif
IV. TRAITEMENT
1. Le but
2. Les moyens
2.1. Les moyens médicaux
2.2. Les moyens orthopédiques
2.3. Les moyens chirurgicaux
3. Les indications
4. Les résultats
DEUXIEME PARTIE : NOTRE ETUDE
I. CADRE
1. Description des lieux
2. Personnels
3. Activités des services
II. PATIENTS ET METHODES
1. Patients
1.1. Critères d’inclusion
1.2. Critères de non inclusion
1.3. Population d’étude
2. Méthodes
2.1. Type d’étude
2.2. Collecte des données
2.3. Paramètres étudiés
2.4. Paramètres croisés
2.5. Recueil et Analyse des données
RESULTATS
I. ETUDE DESCRIPTIVE
1. Epidémiologie
1.1. La fréquence
1.2. Le sexe
1.3. L’âge
1.4. Le délai de consultation
1.5. Le terrain
2. Données cliniques
2.1. Motifs de consultation
2.2. Antécédents
3. Examen clinique
3.1. Localisation
3.2. Bilan lésionnel
3.3. Diagnostic
4. Signes radiologiques
5. Examens biologiques
5.1. Les prélèvements à visée bactériologique
5.2. Répartition des patients selon le germe en cause
6. Types de complications et séquelles orthopédiques
6.1. Les complications
6.2. Les séquelles
7. Aspects thérapeutiques .
7.1. Traitement médical et orthopédique
7.2. Traitement chirurgical des complications
7.3. Traitement chirurgical des séquelles
8. Evolution et résultats du traitement
II. ETUDE ANALYTIQUE
1. Corrélation entre les complications et les tranches d’âge
2. Corrélation entre les complications et le terrain
3. Corrélation entre la fréquence des germes et les complications
4. Corrélation entre le sexe et la fréquence de fracture pathologique
5. Corrélation entre le délai de consultation et les complications
6. Corrélation entre le délai de consultation et la survenue de séquelles
DISCUSSION
1. Limite de l’étude
2. Aspects épidémiologiques
2.1. Prévalence
2.2. Age et sexe
2.3. Terrain
2.4. Le germe
3. Aspects cliniques
3.1. Motifs et délai de consultation
3.2. Localisation
4. Aspects thérapeutiques
4.1. Traitement médical
4.2. Traitement orthopédique
4.3. Traitement chirurgical
CONCLUSION
REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES
ANNEXE

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