L’évolution du jeu à l’école maternelle

L’évolution du jeu à l’école maternelle

Avant de traiter des intérêts que peut avoir le jeu ou encore de sa mise en place en classe, il convient de faire le point sur l’évolution du jeu à l’école maternelle. Pour cela, je vais le définir et expliciter ses différentes caractéristiques. Je ferai également un petit rappel historique sur son évolution à la fois au sein de l’Histoire mais également au sein des programmes de l’Education Nationale.

Définitions du jeu

Le Larousse définit le jeu comme une « activité d’ordre physique ou mental, non imposée, ne visant à aucune fin utilitaire, et à laquelle on s’adonne pour se divertir, en tirer un plaisir » ou comme une « activité de loisir soumise à des règles conventionnelles, comportant gagnant(s) et perdant(s) et où interviennent, de façon variable, les qualités physiques ou intellectuelles, l’adresse, l’habileté et le hasard ». En français, le mot jeu peut avoir plusieurs sens selon le contexte dans lequel il est utilisé. En revanche, en anglais, deux mots sont utilisés et permettent de faire une distinction entre le jeu structuré autour de règles d’une part, le « game », et le jeu qui se manifeste librement d’autre part, le « play ». Des chercheurs ont tenté de préciser le mot jeu et d’en définir un certain nombre de caractéristiques. Roger Caillois décrit le jeu comme une activité : – « libre, à laquelle le joueur ne saurait être obligé sans que le jeu perde aussi sa nature de divertissement attirant et joyeux – séparée, circonscrite dans les limites d’espace et de temps précises et fixées à l’avance – incertaine, dont le déroulement ne saurait être déterminé d’avance, ni le résultat acquis préalablement – improductive, ne créant ni bien, ni richesse, ni élément nouveau d’aucune sorte – réglée, soumise à des conventions qui suspendent les lois ordinaires et qui instaurent momentanément une législation nouvelle qui seule compte – fictive, accompagnée d’une conscience spécifique de réalité seconde ou de franche irréalité par rapport à la vie courante. »  Les quatre grandes valeurs qui ressortent de cette définition sont la liberté, la gratuité, l’incertitude et la fiction. Il convient à présent de les définir plus précisément. Le jeu, une activité libre : Le fait que le jeu soit une activité libre renvoie à la notion de plaisir. Le plaisir est interne à l’individu, ne se décide pas de l’extérieur. C’est pourquoi si une personne ne souhaite pas jouer et décide de le faire quand même soit pour faire plaisir aux autres soit parce qu’elle est forcée, elle ne pourra ressentir le plaisir de jouer. Comme l’explique Jean-Pierre Sautot dans son ouvrage, à partir du moment où un jeu est obligatoire, la notion de plaisir disparaît et la notion de corvée apparaît. Le joueur doit obligatoirement se sentir libre de jouer ou de ne pas jouer sinon il perdra toute notion de plaisir. Afin que l’activité soit totalement libre, une autre caractéristique entre en compte : le fait de pouvoir quitter le jeu lorsque l’on en a envie. Le jeu, une activité gratuite : Le jeu est une activité qui possède sa propre fin. Lorsque le jeu est fini, tout ce qui s’y rapportait (les règles, les enjeux, les stratégies ou encore les rôles tenus par les différents joueurs…) s’arrête, on repart sur autre chose. On ne gagne rien de matériel lorsque l’on joue mais ces moments de jeu sont très importants car ils permettent de partager des émotions avec autrui ainsi que des moments de convivialité et de plaisir. Ceci compte pour beaucoup dans la socialisation. Dans les jeux que l’on appelle « éducatifs », la notion de gratuité disparaît. En effet, l’adulte ou encore l’enseignant qui propose ce type de jeu a un objectif éducatif souvent sur le long terme, il fait jouer l’enfant pour quelque chose, pour qu’il développe certaines compétences ou capacités. L’enfant, de son côté, a un objectif sur le court terme et va jouer à quelque chose pour jouer. Le jeu, une activité incertaine : Roger Caillois définit le jeu comme une activité incertaine, « dont le déroulement ne saurait être déterminé ni le résultat acquis préalablement, une certaine latitude dans la nécessité d’inventer étant obligatoirement laissée à l’initiative du joueur ». 4 En effet, au début du jeu, on ne peut prévoir quelle en sera la fin. C’est cela-même qui fait son attrait. On doit pouvoir douter de l’issue du jeu tout au long de la partie. Afin de respecter cette  caractéristique, il convient de choisir des joueurs ayant des capacités relativement proches. Effectivement, des élèves de niveaux très différents jouant à un jeu faisant appel à des capacités mathématiques, mettent de côté cette notion d’incertitude. Celui qui a des capacités plus élevées a plus de chance de remporter la partie étant donné qu’il part avec certaines connaissances que les autres camarades n’ont pas encore acquises. Dans ce cas-là, ils peuvent se désintéresser, décider de quitter la partie et la notion d’incertitude ainsi que l’attrait du jeu s’amoindrissent. La notion d’incertitude est parfois difficile à accepter pour certains joueurs. Effectivement, ne pas savoir où l’on va, ne pas savoir si l’on va perdre ou gagner peut être perturbant pour certains enfants. Cette confrontation à l’échec possible peut poser problème. J’ai pu observer cela dans ma classe ; certains élèves n’osaient pas entrer dans le jeu de peur de le perdre. Or, c’est proprement le fait d’accepter l’incertitude qui va permettre le plaisir du jeu et le déploiement de compétences telles que le développement de stratégies et les situations de recherche. J’ai donc mené avec eux tout un travail autour du comportement de joueur à adopter : accepter les règles, comprendre que l’on peut perdre une partie mais gagner la suivante.

Rappel historique de l’évolution du jeu à l’école maternelle

Dans l’Antiquité, les jeux sont en lien avec les pratiques religieuses. Ce sont généralement des jeux sportifs. Puis, au Moyen-âge, les jeux s’étendent dans les lieux profanes. À la Renaissance, des jeux de hasard ont lieu entre Noël et l’Épiphanie. Plus tard, au XIXème siècle, les jouets sont de plus en plus présents. Puis, comme je l’ai précisé dans l’introduction, Pauline Kergomard a introduit le jeu à l’école maternelle fin XIXème siècle. Dans les années 1900, des pédagogues de l’Éducation nouvelle tentent d’introduire le jeu à l’école. Certains sont connus comme Maria Montessori en Italie, Jean Piaget à Genève ou encore Célestin Freinet en France. Jean Piaget, psychologue constructiviste, s’est intéressé au développement cognitif de l’enfant et identifie différents stades de l’intelligence dans lesquels le jeu va évoluer : – Stade du jeu sensori-moteur (0 à 2 ans) : c’est un stade dit expérimental dans lequel l’enfant va réaliser un certain nombre d’expériences, découvrir son environnement. Il va effectuer des actions sur son milieu en utilisant des objets. Le jeu apparaît ici avec l’utilisation des jouets. – Stade du jeu symbolique (de 2 à 7 ans) : c’est la période où se développe la pensée symbolique, l’imitation, la réalisation d’activités imaginaires. L’enfant peut utiliser un objet en imaginant que c’en est un autre, il peut reproduire des situations de la vie quotidienne, imaginer des histoires, faire des jeux de rôle… C’est à partir de ce stade que va se développer le jeu symbolique du « faire comme si… ». Celui-ci permet à l’enfant de s’adapter intellectuellement et affectivement. – Stade du jeu de règles ou stade des activités opératoires (de 7 ans à 11 ans) : à partir de ce stade, l’enfant devient capable de se décentrer et de prendre en compte l’avis des autres. Il va jouer à des jeux à règles (de société) où il fera appel à un certain nombre de stratégies. Puis, vers 11 ans, apparaît le dernier stade dit des opérations formelles où l’adolescent est capable de raisonnement ou encore de déductions. 3. La place du jeu dans les programmes Intéressons-nous maintenant à la place du jeu dans les programmes. Dans ceux de 1995, la notion de « travail » est fort présente. Le cycle 1 est essentiellement appréhendé comme une préparation au cycle 2. Le jeu est généralement dirigé par l’enseignant selon des objectifs déterminés. Les activités proposées aux élèves étaient très structurées et un rôle important 9 était attribué au langage. Les jeux sont cités à plusieurs reprises dans ces programmes dans les parties « nature et contenu des activités ». Par exemple : « Vie collective : – jeux permettant l’explicitation des règles de la vie collective de la classe, de l’école ; – jeux dans des situations spontanées – jeux collectifs, jeux organisés, jeux de règles. »5 Cette conception fait référence à la théorie du développement de l’enfant proposée par Lev Vygotsky dont j’ai exposé certaines idées précédemment. L’importance du rôle interventionniste de l’enseignant est très présente dans ces conceptions (voir la zone proximale de développement). En effet, l’enseignant est là pour aider l’enfant, pour l’étayer dans ses apprentissages. Les programmes de 2002 et de 2008 ont été pensés plus en lien avec la vision de Maria Montessori. Selon elle, l’enfant se développe au contact de son milieu. Dans cette conception, l’enseignant a un rôle moins interventionniste mais plus d’observateur. Il va observer l’environnement dans lequel se développent ses élèves et va essayer de l’adapter pour favoriser au mieux les apprentissages. Le côté interventionniste de l’enseignant persiste néanmoins dans les programmes surtout dans le domaine de l’acquisition du langage. Dans les programmes de 2008, le jeu est cité dans l’introduction, dans le domaine « agir et s’exprimer avec son corps » : « des jeux de balle, des jeux d’opposition, des jeux d’adresse viennent compléter ces activités », « les activités d’expression à visée artistique que sont les rondes, les jeux dansés, le mime, la danse permettent tout à la fois l’expression par un geste maîtrisé et le développement de l’imagination ». Il est également présent dans le domaine « découvrir le monde » : « dès le début, les nombres sont utilisés dans des situations où ils ont un sens et constituent le moyen le plus efficace pour parvenir au but : jeux, activités de la classe, problèmes posés par l’enseignant de comparaison, d’augmentation, de réunion, de distribution, de partage », « la suite écrite des nombres est introduite dans des situations concrètes (avec le calendrier par exemple) ou des jeux (déplacements sur une piste portant des indications chiffrées) ».

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