Microscopie de fluorescence par excitation à deux photons

Problèmes rencontrés lors de l’excitation d’une molécule :

photo-blanchiment, photo-dégradation, saturation, effets thermiques. Suite à son irradiation, une molécule à l’état excité a tendance à être plus réactive d’un point de vue chimique que dans son état fondamental [Rost 1992]. Des réactions irréversibles (polymérisations, oxydations, dissociations, isomérisations, liaisons avec d’autres molécules) peuvent se produire et donner naissance à des photo-produits. Ces nouvelles espèces créées sont souvent non fluorescentes ou caractérisées par des spectres d’absorption et d’émission de fluorescence différents de ceux de la molécule initiale. Ces réactions photo-chimiques se traduisent par une perte progressive de l’intensité de fluorescence émise par un échantillon. Cet effet est appelé processus de photo-blanchiment. Certaines espèces peuvent par ailleurs avoir une influence néfaste sur un milieu biologique vivant. On parle alors de photo-toxicité. Un autre problème rencontré lors de l’excitation d’une molécule par un rayonnement intense est la saturation de l’état excité.

Ce processus n’est pas en lui-même nécessairement destructif pour la molécule considérée. La variation de l’intensité de fluorescence émise dans des conditions de saturation ne varie plus linéairement avec l’énergie incidente et peut ainsi conduire à des erreurs d’interprétations des résultats obtenus. D’autre part, les effets de photoblanchiment et de photo-dégradation seront d’autant plus importants que l’intensité incidente sera élevée. Finalement, l’excitation d’une molécule par un rayonnement intense est à l’origine d’effets thermiques. Ces échauffements sont dépendants des capacités d’absorption des molécules et sont générés lors des différents processus de conversion interne. Ils ont évidement un effet destructif sur la molécule et son environnement. Ces effets pourront être limités par diminution de l’intensité incidente. L’excitation de la fluorescence d’une molécule par une radiation lumineuse peut donc conduire à une dégradation progressive plus ou moins rapide des molécules absorbantes et de leur environnement local. Ces processus de photo-dégradation dépendent des densités d’énergie incidente mais aussi des fluorophores utilisés et de la durée de l’irradiation. Les conditions d’excitation de la fluorescence sont donc à déterminer précisément de manière à s’affranchir le plus possible de ces effets.

Le microscope confocal de fluorescence : principe, performances et inconvénients.

Au cours du vingtième siècle, les méthodes d’analyse de la fluorescence, alliées aux techniques de microscopie, sont devenues un moyen d’étude très puissant en biologie. La microscopie de fluorescence permet en effet la détection in-vivo de particules et de structures qui ne peuvent être visualisées en microscopie optique conventionnelle et révèle les processus métaboliques au sein de la cellule. Plusieurs techniques de microscopie de fluorescence, basée sur une excitation monophotonique (dans le domaine du visible ou de l’ultraviolet), ont été développées dans ce but d’exploration d’entités biologiques :

– la microscopie de fluorescence classique par transmission : l’échantillon est entièrement illuminé par le faisceau excitateur. Le signal de fluorescence émis et transmis par l’échantillon est collecté par l’objectif de microscope. Cette méthode est peu utilisée en raison d’inconvénients majeurs. Comme on collecte le signal de fluorescence transmis à travers l’échantillon, on est ici limité à l’étude d’échantillons extrêmement fins. Par ailleurs, un signal donné par la lumière excitatrice transmise viens s’ajouter au signal de fluorescence de l’échantillon dégradant la qualité du signal final. D’autre part, cette technique est caractérisée par une mauvaise résolution axiale. En effet, bien que la mise au point se fasse sur un plan focal précis, l’enregistrement de l’information est entaché d’un bruit de fond considérable qui se superpose à l’image du plan observé. Ce bruit résulte entre autre de l’excitation, par la source lumineuse, de tous les fluorophores situés sur le trajet du faisceau,

– la microscopie à épi-fluorescence : dans ce cas, la lumière excitatrice arrive au travers de l’objectif de microscope qui sert aussi à la collection de la fluorescence émise. Comme le mode de fonctionnement de ce type de microscope n’est plus en transmission, il est permis d’utiliser des échantillons plus épais. Toutefois, en raison des coefficients d’absorption élevés des composants biologiques dans les gammes de longueurs d’onde utilisées, il n’est possible d’étudier qu’une surface d’épaisseur limitée des échantillons. Comparé au cas du microscope de fluorescence par transmission, le signal détecté n’est plus perturbé par la lumière excitatrice. Cependant, les problèmes de résolution axiale subsistent,

– la microscopie confocale de fluorescence : cette technique est basée sur le microscope à épi-fluorescence sur lequel on a rajouté un trou de filtrage servant à bloquer tout signal ne provenant pas du plan focal. En raison de ses capacités de résolution tridimensionnelle, la microscopie confocale fut à l’origine d’améliorations considérables en microscopie de fluorescence. Nous décrirons ici en détail le principe, les performances et les limitations de cette technique.

Problèmes rencontrés en microscopie confocale de fluorescence.

Les longueurs d’onde d’excitation et d’émission étant très proches, il est difficile de trouver un miroir dichroïque ayant une réflectivité maximale pour la longueur d’onde d’excitation et une transmission optimale pour la longueur d’onde de fluorescence, ce qui induit des pertes considérables de l’intensité de fluorescence détectée. Des pertes supplémentaires sont dues à l’utilisation du trou de filtrage. La taille du trou doit être judicieusement choisie (diamètre proche de la valeur Φmax) et l’alignement du montage doit être parfaitement réalisé afin de minimiser ces pertes. Le microscope confocal nécessite l’emploi d’éléments optiques spécialement conçus pour l’ultraviolet permettant à la fois une transmission optimale de la lumière excitatrice avec une limitation des aberrations et une collection efficace de la lumière de fluorescence. Ce type d’objectif est relativement coûteux. La fluorescence « parasite » émise par les plans inférieurs et supérieurs au plan de focalisation, ainsi que la lumière diffusée, constituent une source de bruit importante malgré l’utilisation du trou de filtrage.

L’intensité d’une onde électromagnétique se propageant dans un milieu absorbant décroit exponentiellement suivant la loi de Beer-Lambert : I = I0 exp(-εz), où I0 est l’intensité initiale, ε le coefficient d’extinction molaire et z la distance parcourue dans le milieu. La plupart des composants biologiques ont des coefficients d’absorption élevés dans le domaine du visible et de l’ultraviolet, ainsi la profondeur de pénétration dans des échantillons biologiques est très limitée (<50 μm). Le problème majeur lié à cette configuration est la dégradation très rapide des échantillons biologiques vivants sous un mode d’excitation monophotonique (photo-toxicité, photoblanchiment, saturation, échauffement…). En effet, en raison des forts coefficients d’absorption des constituants biologiques dans le domaine du visible et de l’ultraviolet, l’absorption et donc les photo-dommages ont lieu sur tout le trajet du faisceau, donc même en dehors de la zone d’étude. La majorité de ces problèmes pourront être résolus par l’utilisation de la technique de microscopie de fluorescence par excitation à deux photons. Avant de décrire cette nouvelle technique, nous introduirons les bases physiques du processus non linéaire d’absorption à deux photons et les propriétés du signal de fluorescence émis suite à une telle excitation.

(4) Dégradation des échantillons réduite. Le principal avantage du microscope de fluorescence par EDP est la restriction des éventuels dommages au point de focalisation, due à la localisation de l’excitation. Les divers problèmes exposés au paragraphe I.1.1.6 rencontrés lors de l’excitation d’une molécule : effets thermiques, photo-blanchiment, création de photo-produits, photo-dégradation seront ainsi limités au micro-volume de focalisation. Ceci constitue déjà un avantage non négligeable en comparaison de la microscopie confocale. Cependant il reste à étudier dans quelles mesures l’EDP n’est pas localement plus destructrice en raison des très fortes densités de puissance utilisées en régime femtoseconde à haute cadence (puissance crête de l’ordre du TW/cm2). Les dommages causés suite à une EDP sont difficiles à estimer, ceux-ci dépendant de nombreux paramètres tels que la concentration et le type de fluorophore utilisé, la longueur d’onde et la densité de puissance incidente, et bien sûr le type d’échantillon étudié. Peu d’études systématiques ont été publiées dans ce contexte. Il existe tout de même quelques études quantitatives complètes des dommages induits par une excitation multiphotonique définissant les paramètres à contrôler pour des applications particulières telles que l’imagerie de fluorescence de l’activité calcique en milieu cellulaire (neurones) [Koester 1999] ou les effets de l’excitation de molécules photosensibles utilisées en thérapie photodynamique sur l’ADN [Shafirovich 1999]. Afin de tenter de préciser ces effets de dommages, nous effectuerons ici une synthèse de divers résultats publiés analysant les problèmes et dégradations causées par une EDP.

Table des matières

INTRODUCTION GENERALE
CHAPITRE I. MICROSCOPIE DE FLUORESCENCE PAR EXCITATION A DEUX PHOTONS
I.1. LA MICROSCOPIE DE FLUORESCENCE : DÉFINITIONS GÉNÉRALES
I.1.1. Principes et caractéristiques de l’émission de fluorescence.
I.1.1.1. Le processus de photoluminescence.
I.1.1.2. Caractéristiques des spectres d’absorption et d’émission de fluorescence d’une molécule.
I.1.1.3. Rendement quantique et temps de déclin de fluorescence
I.1.1.4. Polarisation de la fluorescence
I.1.1.5. Effets de l’environnement local sur la fluorescence
I.1.1.6. Problèmes rencontrés lors de l’excitation d’une molécule : photo-blanchiment, photo-dégradation,
saturation, effets thermiques.
I.1.2. Le microscope confocal de fluorescence : principe, performances et inconvénients
I.1.2.1. Le microscope confocal de fluorescence : principe.
I.1.2.2.Performances du microscope confocal de fluorescence : résolutions spatiales.
I.1.2.3. Problèmes rencontrés en microscopie confocale de fluorescence.
I.2. ÉMISSION DE FLUORESCENCE SOUS EXCITATION À DEUX PHOTONS
I.2.1. L’absorption à deux photons.
I.2.2. L’émission de fluorescence sous excitation à deux photons
I.2.3. Le microscope de fluorescence par excitation à deux photons.
I.2.3.1. Principe du microscope de fluorescence par excitation à deux photons.
I.2.3.2.Performances du microscope de fluorescence par excitation à deux photons : résolutions spatiales.
I.2.3.3. Intérêts du microscope de fluorescence par excitation à deux photons pour l’étude de milieux
Biologiques
I.3. TECHNIQUES D’IMAGERIE EN MICROSCOPIE DE FLUORESCENCE
I.4. LA MICROSCOPIE DE CORRÉLATION DE FLUORESCENCE PAR EXCITATION À
DEUX PHOTONS
I.4.1. La microscopie de corrélation de fluorescence : définition
I.4.2. Principe de la microscopie de corrélation de fluorescence et détermination des constantes de
diffusion.
I.4.3. Domaines d’application de la microscopie de corrélation de fluorescence
I.4.4. Comparaison avec les autres techniques de mesures des coefficients de diffusion
I.4.4.1. La diffusion quasi-élastique de la lumière
I.4.4.2. Méthode des chambres de diffusion
I.4.4.3. Méthode de retour de la fluorescence après photo-blanchiment
I.5. ANALYSE ET IMAGERIE DES DURÉES DE VIE DE FLUORESCENCE EN
MICROSCOPIE BIPHOTONIQUE
I.5.1 Intérêts de l’imagerie des durées de vie de fluorescence.
I.5.2 Méthodes de mesures des durées de vie de fluorescence.
I.5.2.1. Mesure de durées de vie de fluorescence par fluorimétrie de phase.
I.5.2.2. mesures des durées de vie de fluorescence suite à une excitation impulsionnelle
I.5.3. Imagerie des durées de vie de fluorescence
I.5.4. Domaines d’applications de l’analyse et imagerie de durée de vie de fluorescence
CHAPITRE II. MISE EN PLACE ET CARACTERISATION DE LA SOURCE LASER POUR L’EDP
II.1. LE LASER À SAPHIR DOPÉ AU TITANE.
II.2. LA DISPERSION DE LA VITESSE DE GROUPE : INFLUENCE SUR LA DURÉE DES
IMPULSIONS ET COMPENSATION
II.2.1. Le processus de dispersion de la vitesse de groupe
II.2.2. Compensation de la dispersion de la vitesse de groupe
II.3. MESURE ET CONTRÔLE DE LA DURÉE DES IMPULSIONS FEMTOSECONDES
II.3.1. Autocorrélation optique par génération de second harmonique
II.3.1.1. Autocorrélation optique par génération de second harmonique : principe.
II.3.1.2. Mesure de la durée des impulsions; influence de la dispersion de la vitesse de groupe introduite
par un objectif de microscope.
II.3.2. Autocorrélation optique par absorption à deux photons dans une diode électroluminescente ou
une photodiode
II.3.2.1. Principe et caractéristiques
II.3.2.2. Observation et compensation des effets de la vitesse de groupe introduite par un objectif de grande
ouverture numérique.
II.3.3. Conclusions
CHAPITRE III. MISE EN PLACE ET APPLICATIONS DE LA MICROSCOPIE DE CORRELATION DE FLUORESCNCE SOUS EDP
III.1. DISPOSITIF EXPÉRIMENTAL DE MICROSCOPIE DE CORRÉLATION DE
FLUORESCENCE PAR EXCITATION À DEUX PHOTONS.
III.1.1. Montage expérimental.
III.1.2. Acquisition et traitement des données.
III.2. FLUOROPHORES UTILISÉS POUR LES ÉTUDES EN MICROSCOPIE DE
CORRÉLATION DE FLUORESCENCE
III.2.1. Billes de latex fluorescentes
III.2.2. Molécules de FITC-dextran.
III.2.3. Green Fluorescent Protein (Rgfp
III.2.4. Fluorescéine
III.3. VÉRIFICATION DES CONDITIONS D’EXCITATION À DEUX PHOTONS POUR LA
MICROSCOPIE DE CORRÉLATION DE FLUORESCENCE
III.4. CALIBRATION DU VOLUME D’EXCITATION
III.4.1. Calibration par imagerie de fluorescence
III.4.2. Calibration par mesure de corrélation de fluorescence.
III.5. MESURES DE COEFFICIENTS DE DIFFUSION MOLÉCULAIRES EN SOLUTION :
VALIDATION DE LA TECHNIQUE DE CORRÉLATION DE FLUORESCENCE PAR
EXCITATION À DEUX PHOTONS.
III.5.1. Mesures des coefficients de diffusion de molécules de FITC-dextran de différents poids
moléculaires
III.5.2. Étude en corrélation de fluorescence de la rGFP
III.5.3. Étude en corrélation de fluorescence de la fluorescéine : détection de la molécule unique.
III.6. APPLICATION DE LA MCF PAR EDP À LA CARACTÉRISATION DES
MÉCANISMES DE DIFFUSION AU SEIN DE BIOFILMS DE BACTÉRIES
III.6.1. Biofilms : définitions et contexte de l’étude en MCF par EDP.
III.6.2. Étude des mécanismes de diffusion au sein de biofilms de bactéries par MCF sous EDP.
III.6.2.1. Description des biofilms de bactéries utilisés
III.6.2.2. Fluorophores utilisés pour les études de diffusion par MCF sous EDP au sein des biofilms
III.6.3. Diffusion de fluorophores au sein de biofilms de bactéries par MCF sous EDP- Résultats
III.6.3.1. Mesures de corrélation dans les biofilms de L. lactis
III.6.3.2. Mesures de corrélation dans les biofilms de S. maltophilia.
III.6.3.3. Interprétation des résultats et discussion
III.7. CONCLUSION ET PERSPERTIVES
CHAPITRE IV. MISE EN PLACE ET APPLICATIONS DE L’IMAGERIE DE DUREES DE VIE DE FLUORESCENCE SOUS EDP
IV.1. DISPOSITIF EXPÉRIMENTAL POUR LA MESURE ET L’IMAGERIE DE DURÉES
DE VIE DE FLUORESCENCE
IV.1.1. Dispositif expérimental pour la mesure de durées de vie de fluorescence
IV.1.2. Traitement des données expérimentales
IV.1.2.1. Principe
IV.1.2.2. Acquisition de la réponse instrumentale de notre système de CPUCT sous une EDP.
IV.1.2.3. Détermination des durées de vie de fluorescence
IV.1.3. Dispositif expérimental pour l’imagerie.
IV.2. ÉTUDES IN VITRO DE L’ACTIVITÉ ANTITUMORALE DE LA CAMPTOTHÉCINE
PAR MESURES DE FLUORESCENCE RÉSOLUES EN TEMPS SOUS EDP.
IV.2.1. La molécule de camptothécine.
IV.2.2. Contexte de notre étude sur l’activité antitumorale de la camptothécine
IV.2.3. Mesures de la fluorescence résolue en temps par CPUCT sous EDP de la CPT.
IV.2.3. Mesures de la fluorescence résolue en temps par CPUCT sous EDP de la CPT en présence de
topoisomérase I.
IV.3. ÉTUDES IN VITRO ET IN VIVO DE LA FLUORESCENCE RÉSOLUE EN TEMPS
SOUS EDP D’UNE MOLÉCULE INHIBRITRICE DU VIH : LA KHD 161
IV.3.1. La molécule KHD161.
IV.3.2. Contexte de notre étude de la fluorescence résolue en temps de la KHD 161.
IV.3.3. Mesures in vitro des durées de vie de la KHD 161 par CPUCT sous EDP.
IV.3.4. Imagerie in vivo de l’intensité et des durées de vie de fluorescence de la KHD 161
IV.4. CONCLUSIONS ET PERSPECTIVES.
CONCLUSION GENERALE
REFERENCES
LISTE DE PUBLICATIONS ET DES COMMUNICATIONS A CONFERENCES

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