L’intégration inégale des élites à Madagascar : analyse de la structure du réseau global

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Elites et développement

La notion d’élite

« Je laissai donc l’infanterie avec les vétérans et les femmes, et ne prenant avec moi que de jeunes soldats d’élite, je me mis en marche avec eux. » (Pseudo Callisthène, XIIe siècle/19922). C’est dans l’un des plus anciens romans français, le Roman d’Alexandre, relatant les conquêtes d’Alexandre le Grand, que l’on trouve la première attestation du mot « élite ». Son sens est alors issu directement du latin eligere, signifiant « choisir » ou « ce qui est choisi ». Les soldats emmenés par Alexandre le Grand pour son expédition sont « choisis » par lui parce que « issus exclusivement de la noblesse ». On retrouve cette idée encore six siècles plus tard, où les élites sont considérées comme les éléments choisis d’un groupe ou d’une société, sous-entendus ses meilleurs éléments. Cette distinction est alors généralement synonyme d’origine sociale aristocratique, supposée conférer des qualités supérieures (Reinhard, 1956).
C’est à partir du XIXe siècle que les théoriciens des sciences sociales s’emparent de la notion d’élite. Pour Marx (1875), les élites, c’est-à-dire la classe qui domine politiquement, s’apparentent ni plus ni moins à la classe « qui détient les moyens de production », c’est-à-dire à la classe qui domine économiquement. Les théoriciens de l’élite s’opposent ensuite à cette vision en affirmant que les élites dominent non pas parce qu’elles ont forcément un avantage économique, mais parce qu’elles ont des qualités intrinsèques supérieures. Dans son Traité de sociologie générale, initialement publié en 1916, Vilfredo Pareto (1916/1968) définit les élites comme les individus qui excellent le plus dans leur domaine (artistique, sportif, économique, intellectuel, politique…). De par leurs qualités intrinsèques supérieures ces individus ont une place dominante dans la société. Ils se partagent entre « élite gouvernementale » qui exerce effectivement le pouvoir et « élite non gouvernementale » qui influence et sert de soutien à la première.
A partir des années 1950, la composante explicative de la notion d’élite, à savoir les raisons qui mènent les individus à des positions dominantes dans la société (avantages économiques, qualités intrinsèques des individus), s’effacent pour ne laisser place qu’à sa composante descriptive, c’est-à-dire l’exercice du pouvoir. Pour Mills (1956), les élites sont les individus qui occupent des positions-clés dans les institutions gouvernementales, économiques et militaires. Le pouvoir n’est pas lié aux hommes mais aux institutions et aux positions au sein de ces institutions.
Cette définition prévaut encore aujourd’hui dans la littérature, mais l’étendue des institutions considérées comme élitaires a été élargie. Ainsi Best et Higley (2018), dans leur manuel sur les élites (qu’ils appellent « élites politiques »), en donnent la définition suivante : « des individus et des groupes restreints, relativement cohésifs et stables, dotés d’un pouvoir disproportionné pour influer de manière continue sur les résultats politiques nationaux et supranationaux. » (notre traduction). Il s’agit des principaux leaders des organisations et mouvements-clés de la société, dans les trois sphères évoquées par Mills (1956 ; gouvernementale, économique et militaire), mais aussi dans celles des partis politiques, des syndicats, des associations, des médias, des groupes d’intérêt, des organisations religieuses, culturelles et éducatives. C’est cette définition que nous retenons dans cette thèse.

Le pouvoir des élites et leur rôle dans le développement

Dans toute société il existe une minorité qui domine les masses

Marx (1875) prédit une disparition des élites à terme, lorsque la lutte de la « classe exploitée » contre la « classe exploitante » (les élites) aura abouti à une société sans classes, à une démocratie « pure », où le peuple se dirigera par lui-même. Les théoriciens de l’élite refusent cette approche en termes de lutte des classes, d’abord parce qu’ils n’apparentent pas les élites à une classe nécessairement dominante, et parce qu’ils constatent que dans aucune société les élites n’ont disparu du paysage social. La théorie politique de la domination des élites, soutenue principalement par Mosca (1923) et Pareto (1916/1968) postule que toute société est inéluctablement dirigée par une minorité d’individus aux qualités supérieures. Le pouvoir est toujours concentré sur une petite poignée d’élites parce qu’une minorité parvient à s’organiser et à se coordonner pour que ses membres agissent de concert. A l’inverse, la masse est inorganisée, incapable de se coordonner.
Selon cette même théorie, les élites ne sont toutefois pas perpétuellement dans cette position dominante, elles subissent non pas la lutte des classes, mais les luttes politiques qui aboutissent à leur renouvellement partiel. Les élites en place ne sont pas remplacées par les masses mais par une nouvelle minorité organisée. Michels (1925) poursuit cette idée en étudiant les partis politiques comme des Etats miniatures. Il formule la « loi d’airain de l’oligarchie » selon laquelle tout parti politique, qui à la base est un moyen d’expression et d’action politique des masses, tend inéluctablement vers l’oligarchie : les dirigeants de ces partis finissent par former une coalition autonome aux intérêts spécifiques.

Les élites façonnent les institutions, qui sont au cœur du développement

Un large consensus existe dans la littérature sur le rôle majeur des différences d’institutions et notamment de politiques économiques pour expliquer les différences de performances économiques observées entre les pays (North and Thomas 1973 ; North 1990 ; Acemoglu, Johnson and Robinson 2001, 2002). Les institutions n’influencent pas seulement la croissance économique, c’est-à-dire la taille du revenu agrégé mais aussi la façon dont ce revenu est distribué entre les différents groupes et individus de la société.
Or, ce sont les élites qui choisissent les institutions. Comme le soulignent Acemoglu, Johnson et Robinson (2005), les institutions économiques sont endogènes à la société. Elles sont déterminées par les choix collectifs de la société. Évidemment, rien ne garantit que tous les individus et tous les groupes aient les mêmes préférences en termes d’institutions économiques, puisque des institutions économiques différentes se traduisent par des schémas de distributions de revenu différents. De fait, il y aura un conflit d’intérêt sur le choix des institutions économiques. Et dans cette configuration, c’est la distribution du pouvoir politique dans la société qui va déterminer quelles institutions seront choisies, ce que Robinson (2012) appelle le « political equilibrium ». C’est le groupe le mieux doté en pouvoir politique (les élites) qui aura tendance à choisir le jeu d’institutions qui lui convient le mieux. Même dans les sociétés modernes les plus démocratiques, dans lesquelles les élites sont contraintes par un cadre légal et constitutionnel, elles ont généralement suffisamment de marges de manœuvre pour modifier et interpréter les lois, ou encore pour « orienter les demandes des citoyens ». (Higley, 2018 ; notre traduction).
De nombreux facteurs sont à l’origine de la croissance économique d’un pays (dotation en ressources notamment), mais la trajectoire de développement qu’il suit est façonnée par l’action des élites (Amsden, DiCaprio et Robinson, 2012). Celles-ci agissent directement sur le développement et la croissance économique par leurs choix dans l’allocation des ressources. Elles peuvent soit s’engager dans une redistribution large des ressources dans le but de réduire les inégalités de revenu et d’augmenter l’emploi, soit distribuer des rentes à des groupes privilégiés de la société (Amsden, DiCaprio et Robinson, 2012). Plusieurs travaux ont montré que les niveaux de développement ou de croissance actuels des pays reflétaient les choix ou les comportements passés des élites (Acemoglu et Robinson, 2006 ; Brezis et Temin, 1999). D’autres auteurs ont montré le rôle des élites dans la mise en place et la pérennisation des régimes démocratiques (Acemoglu et Robinson, 2000) et d’institutions favorables au climat des affaires (Barrow, 1998).

Les rapports interélites et le développement

Les théories montrant un lien entre le mode d’organisation des élites (ou le type de relations qu’elles entretiennent entre elles) et le développement politique et économique sont en plein essor. Déjà Mosca écrit en 1923 (notre traduction) : « Les différences de structure de la classe dirigeante ont une importance prépondérante dans la détermination du régime politique, et aussi du niveau de civilisation des différentes sociétés. »
Pour certains théoriciens, une collusion trop importante entre les élites, « agissant comme un groupe monolithique » (Brezis et Temin, 2008) serait néfaste pour le développement parce qu’elle favoriserait les inégalités et serait un frein à la croissance économique. De telles élites seraient en effet davantage incitées à utiliser leur position dominante pour servir leurs intérêts propres, plutôt que de développer une société plus égalitaire et promouvoir le développement (Brezis et Temin, 2008 ; Engerman et Sokoloff, 1997 ; Etzioni-Halevy, 1997). Justman et Gradstein (1999) confirment cela en montrant que des élites unifiées mettent en place des politiques de redistribution plus faibles, ce qui se traduit par de plus grandes inégalités. Au contraire, la pluralité et la concurrence au sein des élites favoriserait leur capacité à répondre aux demandes de la société. Par ailleurs, le manque de compétition dans une élite monolithique constituerait un frein à l’innovation du fait d’un manque de circulation des idées (Bourdieu, 1977) et favoriserait la corruption (Brezis et Temin, 2008). L’interconnexion ou le chevauchement des élites politiques et économiques freinerait également l’adoption d’institutions propices à la croissance économique, les élites craignant que ces changements leur soient défavorables (Acemoglu, Johnson et Robinson, 2001).
Cependant, une large partie de la littérature (pour une synthèse, voir : Burton, Gunther et Higley, 1992 ; Higley et Burton, 2006 ; Higley et Moore, 1981) s’accorde à dire que la collusion entre les élites (intégration via un réseau important de relations entre elles, consensus sur les valeurs et les intérêts à défendre…) est une condition nécessaire pour instaurer et maintenir un système démocratique stable. Leur fragmentation est au contraire source de coups d’Etat et de crises politiques récurrentes.
North, Wallis et Weingast (2009/2010) distinguent deux types d’organisation au sein des élites, qui correspondent à deux types de sociétés en fonction de leur capacité à contrôler la violence, et à deux stades de développement différents : les « ordres sociaux à accès limité » (ou « états naturels ») et les « ordres sociaux à accès ouvert ». Le premier fait référence aux sociétés dans lesquelles s’est formée une « collusion intraélite » tandis que le second, aux sociétés où prévaut une « compétition intraélite ».
Les sociétés à ordres sociaux d’accès ouvert se caractérisent par l’existence d’une compétition intraélite, garantie par des institutions perpétuelles (qui persistent indépendamment de la personnalité de ceux qui les dirigent) et par un monopole de la violence légitime par l’Etat (via des organisations militaires et de police lui étant subordonnées). La liberté de tous les individus de participer à la compétition pour avoir accès au pouvoir politique, ou de former des organisations économiques ou sociales, sans le consentement préalable de l’Etat, garantit la non-utilisation de la violence par les élites. Quiconque utiliserait la violence se trouverait de toute façon sanctionné par l’Etat.
Dans les ordres sociaux à accès limité, a contrario, les élites s’organisent en une large coalition dominante, via un vaste réseau de relations personnelles, comprenant tous les individus et les groupes potentiellement violents. En effet, dans ce type de société, aucun groupe, ni même l’Etat, n’a « le monopole de la violence ». Cette coalition orchestre l’économie de façon à générer des rentes et distribue ces rentes entre les élites, les dissuadant ainsi d’utiliser la violence. Les élites sont alors incitées à coopérer socialement pour perpétuer ces rentes qui risqueraient de diminuer en cas de violence et d’instabilité de la coalition. Mais lorsqu’un groupe d’élites n’est pas satisfait du partage des rentes, il utilise la violence pour en obtenir davantage. La violence des non-élites est quant à elle maîtrisée par des relations de patronage et clientélistes, visant à leur offrir certaines protections. Cette configuration est dite « à accès limité » parce que tout le monde n’est pas admis dans la coalition dominante. Seuls certains groupes se voient attribuer des ressources et des privilèges économiques, et ont accès aux fonctions politiques et économiques importantes. Et c’est cet accès limité qui conditionne la réussite de cet ordre social dans le contrôle de la violence. D’une part parce qu’il limite le risque de « dilapidation » des rentes en limitant le nombre de bénéficiaires ; et d’autre part parce qu’il permet de protéger la coalition des potentiels opposants qui pourraient renverser le régime.
Selon North et alii (2009/2010) il existe en fait trois types de sociétés à ordres sociaux d’accès limité : les « états naturels fragiles », « basiques » et « matures ». Dans les premiers, il existe un gouvernement dans la coalition – et il s’agit de la seule organisation soutenable. Le contrôle de la violence et par conséquent la stabilité de la coalition (et donc de la société), ne sont maintenus que difficilement. Ils reposent sur un « double équilibre » : les avantages économiques accordés aux élites doivent être proportionnels à leur pouvoir. Les « états naturels basiques » disposent d’institutions (principalement la définition de lois régissant les affaires publiques) régulant durablement les relations entre les élites. Ces institutions permettent d’institutionnaliser les décisions liées à l’allocation des rentes, potentiellement source de conflit. Cette configuration est plus durable et plus stable dans le temps. Enfin, les « états naturels matures » sont capables d’instaurer et de maintenir, en plus d’institutions étatiques durables, des institutions variées, régulant les relations entre les élites en dehors de l’état (lois régissant les affaires privées, institutions soutenant les entreprises privées…).
Selon ces auteurs, les « états naturels », quelle que soit leur nature, se caractérisent généralement par une croissance économique faible, voire négative, parce que leur stabilité est très vulnérable aux chocs endogènes ou exogènes. Un changement de prix relatifs par exemple, risque de modifier le pouvoir relatif des élites et donc de perturber le double équilibre « pouvoir » et « avantages économiques ». Les élites se sentant lésées par ce changement répondront potentiellement par la violence. North, Wallis, Webb et Weingast (2012) constatent que tous les pays à revenu faible et moyen actuellement sont des sociétés d’ordres sociaux à accès limité. D’après le rapport de la Banque mondiale (2010), Madagascar s’apparente actuellement à un ordre social d’accès limité « basique », mais est en régression et est en train de devenir « fragile ». En effet les coalitions élitaires dominantes, qui accaparent et distribuent les rentes à leur profit, y sont régulièrement contestées et partiellement renversées, ce qui suppose une coopération intraélite précaire. Madagascar ne parvient pas à assurer une stabilité durable.
Le cadre conceptuel de North et alii (2009/2010) paraît séduisant pour analyser la trajectoire de Madagascar. Mais Razafindrakoto et alii (2017) ont montré qu’il n’épousait que partiellement le cas de Madagascar. D’abord parce que la violence n’est que très peu employée dans ce pays, en dépit des crises politiques qu’il connaît. Ensuite, parce que Madagascar est tout de même parvenu à faire fonctionner des institutions (politiques, économiques et bureaucratiques) caractéristiques des sociétés d’ordres sociaux à accès ouvert. Ils évoquent en revanche, comme une cause possible de la trajectoire malgache, l’individualisme des élites, dont le but, une fois arrivées au pouvoir n’est pas tant de contrôler la violence (qui est relativement contenue à Madagascar) pour maintenir l’ordre, que de s’enrichir personnellement ; contrairement à la thèse de North et alii (2009/2010). Ainsi le partage des rentes se limite « au groupe très restreint de ceux directement liés au pouvoir en vigueur. » Ils ajoutent que « Les alliances au sommet, mouvantes, fragiles et limitées aux seuls proches du président, engendrent l’exclusion et la frustration de groupes élitaires potentiellement influents et au pouvoir déstabilisateur. »
Le cadre théorique de North et alii (2010) et les spécificités de Madagascar sortant de ce cadre, évoquées par Razafindrakoto et alii (2017), font apparaître l’étude des élites, et en particulier des relations sociales et de pouvoir entre elles, comme essentielle pour tenter de comprendre la trajectoire singulière de Madagascar. Les élites forment-elles réellement une coalition soudée par un réseau dense de relations à Madagascar ? Y a-t-il des groupes élitaires exclus et frustrés ? Le réseau n’est-il pas justement un moyen d’exclusion de certains groupes par les élites ?

Données : l’enquête ELIMAD, une base de données unique

Cette thèse s’appuie sur une base de données unique développée et collectée à Madagascar entre 2012 et 2014 par le centre de recherche IRD-DIAL et COEF Ressources sous la supervision de Razafindrakoto, Roubaud et Wachsberger (ELIMAD 3 ). Cette enquête statistique de première main conçue pour être représentative des élites à Madagascar est la première du genre à notre connaissance. Avec un échantillon de 1 000 individus, ELIMAD est une enquête complète captant les élites les plus éminentes de Madagascar selon trois dimensions principales : leur parcours et leur trajectoire (à la fois personnelle et familiale) via une approche biographique, leurs réseaux sociaux (portée, structure et caractéristiques), et leurs valeurs (culturelles et en termes de développement). Le questionnaire est présenté en Annexe générale. L’enquête a du surmonter une triple difficulté méthodologique : définition et portée de l’univers à étudier (qui sont les élites ?), représentativité de l’échantillon sélectionné (comment dresser une liste complète des élites de la base de sondage afin de minimiser les erreurs d’échantillonnage ?), et la fiabilité des informations collectées (comment garantir des réponses honnêtes et systématiques afin de minimiser les erreurs de mesure et les non-réponses ?). La quatrième difficulté principale (développer une métrique de pouvoir) est présentée dans la section 4.2.

Portée de l’enquête: une définition des « élites »

Compte tenu du débat et de l’absence de consensus sur la notion d’élite dans la littérature, nous devons préciser la définition adoptée dans l’enquête ELIMAD. Le terme « élite » y est défini dans son sens le plus large : « toute personne ayant ou pouvant potentiellement avoir du pouvoir et/ou une influence sur les décisions et le fonctionnement de la société à Madagascar. » (Razafindrakoto et alii, 2017)
À cette fin, les individus qui occupent ou ont occupé des postes « importants » et/ou assument des responsabilités ont d’abord été classés dans neuf sphères différentes (voir Razafindrakoto et alii, 2017, pour une présentation détaillée) :
1- Gouvernement (ministre, secrétaire général principal ou secrétaire permanent, etc.)
2- Fonctions électives (président, assemblée nationale, sénat, mairie, etc.)
3- Partis politiques
4- Institutions publiques (administrations, organismes publiques et semi-publiques ; positions non politiques)
5- Forces de sécurité (armée, police, forces paramilitaires, etc.)
6- Grandes sociétés et entreprises (publiques ou privées)
7- Société civile (organisations patronales et syndicales, ONG nationales, associations, etc. ; y compris les médias)
8- Institutions religieuses
9- Organisations internationales (dont les grandes ONG internationales).
Le pouvoir détenu par les « élites » (à mesurer ; voir ci-dessous) n’est pas une variable binaire, mais une variable continue : il n’y a pas des élites avec ou sans pouvoir, mais plutôt des élites avec plus ou moins de pouvoir. Bien que cette définition ne pose pas de problème de plafond (par exemple, le président de la République est incontestablement un membre de l’élite), le seuil en dessous duquel un individu n’est plus considéré comme une élite est, par définition arbitraire. Dans ELIMAD, des seuils planchers spécifiques pour chaque sphère ont été choisis. Évidemment, proposer une métrique de pouvoir est par essence un exercice particulièrement compliqué et impossible à harmoniser parfaitement entre les sphères, mais le seuil plancher a été placé à un niveau très élevé, comme le montre la répartition des positions dans l’échantillon (voir le Tableau 1).
Deuxièmement, la ventilation en neuf sphères (et leur agrégation en quatre champs) est conçue pour couvrir toutes les élites ayant un pouvoir au niveau national à Madagascar. Cet univers exclut par principe trois groupes qui peuvent être considérés comme des élites à leur niveau : les petites élites locales, les élites malgaches exerçant à l’étranger et les élites internationales qui influencent Madagascar de l’extérieur (par exemple, le président de la République française, le président de la Banque mondiale et les dirigeants d’entreprise mondiale opérant à Madagascar). Ces groupes d’élites sont évidemment exclus pour des raisons de difficultés techniques (d’accès, en particulier), mais ils peuvent également être légitimement considérés comme hors de notre champ d’application : les premiers parce qu’ils n’ont une influence qu’au niveau local, et les deux derniers parce qu’ils n’exercent pas à Madagascar. Cependant, les communautés étrangères installées à Madagascar (principalement indo-pakistanaises – Karana, chinois – Sinoa et descendants d’européens – principalement français – Zanatany), dont certaines sont établies de longue date, sont prises en compte dans l’enquête.

Table des matières

Introduction générale 
1 Le contexte malgache
2 Elites et développement
2.1 La notion d’élite
2.2 Le pouvoir des élites et leur rôle dans le développement
2.3 Les rapports interélites et le développement
3 Données : l’enquête ELIMAD, une base de données unique
3.1 Portée de l’enquête: une définition des « élites »
3.2 Stratégie d’échantillonnage pour obtenir un échantillon représentatif de l’univers des élites
3.3 Des questions extrêmement sensibles : minimiser les non-réponses et maximiser la fiabilité
3.4 Inégalités au sein des élites : l’élaboration d’une échelle de « pouvoir »
4 Questions de recherche, méthodes et plan général
Références
Chapitre 1 L’intégration inégale des élites à Madagascar : analyse de la structure du réseau global
1 Introduction
2 Définitions et enjeux de l’intégration ou de la fragmentation des élites
2.1 Définition : les interactions sociales, une dimension cruciale de l’intégration
2.2 Enjeux : intégration, pouvoir et stabilité politique
3 Les structures du réseau des élites dans la littérature : fragmentation ou intégration ?
3.1 L’approche pluraliste : des élites fragmentées
3.2 Approche classique : des élites politiques, économiques et militaires très intégrées/interconnectées
3.3 L’approche intermédiaire : une structure centre-périphérie et une intégration consensuelle
4 Données et méthode
4.1 Données
4.2 Méthode
5 Résultats et discussion
5.1 L’intégration globale des élites
5.2 Des disparités d’intégration dans le réseau des élites : une structure centre-périphérie
5.3 Discussion : intégration et instabilité
6 Conclusion
Références
Annexe
Lexique des notions usuelles d’analyse de réseau
Chapitre 2 Elites, Network and Power: an econometric analysis of microdata from Madagascar 
1 Introduction
2 The key role of social networks: a brief literature review
2.1 Economic opportunities in the general population
2.2 Elites’ network
3 Econometric methods and identification strategy
3.1 The model
3.2 The variables
3.3 Identification strategy
4 Descriptive statistics on the elites and their network
5 Results and discussion
5.1 Access to upper scale of power: a meritocratic promotion?
5.2 The family background effect and the social reproduction phenomenon
5.3 The role of social networks
5.4 Assessing the causal impact
6 Conclusion
References
Appendix
Chapitre 3 Distribution des réseaux élitaires : compensation ou amplification des inégalités ? 
1 Introduction
2 Revue de littérature
2.1 Théorie générale : compensation ou amplification ?
2.2 Les différents facteurs de dotations en ressources, potentiels déterminants du réseau
2.3 Les déterminants des réseaux chez les élites
3 Données et stratégie empirique
3.1 Les variables
3.2 Stratégie empirique
4 Résultats et discussion
4.1 Amplification (hypothèse 1)
4.2 Compensation (hypothèse 2)
4.3 Les canaux de l’amplification : associations/clubs élitistes et homophilie (hypothèse 3)
5 Conclusion
Références
Annexe
Conclusion générale 
Références
Annexe générale

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