LES FONCTIONS D’IDENTIFICATION ET DE FORMATION DANS LE MOURIDISME

L’ANALYSE DES RITES ET DU DISCOURS RELIGIEUX DANS LEURS FONCTIONS DE FORMATION ET D’IDENTIFICATION

THEORIES DE BASE DE LA RECHERCHE

 Pour mieux expliciter notre recherche il nous est nécessaire de s’appuyer sur des théories ou approches qui abondent sur l’analyse du discours. A cet effet, notre sujet implique plusieurs théories dont l’approche énonciative, les théories interactionnistes et la pragmatique. D’abord, pour ce qui est de la théorie énonciative, l’on constate qu’il constitue une approche indispensable dans le champ de l’analyse du discours. En effet la théorie énonciative accorde une place essentielle à la réflexivité de l’activité verbale et en particulier aux coordonnés qu’implique chaque acte d’énonciation. Elle prend en compte la situation d’énonciation, c’est-à-dire l’environnement physique ou social dans lequel se trouvent les interlocuteurs ainsi que les conditions de productions de cette parole. Ainsi, nous constatons que pour étudier le discours il faut prendre en compte ses conditions de production de celui-ci. Le texte est alors considéré comme un dispositif de parole. A cet effet, Dominique MAINGUENEAU affirme ; « les conditions du dire traverse le dit et/ou le dit renvoi à sa propre condition d’énonciation ».

La théorie de l’énonciation apparaît nécessaire dans l’élaboration de notre sujet car il n’est nullement possible d’étudier les cercles (dahira) sans se réfère aux conditions production de la parole. Ensuite, on constate que produire un énoncé avec toutes les conditions n’est nullement le résultat ou l’accomplissement d’un acte. Ainsi, pour que la parole devienne résultante d’une action, il faut une autre théorie qui s’occupe des actes de langage, d’où la pragmatique. Celui-ci traite les relations existantes entre les expressions linguistiques, leur signification et l’utilisation que font les sujets parlants de ces expressions dans des contextes d’énonciations. C’est dire que dans notre sujet, ces deux approches se complètent. L’énonciation et la pragmatique sont très intéressantes dans l’élaboration de notre sujet. La pragmatique est fondé sur la philosophie du langage alors que l’énonciation sur les théories de l’usage de la parole. Le recours à ces deux courants permet de passer de l’analyse l’linguistique à l’usage du langage et de son effet. La théorie de l’énonciation est définie comme « la mise en fonctionnement de la langue par un acte individuel d’utilisation », Benveniste 1983. La pragmatique, quant à elle, étudie la notion d’actes de la parole. Le philosophe anglais John L Austin, théoricien de ce courant, conclut en1970,que toute énonciation correspond tout à la fois à la formulation d’une proposition et à la réalisation d’un acte de langage : « dire, c’est faire ». J.L. Austin, How to do things with words, 1970. 25 Enfin, nous avons aussi comme fondement les théories interactionnistes. Cette théorie, développée aux USA dans les années70, constitue aussi une approche remarquable en analyse du discours et surtout dans le cadre de notre sujet. L’interaction, surtout verbale, concerne les échanges oraux entre deux ou plusieurs personnes. Par ailleurs, il faut noter qu’il existe d’autres types d’interactions. Dans le cadre des interactions, le contenu de l’énoncé dépend aussi, en plus des situations d’énonciations, de la présence face à face entre deux ou plusieurs personnes.

A ce titre, les « dahiras » constituent une preuve justificative de l’importance de cette approche interactionniste dans notre sujet. Ce dernier, comme tous les autres types d’interaction supposent une situation de communication orale, le plus souvent un face à face dans laquelle deux ou plusieurs participants échangent des propos. Ces trois théories ont tous une influence sur notre sujet c’est pourquoi ils constituent notre principal fondement. Il faut préciser que ce travail n’exclut pas les autres théories de l’analyse du discours. En effet, il est évident que tout travail de recherche doit nécessairement s’appuyer sur des théories, mais aussi ne peut jamais être exhaustive. Ainsi, s’il s’avère nécessaire, nous faisons aussi recours à d’autres tout au long du travail. 

DEMARCHE 

Dans l’établissement de ce travail de recherche, une démarche demeure importante comme toute autre recherche. A cela, notre principale référence est l’analyse du discours. Autrement dit, la démarche que nous allons adopter reste celle de l’analyse du discours en général et particulièrement la méthode d’analyse du discours religieux. Pour ce qui est des textes et des paroles tirées des écrits de serigne Touba, nous allons adopter, comme M Pecheux, la méthodologie d’herméneutique claire. Celui-ci (L’herméneutique claire) se voue à l’interprétation des textes prestigieux (littéraires, philosophiques, religieux…).

Les institutions qui soutiennent ce dispositif garantissent quele texte considéré est singulier, extraordinaire et émanant d’une Source transcendante et délivre un message qui traite des questions portant sur les fondements nécessairement cachés, qu’il faut une exégèse, une lecture non immédiate du texte pour le déchiffrer. D’ailleurs, il faut préciser que l’étude du discours dans ce travail s’appuie sur plusieurs théories. C’est en raison de la place importante qu’occupe le langage des mouride dans la « soudioote », le « baylahate » … sont porteur de message et véhiculent des informations, mais sous des formes différentes. Ainsi, il nous semble impossible de conduire notre analyse sous un seul angle. 26 C’est dire que la méthode qui s’impose doit tenir compte de la manière dont chaque attitude permet à la fois de former et d’identifier les fidèles mourides. Notre méthodologie va reposer aussi sur une démarche empirique fondée sur l’expérience par l’observation des situations et de l’analyse des données. En effet, en parlant d’empirisme, il renvoie à des symboles, c’est-à-dire des objets ou des évènements qui renvoient à autre chose que ce qu’il indique directement. L’oral et surtout les paroles tirées des entretiens entre le saint homme et certains de ses disciples seront aussi à l’ordre dans notre analyse car c’est à eux (orale) et les textes que la communication se forme un ensemble multicanal et pluri-codique. L’observation des faits ou pratiques constitue aussi un moyen d’analyse important dans cette étude. Le travail sur les interactions comme le dialogue entre deux ou plusieurs personnes surtout dans les dahiras nous semble aussi très utile comme démarche pour bien cerner notre sujet de recherche. Le dialogue est constitutif ici, car selon les théoriciens interactionnistes, il constitue la forme normale de communication. Outre cela, une analyse de la scène d’énonciation avec l’implication des actants de l’environnement ainsi que les circonstances de production seront aussi abordées. Enfin, de façon à répondre notre question de recherche nous avons aussi constitué un corpus de composants divers et de quelques phénomènes pratiqués par la collectivité mouride. En bref, pour expliciter notre problématique, nous allons suivre la démarche appliquée dans les travaux d’analyse du discours en générale et en particulier celle adoptée par nos théories de référence.

 Définitions des concepts clés 

DISCOURS

 Définir le discours n’est pas chose aisée. Les grandes extensions de ce terme rendent difficile l’appréhension. Tantôt il est synonyme de la parole au sens saussurien, tantôt il désigne un message pris globalement. Dans les sciences du langage, le terme discours s’applique couramment à toutes sortes de production langagière orale ou écrite. Dans cette perspective, on peut l’opposer à l’action tout en sachant que dans l’approche pragmatique certains actes sont assimilables au discours. Ainsi chaque approche en analyse du discours essaie de définir celuici. 27 C’est ainsi que D. Maingueneau (1976) en propose six parmi les plus courants : 1) « Discours : synonyme de la parole saussurienne, surtout en linguistique structurale. 2) Discours : unité linguistique transphrastique indépendante du sujet. 3) Au sens harrissien, discours désigne des suites de phrases considérées du point des règles de leur enchaînement. Il s’agit donc de l’intégration du « discours 2 » à l’analyse linguistique. 4) Discours, suite de phrases rapportées à ses conditions de production, se définit par opposition à « énoncé », qui exclut de telles conditions. Cette acception est la plus courante en analyse du discours, spécialement dans l’approche française. 5)

Dans la théorie de l’énonciation (Benveniste : 1966), « discours » se réfère à la mise en fonctionnement de la langue et est donc inséparable de l’instance d’énonciation (tout ce qui réfère au je-tu, ici, maintenant du locuteur). Dans cette approche, « discours » s’oppose à « récit » (histoire), qui se caractérise par l’absence de marque de subjectivité. 6) Enfin, on trouve souvent l’opposition langue/discours. Benveniste la pose en ces termes : « Avec la phrase, on quitte le domaine de la langue comme système de signes, et l’on entre dans un autre univers, celui de la langue comme instrument de communication, dont l’expression est le discours. » Dans cette étude, c’est à partir de la définition 4) jusqu’à la dernière (définition 6) que s’inscrit notre recherche. A partir de ses définitions, nous concluons que le discours désignetoute production langagière, choisie en fonction de ses conditions de production et d’échange.

De plus Maingueneau (1976), « Le discours n’est pas un objet concret offert à l’intuition, mais le résultat d’une construction (…,) le résultat de l’articulation d’une pluralité plus ou moins grande de structuration transphrastique, en fonction des conditions de production ». Quant au théoricien de l’énonciation, E Benveniste, il note l’opposition entre discours et phrase mais aussi la différence entre récit et discours. Selon lui, la phrase est l’unité du discours et le récit est le «degré zéro de l’énonciation ». 28 Le discours se caractérise par une énonciation supposant un locuteur et un auditeur, par la volonté du locuteur d’influencer son interlocuteur. Ainsi, dans sa théorie, E Benveniste définit le discours comme : « Toute énonciation supposant un locuteur et un auditeur, et chez le premier l’intention d’influencer l’autre en quelques manière », E Benveniste 1966. S’il est difficile de circonscrire la notion de discours à travers les nombreuses définitions, il y a néanmoins une évidence : « Le discours ne peut être défini comme une unité linguistique, mais qu’il résulte de la combinaison d’information linguistique et situationnel, » Roulet, Filliettaz et Gobert, 2001. 

RELIGIEUX

Dans le dictionnaire Larousse, religieux signifie: 1-Qui est relatif à la religion 2-Qui est pieux, qui vit selon les règles de la religion, qui est conforme à la religion. 3-Qui est exact, ponctuel, scrupuleux Pour comprendre le sens de religieux, il faut partir de la définition de la religion. Ainsi, la religion est l’expression symbolique d’une confiance à une réalité absolue (sacré, ultime, Dieu) dont l’homme dépend pour toujours. C’est aussi la relation entre l’homme et cette réalité absolue. La religion est sacrée et symbolique. Durkheim a voulu montrer que le sacré en sociologie de la religion est au cœur du religieux, que c’est une réalité sociale, et collective, qu’il y a quelque chose d’absolument réel derrière les religions qui ne sont pas que des illusions, mais des systèmes qui ont une rationalité, qui tirent des conséquences de quelque chose et qui ont un rapport avec des effervescences collectives. Durkheim, après avoir centré sa définition autour du sacré et de ses contraintes, il y ajoute que la religion est « un système de croyances et de rites ». 

FONCTION

 On appelle fonction le rôle joué par un élément linguistique dans la structure de l’énoncé. En fonction du langage, c’est les diverses fins qu’on peut assigner aux énoncés en les prononçant : le langage étant considéré avant tout comme ayant pour but de communiquer des informations. 29 En ce sens, quel est l’effet de cette parole chez l’allocutaire et plus loin chez l’individu de manière général. En parlant de fonction dans notre étude, c’est dans ce cadre que nous sommes, cela c’est-à-dire l’ensemble des effets à travers la parole, les pratiques qui influencent le disciple à adopter d’autres comportements. En sociologie, c’est le rôle joué en commun par certains individus au sein d’une société. D’évidence, c’est dans le même ordre d’idée. De façon interrogatif : Est-ce-que la parole orale ou écrite est capable de produire un changement chez le disciple ? Est-ce que les phénomènes appliqués, la fréquentation régulière des cérémonies rituelles, l’assimilation à certains comportements peuvent modifier l’apparence du disciple afin qu’il soit un autre type d’individu. 

FORMATION

 Le terme formation désigne : – Le processus destiné à produire et développer les connaissances, savoir-faire et savoir être nécessaires à la satisfaction d’exigences professionnelles. – Une action visant à faire acquérir des connaissances, des savoir-faire et des attitudes indispensables à l’exercice d’une activité professionnelle ou préparant à suivre une formation professionnelle. Elle a donc une visée pratique plus marquée et est associée à l’exercice d’un métier. Dans son Dictionnaire actuel de l’éducation Rénald Legendre définit la formation comme « l’ensemble des activités, des situations pédagogiques et des moyens didactiques ayant pour objectif de favoriser l’acquisition ou le développement de savoirs (connaissances, habiletés, attitudes) en vue de l’exercice d’une tâche, d’un emploi. C’est l’ensemble des connaissances théoriques ! Concepts et principes, des savoir-faire et des attitudes qui rendent une personne apte à exercer une occupation, un métier ou une profession », Legendre, 1988, p. 280. Dans cette étude, il désigne l’ensemble des mesures adoptées en vue de l’acquisition ou du perfectionnement dans la vie. C’est le fait de développer les qualités, les facultés d’une personne, sur le plan physique, moral, intellectuel, spirituel ou de lui faire acquérir un savoir dans un domaine particulier. Elle consiste donc à enseigner les connaissances, les valeurs et les compétences nécessaires à l’exécution des règles de vie et des comportements d’une personne. C’est dans ce cadre que l’on emprunte ce terme formation ; c’est l’enseignement des connaissances théoriques et pratiques, des compétences nécessaires, des qualités et des facultés morales, 30 intellectuelles et spirituelles. C’est, bref de bons comportements et des conduites de vie acquise et qu’il faudra s’assimiler et s’y accommoder à tout moment et toute la vie durant.

Table des matières

INTRODUCTION
CHAPITRE 1. CADRE THEORIQUE ET METHODOLOGIQUE
1.1 Problématique
1.1. 1CONTEXTE ET JUSTIFICATION
1.1. 2 QUESTIONS DE RECHERCHE
1.1. 3 OBJECTIFS
1.1. 3. 1 L’OBJECTIF GENERAL
1.1. 3. 2 LES OBJECTIFS SPECIFIQUES
1.1. 4 LA FORMULATION DES HYPOTHESES
1.1. 4. 1 L’HYPOTHESE GLOBALE
1.1. 4. 1 L’HYPOTHESE DETAILLEE
1.2. REVUE DE LITTERATURE
1.3. METHODOLOGIE
1.3.1. CONSTITUTION DU CORPUS
1.3. 3. 1. QUESTIONNAIRE
1.3. 3. 2. EXTRAITS DES ŒUVRES DU FONDATEUR DU MOURIDISME « SHAYKHUL KHADYM »
1.3. 3. 3. LES IMAGES
1.3. 2 THEORIES DE BASE DE LA RECHERCHE.
1.3. 3DEMARCHE
1.3. 4. DEFINITIONS DES CONCEPTS CLES
1.3. 4.1.DISCOURS
1.3. 4.2.RELIGIEUX
1.3. 4.3.FONCTION
1.3. 4.4.FORMATION
1.3. 4.5.IDENTIFICATION
1.3.4.6.COMMUNAUTE MOURIDE
1.3.4.7 ANALYSE
1.3.4.8 RITES OU RITUEL
CHAPITRE 2 : LE DISCOURS RELIGIEUX
2.1.QU’EST-CE QUE LE DISCOURS RELIGIEUX ?
2.2. QUELQUES CARACTERISTIQUES DU DISCOURS RELIGIEUX
2.3 L’IMAGE DE LA RELIGION AUSENEGAL
CHAPITRE 3: LE MOURIDISME
3.1.QU’EST-CE QUE LE MOURIDISME ?
3.2. LE SYSTEME MOURIDE
3.3. LES CARACTERES SPECIFIQUES DU MOURIDISME
CHAPITRE 4 : LES FONCTIONS D’IDENTIFICATION ET DE FORMATION DANS LE MOURIDISME
4.1.QUELQUES METHODOLOGIES DE FORMATION
4.1. 1. L’ENSEIGNEMENT ET L’ADORATION
4.1. 2.L’ENSEIGNEMENT TRADITIONNEL ISLAMIQUE
4.1. 3. LA VOIE SPIRITUELLE
4.1. 4. LE TRAVAIL
4.1. 5.LA FORMATION DANS LE« DAHIRA »
4.1. 6. LES RELATIONS HUMAINES
4.2. LA FONCTION D’IDENTIFICATION DANS LA MOURIDIYA
4.2. 1 .LE PACTE D’ALLEGEANCE
4.2. 2. L’ordre religieux (le ndigël)
4.2. 3. Le « soudioote » (soudioote)
4.3. Autre moyens à la fois formatifs et identificateurs
4.3. 1. Le mouvement bayfall (bayfallisme)
4.3. 2. le hizbut-tarqiyyah
4.3.3.Le mouvement de Cheikh Béthio (les thantacounes)
CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIE

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