L’impératif de préservation des droits fondamentaux, ou l’influence du juge sur le législateur de l’Union

L’impératif de préservation des droits fondamentaux, ou l’influence du juge sur le législateur de l’Union

Donnant tantôt la primeur à la préservation des droits fondamentaux, tantôt à la réalisation du mandat d’arrêt européen, la Cour a répondu aux critiques, parfois virulentes, opposées par les États au développement de l’espace pénal européen. À son tour, le législateur de l’Union s’est emparé de la question en se livrant à un arbitrage entre ces deux impératifs. À l’instar des raisonnements des juges de la Cour de justice, il proposera une solution mêlant à la fois le respect des droits fondamentaux des personnes concernées par des poursuites pénales tout en assurant effectivité et efficacité aux instruments de coopération pénale. L’empreinte de la CEDH est bien présente puisque ces trois directives traitent des garanties procédurales accordées aux personnes poursuivies dans le cadre des procédures pénales. L’intervention législative, survenue après l’entrée en vigueur du Traité de Lisbonne, a été déterminante pour la construction de l’espace pénal européen puisque les décisions de la Cour ont permis de révéler les insuffisances du texte initial permettant ensuite au législateur de l’Union d’intervenir pour renforcer les outils juridiques de mise en œuvre de ces procédures de coopérations en offrant également une protection des droits fondamentaux plus aboutie. Cette évolution est éminemment logique dans une Union qui se veut de plus en plus pénale et cette dimension s’inscrit, plus que jamais, au carrefour des ordres juridiques en présence. Les interventions législatives répétées et consécutives aux travaux jurisprudentiels en sont l’illustration. Pour preuves si les trois directives adoptées en 2016 visant à renforcer l’exercice des droits fondamentaux en matière procédurale des individus ont été prises sous l’impulsion des travaux de la Cour (A), elles génèrent également un nouveau contentieux (B) mettant en évidence la nécessité de parfaire la protection des droits fondamentaux accordée au sein de l’espace de liberté, de sécurité et de justice.

Concomitamment à l’entrée en vigueur du Traité de Lisbonne, l’espace pénal européen s’est construit et la coopération pénale européenne a pu se développer avec le soutien de la Cour de justice et du législateur de l’Union. Les directives sont les réponses aux insuffisances textuelles soulevées par le législateur à l’occasion, notamment, du contentieux relatif à la mise en œuvre d’outils de coopération pénale tels que le mandat d’arrêt européen. C’est dans cette dynamique que les trois directives de 2016 ont été adoptées. Le législateur de l’Union entend offrir une meilleure protection des droits fondamentaux au sein de l’Union afin de répondre aux velléités souverainistes caractéristiques du contentieux du mandat d’arrêt européen et, plus largement, de la coopération pénale au sein de l’Union mise notamment en avant dans la décision Melloni1023. Il s’agissait de s’intéresser à l’obligation de remise dans l’hypothèse où une personne aurait été condamnée par défaut et que cette décision de condamnation découlerait du mandat d’arrêt en cause. Pour répondre à cela, la Cour applique le principe de primauté du droit de l’Union européenne au point de l’utiliser comme argument suprême annihilant presque totalement les droits nationaux et la protection en matière de droits fondamentaux offerte par les États membres. Pour contraindre les États à l’application quasi systématique des mandats d’arrêt européens et limiter les cas de non- exécution à ce qui est strictement prévu par la décision-cadre instituant cet outil de coopération pénale, elle pose le principe de primauté comme principe suprême au point de ne laisser aucune place aux standards de protection nationaux fussent-ils plus protecteurs que le droit de l’Union lui-même. C’est une solution forte dans un contexte de résistances étatiques où l’argument identitaire est très présent. Toutefois, maintenir une telle jurisprudence risquerait de conduire à un conflit intensifié entre l’Union et ses États membres. La jurisprudence Jérémy F. aura permis une certaine clarification, mais la solution la plus souhaitable restait malgré tout l’intervention législative. Dans ces deux décisions, la situation de l’espèce n’est finalement pas confrontée au droit à un recours juridictionnel effectif, mais plutôt aux principes fondamentaux du droit de l’Union européenne.

Une autre série de droits fondamentaux souvent défendus par la Cour est celle du droit à un recours juridictionnel effectif, de l’accès au juge et, plus généralement, du droit à un procès équitable. À cet égard, dans l’affaire Jérémy F. notamment, la Cour confirme la validité de la décision-cadre en précisant que cette dernière n’est pas incompatible avec le respect du droit à un procès équitable tel qu’il est garanti par les règles constitutionnelles internes1027. Sans effectuer clairement un contrôle de conventionalité auquel elle ne peut se livrer au regard des compétences qui sont les siennes, elle valide la conformité de la décision-cadre à l’article 6 CESDH garantissant ce droit. Ce choix doit s’interpréter comme un signal d’alerte lancé au législateur de l’Union, car en décidant de ne pas fonder sa décision sur la Charte, la Cour met en évidence les lacunes de la préservation de ces droits dans l’ordre juridique de l’Union. mandat ce qui implique que toutes les voies de recours existent et aient été épuisées1028. Cette affaire témoigne de l’importance de l’intervention législative afin de garantir l’effectivité du droit au procès équitable.

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