Les employés travail & santé…

Les employés travail & santé…

Si l’on se reporte aux données relatives à l’espérance de vie en fonction de la catégorie sociale, on observe qu’en termes de longévité, la situation des employés n’est guère plus enviable que celle des ouvriers. Si les ouvriers ont l’espérance de vie à la naissance la plus courte parmi les actifs, avec 74 ans pour les hommes, les employés, quant à eux, ne les devancent que d’une année : 75 ans pour les hommes au cours de la période 1991-1999. Côté féminin, les employées qui, nous le verrons, sont majoritaires au sein de la profession, ont une espérance de vie bien supérieure à leurs collègues masculins (83,5 ans, soit environ huit années de plus). Bien qu’il faille souligner le caractère hétérogène du monde des employés, avec sa diversité d’emplois et de tâches, impliquant nécessairement des conditions de travail qui sont parfois difficilement comparables, il semble, au regard des chiffres de la mortalité, que la situation des employés se soit progressivement rapprochée de celle de la classe ouvrière. Tel est le cas, tout du moins, pour un certain nombre d’employés de commerces et de services, a priori plus exposés aux pénibilités que ne peuvent l’être la plupart des employés administratifs. Nous tâcherons, après une présentation globale du monde des employés et de la nature de leur travail, de voir, non seulement, comment cette catégorie de salariés se décompose (services, commerces, administrations…), mais aussi, et surtout, comment le travail d’employé, à des degrés divers selon les fonctions occupées, peut lui aussi avoir un impact sur la santé des salariés.

Comme le souligne A. Chenu en introduction de son travail sur les employés en France, « parmi tous les termes qui nous permettent de décrire les sociétés contemporaines et de nous situer en leur sein, le mot « employé » apparait comme un des plus flous »2. Pour autant, la catégorie sociale que ce mot désigne n’est pas sans cohésion, et son poids démographique est considérable, quelles que soient les conventions statistiques qu’on retient pour l’évaluer. Un monde de femmes… Au recensement de la population de 1999, l’effectif du groupe socioprofessionnel des employés tel que le définit l’INSEE avoisine les huit millions, soit près d’un million de plus que celui des ouvriers. Cependant la grande différence entre ces deux ensembles est que trois employés sur quatre sont des femmes, alors que, sur cinq ouvriers, on ne compte qu’une ouvrière. Réfléchir sur la place des employés dans l’espace social implique donc de prendre en considération deux caractéristiques : le monde social contemporain est, dans une certaine mesure, postindustriel, et la plupart des femmes y exercent une activité professionnelle.

La secrétaire, le facteur, l’employé de banque, la caissière et l’employé de grande surface, l’employé(e) des petits commerces ou des magasins, l’aide soignante, l’assistante maternelle, la femme de ménage sont les figures les plus emblématiques du monde des employés. Nous sommes ici en présence d’un monde stratifié, avec son aristocratie des emplois administratifs et son prolétariat des services (et commerces…), un monde ni plus ni moins hétérogène que le monde ouvrier, deux univers socioprofessionnels aujourd’hui largement entremêlés, surexposés l’un comme l’autre au risque du chômage et de la précarité. Les employés forment une catégorie du monde social qu’il ne faut pas percevoir comme un donné, mais davantage comme le résultat historiquement changeant de multiples interactions et de luttes de classement à l’intérieur même de ce monde. Dans le foisonnement des variantes et constructions particulières de cette catégorie, et devant l’imprécision qui entoure le terme d’ « employé », A. Chenu nous aide à déceler trois traits relativement stables, communs à l’ensemble des professions ou emplois ordinairement inscrits dans l’univers des employés.

Première caractéristique, les employés sont des salariés : en français, dans une acception large, « employé » équivaut généralement à « salarié » (personne rétribuée par un employeur – patron, entrepreneur). Ils se distinguent, d’autre part, de la classe ouvrière, plus orientée vers le travail manuel et industriel. Enfin, ils forment une catégorie qui se différencie (ce qui n’était pas le cas au 19ème siècle, où les « cols blancs » étaient encore minoritaires) de celle des cadres et autres salariés à haut niveau de certification scolaire ou universitaire. En définitive, le mot employé renvoie à tout un ensemble d’emplois peu ou pas qualifiés de l’administration, du commerce, en passant par les services. Des fonctions subalternes S’il existe, au-delà de la diversité des métiers et en dépit de l’hétérogénéité de la profession, un trait commun à l’ensemble des salariés et des salariées qui exercent des fonctions d’employé(e), c’est certainement le suivant : le travail d’employé, tel qu’il est pratiqué, est avant tout un travail de subalterne. En cela, il ne se distingue guère du travail ouvrier, qui se résume bien souvent à un strict travail d’exécution, fortement encadré, où l’espace de liberté est plus que réduit.

 

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