Les espaces transfrontaliers : espaces d’enjeux à structurer

LE PROJET D’AMENAGEMENT TRANSFRONTALIER COMME ELEMENT STRUCTURANT DE L’ESPACE TRANSFRONTALIER FRANCO-ALLEMAND

La frontière est une notion évolutive dont le rôle se modifie en fonction du contexte politique et social. Etymologiquement, le mot frontière est composé de la notion de « front » qui renvoie au vocabulaire militaire, à l’idée d’un rapport de force, et caractérise donc la frontière comme une barrière imperméable aux échanges.1 En ce sens, le rôle de la frontière serait d’opposer deux entités appartenant à des ensembles différents, d’avoir un effet barrière. Dans le dictionnaire de la géographie et de l’espace des sociétés, Jacques Lévy déclare que « la frontière connaît une existence concrète dans une fenêtre historique déterminée […] Dans un monde démilitarisé ouvert aux échanges, elle perd son sens. »2. Cependant, alors que dans un contexte de tension la frontière est synonyme de coupure, la pacification des relations internationales peut entraîner une multiplication des échanges et des relations. Avec la volonté de construction d’une Europe unie et soudée, le rôle des frontières a été modifié s’accompagnant souvent d’une ouverture progressive de celles-ci. En effet, depuis le début de la construction européenne, les relations interétatiques ont évolué et les échanges entre les différentes nations se sont multipliés. Consécutivement, le rôle de la frontière s’est modifié perdant progressivement son effet barrière jusqu’à possiblement devenir une ligne d’échange, de rassemblement : une frontière couture entre deux territoires frontaliers3. Dès lors, « les frontières, ces produits de l’imaginaire ou de l’idéologie nationale, ne sont plus des limites intangibles mais des zones de contact et de circulation. ».

Ainsi, avec l’avènement de la globalisation, l’ouverture des frontières, et la multiplication des flux internationaux par l’évolution des techniques notamment dans les domaines du transport et de la communication, il semblerait que la notion de frontière recouvre une plus grande complexité. La frontière dans son rôle premier est la ligne de délimitation de la souveraineté d’un Etat. En ce sens, elle permettrait d’exclure ce qui n’appartient pas à l’Etat « la frontière d’Etat s’imposa dès lors comme la forme la plus claire, la plus lisible et la plus achevée d’une expression absolue de souveraineté »5. La frontière peut également être perçue comme une ligne de partage entre deux territoires. En tant que limite administrative, la frontière a une utilité fonctionnelle puisqu’elle permet de délimiter un territoire et de définir le périmètre d’action des systèmes juridiques, économiques, sociaux et des organisations politiques. La frontière recouvre ainsi un rôle fonctionnel pour l’entité que constitue le territoire qu’elle délimite. Au regard de son rôle de délimitation, d’une nation, d’un territoire et de ses organes juridiques, institutionnels et politiques, la frontière apparait comme une zone de proximité entre deux systèmes, deux cultures, deux peuples1. A ce titre, elle peut devenir un lieu stratégique pour les échanges binationaux, une ligne susceptible de favoriser l’échange, le lien entre deux espaces.

Les espaces transfrontaliers : espaces d’enjeux à structurer

L’effet séparateur de la frontière évoqué dans la partie précédente, induit par le rôle de délimitation que prend alors la frontière, peut s’estomper lorsque l’on considère les faits sociaux. En effet, un territoire peut être perçu comme un outil pour l’expression politique, un cadre de fonctionnement. En ce sens, il constitue une entité fixe qui s’impose aux réalités sociales et permet la viabilité de la gouvernance territoriale. Les territoires frontaliers répondent à cette définition avec la particularité qu’au moins une des limites de ce territoire est une frontière interétatique. La frontière se caractérise alors comme l’élément symbolisant la séparation entre deux entités, « deux systèmes territoriaux qui se confrontent plus qu’ils ne se coordonnent»2. Cependant, «les réalités humaines, géographiques, la continuité des problèmes, reprennent de l’influence et pourraient illustrer une possible revanche du réalisme géoéconomique sur les découpages administratifs»3. En effet, le degré plus ou moins important d’ouverture de celle-ci peut permettre le développement spontané de flux internationaux. Ces flux sont notamment stimulés par l’existence de différentiels entre deux territoires. L’illustration la plus parlante est sans doute la multiplication des flux induits par des différences économiques. Ainsi, un article du Monde intitulé « Les Allemands traversent la frontière des prix pour faire leurs courses en Pologne » évoquait l’importance des flux transfrontaliers spontanés entre l’Allemagne et la Pologne4. Il apparaît ainsi que les faits sociaux transfrontaliers dépassent le cadre de diverses structures administratives. Avec l’ouverture de la frontière, ces flux naturels peuvent se multiplier et être vecteur de nouveaux échanges. La frontière peut dès lors devenir un « levier au développement »5 permettant la naissance de zones d’échanges privilégiées : les espaces transfrontaliers. Ces espaces qui s’affranchissent des limites territoriales, peuvent se caractériser par l’ensemble des relations spatiales transfrontalières entre individus ou groupe..

 

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