Modèle couplant la dynamique du vent et le mouvement ducouvert végétal

Modèle couplant la dynamique du vent et le mouvement du couvert végétal

Présentation du modèle couplé

Modèle du couvert végétal

Les plantes de culture sont classiquement modélisées comme des oscillateurs mécaniques, voir par exemple Flesch & Grant (1991); Spatz & Speck (2002); Farquhar et al. (2003); Doaré et al. (2004). Les essais vibratoires menés ici sur les plantes de blé et de luzerne, voir section 2.3 et Fig. 2.11(b), ont confirmé qu’un tel modèle permettait en effet de représenter l’essentiel de la dynamique de la plante. Le modèle de couvert végétal considéré ici est donc constitué d’une rangée infinie d’oscillateurs mécaniques identiques, alignée avec la direction principale du vent U, voir Figure 3.1. Le mouvement de chaque oscillateur j est décrit par e déplacement horizontal Xj (y, t) = χ(y) Qj (t) ex, (3.1) o`u χ est une déformée modale et Qj le déplacement généralisé correspondant. Ici, seul le mode fondamental de vibration est considéré, avec une déformée modale linéaire simplifiée χ = y/h. L’inertie de chaque plante est prise en compte à travers la masse modale, m, définie par m = h 0 ml(y)χ2 dy, (3.2) o`u ml est la masse linéique mesurée par segments le long de la tige, voir Fig. 2.11(c). La raideur modale en flexion de la tige, notée r, est ensuite définie comme r = (2π) 2 mf0 2 , (3.3) o`u f0 est la fréquence propre de vibration. On néglige dans ce modèle l’amortissement des oscillateurs car la dissipation n’est pas supposée jouer un rˆole dans le mécanisme inviscide de l’instabilité. Suivant le modèle de Doaré et al. (2004), des interactions élastiques sont considérées entre oscillateurs pour tenir compte des contacts entre plantes voisines, voir Figure 3.1. Considérant l’action des oscillateurs voisins, l’équilibre dynamique d’un oscillateur j en régime libre sécrit alors m d2 Qj dt2 + rQj − a˜ [(Qj−1 − Qj ) − (Qj − Qj+1)] = 0, (3.4) o`u ˜a est une raideur d’interaction. Toujours suivant Doaré et al. (2004), si l’on considère maintenant que l’espacement l entre plantes est faible, on peut identifier le terme d’interaction comme la forme discrète de la dérivée seconde en espace du déplacement Q. Par conséquent, l’équation dynamique discrète du couvert végétal peut s’écrire sous la forme d’une équation d’onde régissant le mouvement d’un milieu continu équivalent : m ∂2Q ∂t2 + rQ − a ∂2Q ∂x2 = 0, (3.5) o`u a = ˜al2 est la raideur d’interaction désormais considérée, et o`u le déplacement Q est maintenant une fonction continue du temps et de l’espace. Le mouvement du couvert végétal résulte d’une force de traînée locale agissant sur la surface équivalente de chaque plante. Celle-ci dépend de la vitesse effective du vent perçue par la plante, c’est à dire la différence entre la vitesse locale du vent U et la vitesse de déplacement de la plante X˙ = ∂X/∂t. La force de traînée est projetée sur la déformée modale χ (Blevins, 1990). On suppose la traînée uniforme sur toute la hauteur de la plante, et seule sa composante longitudinale 

Paramètres du modèle

Pour mener une analyse réaliste du couplage vent / couvert, on utilise pour les différents paramètres du modèle des valeurs expérimentales, correspondant aux propriétés des cultures utilisées dans les expériences pour le modèle du couvert végétal, et tirées de la bibliographie en ce qui concerne les propriétés du profil de vent. Pour le couvert végétal, la masse modale m et la raideur modale r sont calculées respectivement à l’aide des équations (3.2) et (3.3) à partir des valeurs de la distribution de masse, de la hauteur et de la fréquence propre mesurées sur les plantes de culture en section 2.3. La raideur d’interaction, a, peut ˆetre estimée expérimentalement à partir de tests de lˆachers implicant un choc entre deux plantes, voir Doaré et al. (2004). On utilise ici la valeur de la raideur d’interaction dérivée des expériences de Doaré et al. (2004) sur des plantes de luzerne cultivées en serre. On verra que ce paramètre a en fait peu d’importance dans l’analyse qui suit. En ce qui concerne la force de traînée, on fixe le coefficient de traînée C égal a 1, et on estime la valeur du diam` ` etre effectif D a pa ` rtir de la déflection statique de la tige sous un chargement de vent donné : X(y) = ρCDU2h 4r χ(y). (3.20) Pour une vitesse moyenne du vent de U = 3 ms−1, on peut considérer qu’une tige de luzerne a une déflection statique en haut de tige d’environ 10 cm, et une tige de blé d’environ 5 cm, d’o`u les valeurs de D données dans le Tableau 3.1. Les profils de vent moyens fournis par Raupach et al. (1996) ou Finnigan (2000) présentent des gradients de vitesse, ∆U, de l’ordre de grandeur de la vitesse moyenne U. On considère donc ici un paramètre de cisaillement R = ∆U/2U égal a 0 ` .5. La longueur de cisaillement, Ls = U(h)/U (h), caractérisant le cisaillement du vent au niveau du sommet du couvert, est typiquement de l’ordre de Ls = 0.5h, voir (Raupach et al., 1996). Dans le cas du profil en ligne brisée considéré ici, on a Ls = δ/2R, voir Eqs. (1.1) et (1.2). On prendra donc pour épaisseur de vorticité du modèle δ = Rh. Les valeurs des paramètres du modèle, ainsi estimées, sont données dans le Tableau 3.1 pour les couverts de blé et de luzerne. Sauf quand spécifié, on prendra comme référence pour l’étude du modèle les valeurs correspondant à la luzerne. 

Analyse de stabilité temporelle

 Une analyse de stabilité temporelle linéaire consiste à étudier l’évolution temporelle de perturbations prises sous forme d’ondes (3.13) introduites autour de l’état de base. Dans n’importe quel système physique, ces perturbations sont naturellement présentes sous forme de bruit. Si les perturbations croissent au cours du temps, le système s’écarte de plus en plus de son état de base, et ce dernier est dit instable aux temps longs. On cherche notamment quelle perturbation spatiale a le taux de croissance le plus fort, puisque celle-ci domine à terme l’instabilité. Voir par exemple Drazin & Reid (1981) pour plus de détails sur les instabilités. On analyse donc la stabilité temporelle d’ondes propagatives dans l’écoulement du vent et le mouvement du couvert en calculant numériquement la fréquence complexe ω associée à un nombre d’onde donné réel k a` travers la relation de dispersion (3.14). Quatre solutions ω(k), appelées classiquement branches temporelles, vérifient la relation de dispersion (3.14). Pour un nombre d’onde k donné, la partie imaginaire de ω, notée ωi, correspond au taux de croissance de l’onde, et la partie réelle, notée ωr, à sa fréquence temporelle. Seule la branche temporelle présentant le taux de croissance le plus élevé, c’est à dire la branche la plus instable, est considérée en premier lieu. Celle-ci est illustrée sur la Figure 3.2 ∗.

Nature de l’instabilité 

On cherche l’origine de l’instabilité couplée en faisant varier le coefficient de traînée de couplage C et la hauteur du couvert h¯. Quand on décroît C, la branche la plus instable ωi(k) se déforme, et pour C =0elle se confond avec la branche instable de l’instabilité de Kelvin-Helmholtz en milieu borné, solution de Df luide(k, ω) = 0, voir Fig. 3.2(a). Puis en faisant tendre vers l’infini la hauteur adimensionnelle du couvert h¯ = h/δ, on recouvre la branche temporelle de KelvinHelmholtz pour un profil en ligne brisée dans un milieu infini, avec le nombre d’onde le plus amplifié à kmax = 0.8 (Huerre & Rossi, 1998). Par conséquent, la branche instable du modèle couplé dérive de la branche instable de Kelvin-Helmholtz. Cela montre que l’instabilité de couche de mélange reste le mécanisme principal d’instabilité au sein des couverts végétaux quand les dynamiques du vent et du couvert sont couplées. Ce résultat est en accord avec les résultats expérimentaux sur le vent et la théorie proposée par Raupach et al. (1996). La longueur d’onde de l’instabilité est donc régie par l’épaisseur de vorticité δ du profil de vent moyen, comme trouvé expérimentalement par Raupach et al. (1996) sur les mesures de vent.

 Effet du couplage

Nous avons montré que le modèle couplé est régi par une instabilité de type Kelvin-Helmholtz. Cependant, comme la branche la plus instable issue de (3.14) est déformée quand on fait varier le coefficient de traînée C, les propriétés de l’instabilité sont modifiées par la prise en compte du mouvement du couvert. On analyse ici quel est l’impact du couplage sur l’instablité résultante. Tout d’abord, le couplage induit une diminution du taux de croissance ωi(k), et en particulier du taux de croissance maximal ωmax i , voir Fig. 3.2(a) : les effets dissipatifs sont en effet connus pour ˆetre stabilisant dans les couches de mélange (Panton, 1996). Le couplage fait également varier le nombre d’onde kmax menant au taux de croissance le plus élevé, Fig. 3.2(a) : kmax décroît ici d’environ 15%. Cette diminution de kmax avec le couplage est associée à une diminution de la fréquence temporelle associée ωmax r = ωr(kmax), voir Fig 3.2(b) et (c). La fréquence dominante de l’instabilité couplée est donc plus petite que la fréquence qui serait prédite si seule la stabilité du profil de vent était considérée. Enfin, le pic de la branche ωi(k) est plus étroit pour le modèle couplé que pour le cas découplé, voir Fig. 3.2(a). L’instabilité est donc plus sélective en terme de nombres d’onde quand les dynamiques du fluide et du solide sont couplées (ceci sera étudié plus en détail Figures 3.5(c) et 3.6). Pour résumer, l’analyse de stabilité temporelle du modèle couplé fluide structure a montré que le vent et le mouvement du couvert sont régis par une instabilité de couche de mélange modifiée. La prise en compte de la dynamique des plantes par l’effet de la force de traînée modifie les propriétés de l’instabilité. Pour essayer de comprendre comment le mouvement du couvert peut influencer le mécanisme de Kelvin-Helmholtz, on étudie dans la section suivante l’effet des propriétés mécaniques du couvert sur l’instabilité couplée. 

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