LES RESISTANCES LIEES AUX MODALITES PROCEDURALES DU MANDAT D’ARRET EUROPEEN

LES RESISTANCES LIEES AUX MODALITES PROCEDURALES DU MANDAT D’ARRET EUROPEEN

L’autonomie procédurale des États membres préalable nécessaire à l’avènement d’un espace pénal européen

Comme dans le cadre d’un État fédéral, l’Union fonctionne sur la base d’un système de répartition des compétences qui fait l’objet d’une énumération dans le Traité. Dès lors, le rôle des États membres est un élément incontournable dans l’exécution du droit de l’Union. L’article 4, paragraphe 3 TUE prévoit d’ailleurs que les objectifs assignés par les traités doivent être réalisés conjointement par les États membres et l’Union : « les États membres prennent toute mesure générale ou particulière propre à assurer l’exécution des obligations découlant des traités ou résultant des actes des institutions de l’Union ». L’article 5 TUE renvoie au principe de subsidiarité qui encadre la répartition des compétences entre États membres et institutions européennes. Ce principe permet de déterminer la compétence de l’Union dans les domaines qui relèvent des compétences partagées en encadrant strictement l’intervention des institutions européennes566. Dans cette hypothèse, l’Union ne peut intervenir qu’à titre subsidiaire c’est-à-dire « seulement si, et dans la mesure où, les objectifs de l’action envisagée ne peuvent pas être atteints de manière suffisante par les États membres […], mais peuvent l’être mieux, en raison des dimensions ou des effets de l’action envisagée au niveau de l’Union »

Dès lors, l’Union ne peut intervenir que pour pallier une insuffisance étatique apportant une réelle valorisation au domaine concerné568. Le principe d’autonomie procédurale devient une émanation de celui de subsidiarité puisque temps que l’Union n’intervient pas dans le champ de compétence initialement attribué aux États membres569, ces derniers peuvent légiférer pour mettre en œuvre les objectifs assignés par les Traités. En matière procédurale, cette liberté est incarnée par l’autonomie procédurale des États membres

. Toutefois, ce principe n’est pas sans limites et le contentieux du mandat d’arrêt européen témoigne de la nécessité d’en cadrer cette liberté conférée aux États par l’existence même du droit de l’Union qui constitue une première limite à cette autonomie. En effet, l’application de la décision-cadre 2002/584 suppose une intégration de ce texte dans les ordres juridiques nationaux au moyen d’actes de transposition. Cette étape, cruciale pour l’application du droit de l’Union, n’en est pas moins délicate et se traduit, souvent, par des divergences d’interprétations par les autorités nationales conduisant inévitablement à des discordances. La mesure risque alors de ne pas être appliquée de la même manière sur l’ensemble du territoire de l’Union. Illustrant alors une absence d’application uniforme de ce droit. Pour corriger ces difficultés, le législateur européen impose un rapprochement des législations sur la base de l’article 82 TFUE et le juge de l’Union va encadrer strictement l’autonomie procédurale, principe jurisprudentiel et doctrinal (Paragraphe 1.) au moyen notamment des principes fondamentaux du droit de l’Union (Paragraphe 2.). 

Émergence du principe d’autonomie procédurale

Guidés par le principe d’autonomie procédurale, les États membres peuvent mettre en œuvre du droit de l’Union européenne. C’est en ce sens et pour la première fois en 1971 que la Cour a pu déclarer « dans le cas où la mise en œuvre d’un règlement communautaire incombe aux autorités nationales, il convient d’admettre qu’en principe cette application se fasse dans le respect des formes et procédures du droit national » 571.

À la fin des années 1970, la Cour de justice confirmait cette reconnaissance en invitant le juge national, juge de droit commun de l’Union, à appliquer « parmi les divers procédés de l’ordre juridique interne, ceux qui sont appropriés pour sauvegarder les droits individuels conférés par le droit communautaire » 572. La Cour précise alors que les autorités nationales œuvrent en faveur de l’application du droit de l’Union européenne. La Cour va poursuivre ce processus au cours de la décennie suivante en affirmant que « lorsque les dispositions du traité ou des règlements reconnaissent des pouvoirs aux États membres ou leur imposent des obligations aux fins de l’application du droit communautaire, la question de savoir de quelle façon l’exercice de ces pouvoirs et l’exécution de ces obligations peuvent être confiés par les États à des organes déterminés relève uniquement du système constitutionnel de chaque État » 573, toujours en développant sa jurisprudence relative au marché commun, elle en profite pour préciser les contours du principe d’autonomie procédurale au travers des arrêts Rewe574 et Comet575 en déclarant qu’« en l’absence de réglementation communautaire, il appartient à l’ordre juridique interne de chaque État membre de désigner les juridictions compétentes et de régler les modalités procédurales des recours en justice destinés à sauvegarder les droits que les justiciables tirent de l’effet direct du droit communautaire » 576 . Dès lors, la Cour semble reconnaître une certaine liberté aux autorités nationales quant au choix des procédures à mettre en œuvre pour respecter et appliquer les dispositions de l’Union européenne dès lors qu’elles sont dotées d’un effet direct en droit interne. 

Un principe au potentiel limité

Si la doctrine a reconnu le principe de l’autonomie institutionnelle des États membres comme principe fondamental du droit de l’Union européenne584, la jurisprudence en a posé les limites. La première est sans doute la plus logique, accorder une autonomie procédurale aux États membres peut contrevenir à l’application uniforme du droit de l’Union et, par ricochet, à son effectivité. Aussi, dès les années 1980, la Cour de justice contraint les États au respect de l’application uniforme de ce droit585. Elle préserve ainsi l’effet utile du droit de l’Union tout en assurant la primauté du droit de l’Union sur les droits nationaux.

Dès lors, en faisant primer ces principes sur celui de l’autonomie procédurale des États membres, l’Union affecte leur souveraineté et contribue à l’appauvrissement d’un principe, à l’origine, essentiel pour les États membres. Ils ont l’obligation, parfois constitutionnelle586, de transposer les directives, acte de droit dérivé de l’Union européenne. Toutefois les traditions juridiques propres à chaque État membre peuvent nuire à l’application uniforme du droit de l’Union européenne et donc à la protection des droits, notamment fondamentaux, offerte par cette entité supranationale (A). Alors pour ne pas entraver aux droits, principes et objectifs fixés par l’Union et assurer une application pérenne et harmonisée des normes supranationales, la Cour est venue limiter le principe de l’autonomie procédurale attachée aux États membres par les principes d’équivalence et d’effectivité (B). 

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