L’identification du risque commercial déplacé

L’identification du risque commercial déplacé

LES COMPTES D’INVESTISSEMENT PARTICIPATIFS : THEORIE ET PRATIQUE

Fonctionnement des comptes d’investissements participatifs L’originalité des banques islamiques consiste à la mobilisation des fonds sous forme de comptes d’investissement participatifs, gouvernés par le contrat Mudaraba. Ce contrat spécifique met en relation un investisseur (apporteur de fonds /Rab al mal) et un entrepreneur (gestionnaire des fonds/Mudarib). Les titulaires des comptes d’investissement (les déposants) représentent les apporteurs des fonds, la banque islamique joue le rôle de gestionnaire de ces fonds pour le compte des déposants. La relation entre les titulaires des comptes d’investissements et la banque est une donc une relation du type entrepreneur – investisseur, et non une relation créancier – débiteur comme dans le modèle conventionnel. Les fonds placés en comptes d’investissement participatifs sont rémunérés au taux de rendement réel généré par les actifs financés par ces fonds d’investissement. Les pertes sont supportées par chacune des parties prenantes selon leurs propres apports45. La figure suivante illustre le fonctionnement des comptes d’investissement participatifs ainsi que le partage des pertes et des profits entre la banque islamique et les titulaires de ces comptes spécifiques comme le stipule le contrat Mudaraba. Figure 27 : Fonctionnement des comptes d’investissement participatifs Les titulaires de comptes d’investissement participatifs, entant qu’investisseurs, assument l’intégralité des pertes financières. La banque islamique, entant qu’entrepreneur perd sa rémunération et le temps engagé dans son activité, sauf si les pertes résultent d’une mauvaise 45 Paragraphe 6, Norme 6, AAOIFI 2008 160 gestion de sa part46. En effet, en dehors du cas de violation du contrat ou de négligence, l’entrepreneur n’a pas à garantir ni le capital investi ni la réalisation d’un profit. Les fonds d’investissement dans les banques islamiques ne sont pas garantis. Elles n’assument pas les risques sur le capital investi par les déposants sauf sous certaines conditions. La rémunération sur les comptes d’investissement repose sur le partage du profit entre leurs titulaires et la banque islamique. Le profit à partager correspond au rendement réel généré par les actifs financés par les fonds d’investissement. Le taux de répartition du profit réel entre les investisseurs doit être fixé à l’avance47. Il faut rappeler que c’est le taux de répartition et non le taux de rendement qui doit être prédéterminé. En pratique, la distribution des profits est un peu plus complexe car la banque islamique joue aussi le rôle d’investisseur. Le partage des profits se réalise alors de la manière suivante : – Les profits sont alloués tout d’abord entre les actionnaires de la banque et les titulaires des comptes d’investissement (Composante Musharaka48). Selon l’AAOIFI, les profits générés par les investissements conjointement financés par les fonds de la banque islamique et les titulaires des comptes d’investissement sont répartis entre eux au prorata de leurs contributions en capital. – La part des titulaires des comptes d’investissement est appelée le revenu de Mudaraba. De ce revenu, la banque prélève sa rémunération appelée couramment « Mudarib share » pour son rôle en tant que gestionnaire de fonds (Composante Mudaraba). Cette répartition se fait selon un ratio prédéfini. Les pertes résultantes d’une mauvaise gestion ou de négligence de la part de la banque islamique, doivent être déduites de sa part du profit. Si les pertes dépassent cette part du profit, la différence est déduite de sa part du capital investi .

La pression commerciale

L’industrie bancaire islamique est en constante évolution et, en même temps, plus soumise à des concurrents potentiels. Les concurrents peuvent être d’autres banques islamiques, ou, comme c’est le cas dans la majorité des pays, des banques conventionnelles. Les clients ont donc la possibilité de changer de banque facilement en cas d’insatisfaction. Un taux de rendement trop faible sur les comptes d’investissement participatifs pourrait provoquer l’insatisfaction des déposants. Comme nous l’avons présenté dans la section précédente, les déposants en ces comptes spécifiques sont rémunérés à un taux de rendement variable lié à la performance réelle des actifs financés par ces fonds d’investissement. Par conséquent, le taux de rendement pourrait être faible ou même négatif et les déposants 162 subissent ainsi des pertes dans les pires scénarios. Les titulaires de ces comptes risquent alors de retirer leurs fonds pour les placer dans une banque concurrente, cherchant ainsi une rémunération plus élevée sur d’autres investissements alternatifs. Un tel comportement des clients représente une menace non négligeable pour la banque islamique. La banque islamique se trouve exposée à un risque de retrait massif des fonds et doit faire face à un problème de liquidité. Khan et Ahmed (2001) ont défini ce concept « massif withdrawal risk » pour faire référence au risque lié à un taux de rendement des comptes d’investissement non compétitifs. Pour éviter ce risque, la banque islamique va essayer d’augmenter le taux de rendement offert sur les comptes d’investissement participatifs. La pression commerciale, incite donc les banques islamiques à lisser les revenus des comptes d’investissement participatifs. Pour bien analyser le risque de retrait des fonds des comptes d’investissement, il faut comprendre la logique du comportement des détenteurs de ces fonds. Ces détenteurs poursuivent deux objectifs qui peuvent être conflictuels : d’une part, le respect de la loi islamique qui devrait les conduire à accepter les pertes éventuelles sur leurs dépôts et d’autres part, l’optimisation financière qui aboutit à la recherche de la meilleure relation rendementrisque pour leurs investissements. La pondération entre les deux objectifs dépend en grande partie du degré de conviction religieuse des déposants. La littérature empirique sur le sujet se décompose en deux grandes familles. Une première catégorie d’études s’est intéressée à l’analyse du comportement des clients des banques islamiques et plus particulièrement, à comprendre les motifs qui les incitent à construire une relation avec les banques islamiques, soit pour le placement de leurs fonds soit pour la recherche de financements. La deuxième catégorie étudie les déterminants du volume des dépôts dans les banques islamiques et conventionnelles. Les résultats des études empiriques sur les motivations des clients des banques islamiques et conventionnelles confirment que les deux critères principaux de sélection motivant le client à entretenir une relation durable avec une banque islamique sont le respect des exigences de la Shariah et la recherche de la rentabilité. 163 S’ajoutent à ces deux motifs, des critères de choix classiques : la réputation de la banque, la proximité, la qualité de services bancaires, les coûts de financement, la relation avec le personnel, la compétence du personnel, etc. Ces résultats montrent que le risque de perte de clientèle est réel pour la classe des déposants guidés par la maximisation des profits car ces derniers peuvent se tourner vers les dépôts ou conventionnels ou islamiques en cas de rémunération insuffisante des comptes d’investissements. Dans ce cas, les déposants comparent le taux de rendement distribué sur les comptes d’investissement au taux d’intérêt offert sur les dépôts conventionnels ou islamiques. Le risque est plus faible pour les déposants qui cherchent à respecter leurs croyances religieuses car ils ne peuvent se tourner que vers les banques islamiques concurrentes. Une étude menée par Ernest and Young en 2008 révèle que seuls 20% de répondants dans le monde seraient disposée à sacrifier la performance de leurs investissements au profit du respect de la loi islamique alors que 10% des répondants refusent de bénéficier des services des institutions financières islamiques quelles que soient les circonstances. Ces individus se subdivisent entre partisans de systèmes financiers exclusivement islamique ou uniquement conventionnel. L’étude montre également que 40% des répondants déclarent qu’ils sont prêts à changer vers le système financier islamique à condition que les rendements offerts soient équivalents à ceux offerts par les services financiers conventionnels. Finalement, l’étude montre que 30% des musulmans interrogés refusent d’encourir les désagréments liés à un changement de mode de financement si les rendements générés sont les mêmes.

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