Un recours inexploité des dispositions de droit spécial

 Un recours inexploité des dispositions de droit spécial

L’exclusion de la rénovation du régime du CCMI avec fourniture de plan 

Dès l’instant où les travaux de rénovation portant sur une maison d’habitation existante sont suffisamment lourds, peuvent-ils systématiquement être assujettis aux dispositions des lois de 1972659 et 1990660 instituant les contrats de construction de maisons individuelles ? 344. Cette interrogation qui va susciter une profonde anxiété chez les théoriciens et praticiens du droit de la construction, survient à la suite d’une importante décision661 du 20 mars 2013662. Dans l’espèce, un particulier avait confié à une société, la rénovation complète de sa maison moyennant un prix réglé en fonction de l’état d’avancement des travaux. À la suite de l’interruption des travaux, ayant laissé place à un litige, les instances judiciaires avaient été invitées à se prononcer sur la qualification de l’acte conclu par les parties. Les juges d’appel saisis sur le fond663, avaient entériné le jugement de premier degré664, qualifiant la convention de CCMI, au motif qu’elle portait sur l’exécution de lourds travaux de rénovation assimilables à une construction. Une qualification que les Censeurs du droit balayent d’un revers de main, expliquant qu’elle ne saurait être attribuée à un contrat relatif à la rénovation ou réhabilitation d’une maison d’habitation existante, quand bien même les travaux visés seraient d’une ampleur assimilable à de véritables travaux de construction. 345. Ainsi, au regard des circonstances de cet arrêt, on réalise finalement que les préteurs ne voient pas d’un bon œil que la rénovation puisse systématiquement bénéficier des règles protectrices du droit spécial. Pourtant, on aurait pu penser que l’insertion de certaines opérations de rénovation dans les champs d’application des lois de 1967665 et 2006666 favoriserait ce processus. Autrement dit, que toute forme d’alliance serait possible entre le phénomène de rénovation et tous les contrats spéciaux, y compris le marché de la maison individuelle. À notre sens, une telle démarche aurait sans doute pu aboutir, si n’entrait pas en ligne de compte une dimension transactionnelle. Car effectivement, sur quel critère autre que commercial, la Cour de cassation se serait-elle basée pour dénier la protection du secteur protégé à une rénovation qui, au regard de son ampleur matérielle et financière, avait tout d’une opération de construction ?667. Même s’il n’est pas exclu que l’absence de transfert de propriété en l’espèce ne soit pas le principal motif d’exclusion des dispositions spéciales, le fait est que ce refus est intervenu dans le cadre d’une opération non-transactionnelle.

Essai de théorisation avec le CCMI sans fourniture de plan et le Contrat de promotion immobilière

Le colloque de mars 2015671 consacré aux travaux sur existants et organisé presque deux ans jour pour jour après ce fameux arrêt de la Troisième chambre civile, a été l’occasion d’exposer un peu plus les errements de la Cour de cassation. Cela s’est notamment illustré par le biais des interventions conjointes de Messieurs Jean-Philippe Tricoire et Vivien Zalewski-Sicard672. Dans leur analyse du cadre contractuel des travaux sur existants, ces éminents chercheurs n’ont pas manqué de soulever que si le pouvoir judiciaire écarte d’office les rénovations lourdes du champ de l’article L. 231-1, que resteil comme possibilités au maître d’ouvrage ? 351. En effet, il semble assez difficile, sinon impossible, de passer à côté de cette remarque en apparence anodine, mais qui en réalité est lourde de sens. En effet, une fois que l’on ne permet pas au maître d’ouvrage de se prévaloir des dispositions protectrices du droit de la construction, il faut en échange lui suggérer une alternative qui à défaut d’être équivalente serait du moins satisfaisante673. Pour ce faire, quoi de mieux que de se plonger, le temps d’un instant, dans la peau d’un particulier qui a investi d’importantes sommes et qui se voit opposer un tel refus. Car « le droit c’est avant tout la vie, et pour être juriste, on n’en est pas moins homme ou femme. Aussi, observer les règles de droit, c’est avant toute chose scruter les règles sociales. C’est chercher à comprendre les comportements humains et examiner les influences des normes juridiques sur les relations entre les gens »674 . 352. Adhérer à ce discours avisé de Monsieur le Professeur Yves Strickler suppose pour nous, de se prêter à un effort de théorisation contractuelle aux fins de garantir au maître d’ouvrage la protection qui lui est due, en raison des risques générés par l’ampleur des travaux. Ainsi, si tant est que le CCMI avec fourniture de plan n’a pas vocation à englober les travaux de rénovation portant sur une maison individuelle, qu’en est-il de celui sans fourniture de plan ? D’autant plus que le législateur préconise bien le recours à la forme de CCMI sans fourniture de plan dès lors que celle visée à l’article L. 231-1 du Code de la construction est inopérante675 .

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