Modèle de spécification et incertitudes

Modèle de spécification et incertitudes

La définition de la conformité du produit diffère suivant l’acteur du cycle de vie du produit : pour le métrologue, une pièce est conforme si, à l’issue de la métrologie, les spécifications sont respectées. Pour le concepteur, un produit est conforme si l’ensemble des exigences fonctionnelles est respecté. Pour le client, le produit est conforme s’il répond à ses besoins. C’est cette dernière notion qui devrait être universelle : un produit est fabriqué pour satisfaire les besoins du client. Considérant cela, une question s’impose : comment décider qu’un produit est conforme ou non ? La réponse n’est pas si simple car la prise de décision relative au contrôle de conformité est entachée d’incertitudes (Figure 4-1): Figure 4-1- Les incertitudes, du besoin du client, à la vérification géométrique Afin de proposer un produit conforme aux besoins du client, le concepteur formalise les exigences du client et les retranscrit en exigences fonctionnelles. Les besoins du client peuvent être des notions relativement subjectives (Exemple : le produit doit être silencieux). De cette information, le concepteur doit formuler des exigences fonctionnelles qui, si elles sont respectées, assurent le Contrôle de conformité ? Intentions du concepteur Spécification Inspection Incertitudes De corrélation Incertitudes De spécification Incertitudes De mesures Exigences fonctionnelles Caractéristiques spécifiées Valeurs de Caractéristiques mesurées Incertitudes totales selon ISO/TS 17450-2 Besoin du client Exigences client Incertitudes De corrélation Incertitudes totales le long du cycle de vie du produit Modèle de spécification et incertitudes Modèles et outils d’analyse des variabilités en phase de conception des produits à denture 122 respect des besoins du client. Dans certains cas, même si les exigences sont respectées, elles ne garantissent pas la satisfaction des besoins du client. De plus, la détermination des exigences fonctionnelles d’un futur produit peut varier d’un concepteur à l’autre, d’une entreprise à l’autre. La qualification et la quantification des exigences fonctionnelles fait intervenir des notions subjectives, des imprécisions (méconnaissances phénoménologiques, limites de la modélisation,…), et sont donc entachées d’incertitudes. Les incertitudes relatives aux passages des intentions du concepteur à la vérification de la conformité du produit sont définies par la norme [ISO TS 17450-2] sous le nom d’incertitudes totales (Figure 4-1). La norme propose une définition et un exemple pour chaque type d’incertitude :  Les incertitudes de corrélation (notion évoquée dans le chapitre 1) caractérisent le fait que la fonctionnalité attendue du produit et les caractéristiques spécifiées ne sont pas parfaitement corrélées. L’exemple donné par la norme ISO TS 17450-2 permet d’illustrer ce type d’incertitudes. Considérons l’arbre d’une pompe rotative, et plus particulièrement la capacité de cet arbre à respecter l’exigence fonctionnelle EF1 suivante : EF1= {L’arbre doit être capable de tourner dans l’alésage du carter de la pompe, muni d’un joint d’étanchéité, pendant 2000 heures sans qu’il n’y ait de fuite}. Afin que cette exigence soit garantie, le concepteur décide de mettre une spécification dimensionnelle sur cet arbre ainsi qu’une condition sur l’état de surface et son protocole de mesurage. Le diamètre da de l’arbre doit satisfaire la spécification da=30 h7 et la rugosité Ra=1.5 μm mesurée avec un filtre de 2.5 mm. L’incertitude de corrélation provient de cette spécification : si l’arbre issu de la production vérifie cette spécification, alors EF1 est garantie, et si elle ne l’est pas, alors EF1 ne l’est pas non plus. Or, cette causalité n’est pas toujours effective. En effet la relation entre le débit de fuite de l’arbre en fonction du temps et les caractéristiques de l’arbre (dont seules deux caractéristiques géométriques ont été prises en comptes) n’est pas à priori une relation directe étant donné la complexité du problème. La spécification proposée peut être en partie remise en cause. Nous pouvons reformuler cette définition des incertitudes de corrélation en s’appuyant sur cette notion de causalité : il y a des incertitudes de corrélation entre les exigences Modèles et outils d’analyse des variabilités en phase de conception des produits à denture 123 fonctionnelles et les caractéristiques spécifiées si la double causalité suivante est fausse :  Si le produit vérifie l’ensemble des spécifications alors les exigences fonctionnelles sont garanties et réciproquement.  Si le produit ne vérifie pas l’ensemble des spécifications, alors les exigences fonctionnelles ne sont pas garanties et réciproquement.  Les incertitudes de spécification traduisent le fait que l’expression d’une spécification est ambigüe. Dans ce cas, l’interprétation et la lecture d’une spécification peut différer d’un métrologue ou d’un concepteur à l’autre. Pour illustrer ce type d’incertitudes, la norme ISO TS 17450-2 propose l’exemple qui suit. Une incertitude de spécification sur une caractéristique spécifiée de 0.1 30 mm sur laquelle la spécification ne précise pas quel critère d’association doit être utilisé, est obtenue par l’ensemble des valeurs prises en utilisant les différents critères d’association. Les incertitudes de spécification dépendent entre autres de la clarté de son expression, de sa complétude, de l’interprétation qu’en fait le métrologue, le concepteur.  Les incertitudes de mesures, les plus connues de toutes, considérées par les métrologues, incluent toute cause de variation, de la spécification géométrique, au résultat du contrôle. 

Tolérancement statistique des erreurs cinématiques – Métrologie cinématique virtuelle

Métrologies dans le cas des engrenages

Comme vu au chapitre 1, il existe deux types de métrologie dans le cas des engrenages :  une métrologie dimensionnelle et géométrique qui permet de vérifier le respect des tolérances géométriques d’un engrenage. Les normes proposent des stratégies et moyens de métrologie bien spécifiques pour l’inspection des engrenages. Certains des défauts géométriques évalués permettent d’établir un lien avec les défauts des procédés classique de taillage des engrenages. Pour de nombreux écarts géométriques (notamment les écarts de situation entre différents éléments géométriques), la spécification associée s’apparente à la spécification dimensionnelle. Les stratégies associées ont l’avantage de fournir une estimation des caractéristiques mesurées qui soit rapide, ce qui est bien entendu demandé dans le secteur de l’industrie. Néanmoins certaines de ces stratégies de métrologie sont relativement sensibles aux incertitudes de mesures. Dans ses travaux Guenther [Guenther 2006] propose de modifier la stratégie de mesure sans modifier la caractéristique mesurée afin de réduire l’influence des incertitudes de mesures sur la caractéristique mesurée.  Une métrologie cinématique des engrenages. Elle permet l’estimation de l’erreur cinématique sans charge d’un pignon fabriqué entrainé avec un pignon étalon. Cette évaluation est plus fonctionnelle que la précédente car les caractéristiques cinématiques sont mesurées lors de l’engrènement, plus proche des conditions Modèles et outils d’analyse des variabilités en phase de conception des produits à denture 125 d’utilisation de l’engrenage. Par contre, d’après la norme, l’engrènement avec pignon étalon permet d’isoler les défauts cinématiques d’engrènement du pignon à contrôler. Il est important de noter que cette métrologie ne reproduit pas exactement les conditions de fonctionnement d’un engrenage : les mesures sont faites sans charges, les défauts d’assemblage (écarts de situation entre les axes) sont ceux de la machine à mesurer qui généralement sont très faibles devant les défauts du pignon à contrôler. De plus celui-ci engrène avec un pignon étalon (4 classes ISO inférieures au moins). Dans la pratique, les pignons d’un train d’engrenage d’un système mécanique sont de qualités équivalentes, ou très proches. La métrologie cinématique offre donc une évaluation plus fonctionnelle de l’engrenage que la métrologie géométrique. Afin d’apprécier plus précisément la pertinence de cette métrologie cinématique, nous proposons dans le paragraphe suivant de comparer les informations résultants de la métrologie cinématique de deux pignons et le comportement cinématique de ces deux pignons.

Les caractéristiques cinématiques spécifiées

Dans le cas des engrenages, les caractéristiques cinématiques sont nombreuses [ANSI/AGMA 2009- B01]. Il est communément admis que l’erreur de transmission est une source d’excitation vibratoire dominante pour le cas des transmissions fermées [Driot 2001] et plus particulièrement attribuée à :  l’écart dent à dent (analogue à l’écart de saut tangentiel f’i défini dans les normes). Cet écart cinématique est lié à l’erreur consécutive de pas (fu) : il correspond à une avance ou à un retard sur la courbe d’engrènement.  l’amplitude de l’erreur cinématique (Figure 1-6) (analogue à l’écart total composé tangentiel F’i défini dans les normes). Cet écart cinématique est lié à l’erreur cumulée de pas sur la totalité du pignon. Une métrologie cinématique virtuelle a été réalisée sur deux pignons n’incluant que des erreurs de pas (sans défaut de forme). Le Tableau 4-1 précise les erreurs de pas des deux pignons. Les résultats de cette métrologie cinématique virtuelle sont notés , ‘ , k j i f (k étant l’indice de la dent et j l’indice du pignon). Modèles et outils d’analyse des variabilités en phase de conception des produits à denture 126 Tableau 4-1- Valeur des erreurs individuelles de pas pour le pignon et la roue (en radian) La relation habituellement utilisée pour caractériser le comportement cinématique de l’engrènement de ces deux pignons est l’accumulation des erreurs cinématiques : 1 2 ‘ ‘ ‘ , , k k k i i i f f f   Afin d’appréhender la pertinence de celle-ci, une simulation d’engrènement des deux pignons a été effectuée, ainsi qu’une comparaison. Le Tableau 4-2 synthétise les résultats de cette comparaison. Tableau 4-2- Comparaison des écart dent à dent mesurés et calculés Nous pouvons remarquer que l’erreur commise est très faible. Cette même démarche à été menée en incluant des défauts de formes, l’erreur maximale est de 5.55%.

Tolérancement statistique des caractéristiques cinématiques

La relation entre la géométrie des roues qui engrènent et leur erreur cinématique n’est pas explicite. Le phénomène d’engrènement est complexe et connaissant les défauts géométriques des engrenages, la prédiction de l’erreur d’engrènement est quasi impossible sans l’utilisation d’un appareillage de mesure approprié ou sans l’utilisation de la simulation numérique basée sur un modèle de comportement cinématique de l’engrenage reposant sur la géométrie de celui-ci. Le seul résultat d’engrènement (issu de la simulation, ou d’une métrologie cinématique) est insuffisant. En effet, la métrologie cinématique n’est pas assez pertinente pour prédire le comportement d’un pignon 1 étant donné la méconnaissance du pignon 2 engrenant avec lui. Cette méconnaissance dent peut être modélisée de façon aléatoire. La connaissance de l’effet systématique d’un phénomène permet de l’inclure dans le modèle qui cherche à décrire le réel. Par contre, la méconnaissance de ce phénomène peut être modélisée par un effet aléatoire. Les statistiques permettent de «modéliser l’ignorance». Ces effets participent à la signature du résultat fourni par le modèle. Tout procédé ou processus modifie son milieu environnant par une interaction multiple. La signature est la manifestation de cette interaction sous forme d’effets physiques. La signature originelle est propagée par le milieu (amplifiée, atténuée ou perturbée) pour donner la signature disponible sur le phénomène observé. Les origines de cette signature sont diverses (imperfections des procédés de fabrication, métrologie, etc.) Dans cet esprit, les écarts géométriques du pignon 2 sont modélisés par un vecteur aléatoire. Ainsi nous proposons deux nouvelles caractéristiques spécifiées : la distribution de probabilité des caractéristiques cinématiques (amplitude de l’erreur cinématique (analogue à l’écart total composé tangentiel F’i défini dans les normes), et la distribution de probabilité de l’écart dent à dent (analogue à l’écart de saut tangentiel f’i défini dans les normes). Ces caractéristiques sont obtenues en effectuant une métrologie cinématique virtuelle et statistique d’un pignon : l’estimation de cette caractéristique fait appel à un processus stochastique basé sur l’estimation de l’erreur cinématique d’engrènement virtuelle. La section suivante propose une démarche pour l’estimation de ces caractéristiques spécifiées. 

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