Modèles de coopération renforcée

Modèles de coopération renforcée

L’échange de renseignements est une condition nécessaire à la coopération interinstitutionnelle dans la lutte contre la criminalité financière. Toutefois, certains pays peuvent aller plus loin et élaborer des modèles opérationnels qui optimisent l’utilisation des passerelles. Plusieurs pays ont ainsi mis en place des modèles de coopération renforcée qui permettent aux organismes de coopérer à leur avantage mutuel. Ces modèles ne doivent pas être appréhendés séparément, mais en tant qu’éléments d’une stratégie d’ensemble cohérente qui oriente toutes les parties prenantes vers un objectif commun. Les organismes peuvent organiser leur coopération selon les modalités les plus diverses et les pays devraient envisager des méthodes novatrices à partir de l’analyse de leurs propres besoins et expériences, mais le rapport identifie un certain nombre de modèles principaux, à savoir : • Équipes communes d’enquête : ces équipes permettent aux organismes partageant un intérêt commun de travailler ensemble lors d’une enquête. Outre l’échange de renseignements, l’équipe d’enquête peut puiser dans un large vivier de compétences et d’expériences de membres ayant une formation et un parcours différents. Des enquêtes communes peuvent éviter les doublons générés par des enquêtes parallèles, et améliorer l’efficacité en permettant aux agents de chaque organisme de concentrer leurs efforts sur différents aspects de l’enquête, en fonction de leur expérience et des pouvoirs juridiques dont ils sont investis. Dans certains cas, les passerelles pour l’échange de renseignements sont plus larges lorsque les organismes participent à une enquête commune que dans d’autres circonstances. Parmi les pays qui ont recours à ces stratégies figurent l’Afrique du Sud, l’Australie, l’Autriche, le Canada, le Danemark, les États-Unis, la Finlande, l’Inde, le Japon, le Luxembourg, les Pays-Bas, le Portugal, la Slovénie et la Turquie. • Centres de renseignement interinstitutionnels : ils sont généralement chargés de centraliser les processus de collecte et d’analyse de renseignements pour un certain nombre d’organismes. Ils peuvent se consacrer à une zone géographique spécifique ou à un certain type d’activité criminelle, ou jouer un rôle plus large dans l’échange de renseignements. Ces centres mènent des analyses en s’appuyant sur des recherches directes et sur les renseignements obtenus des organismes. Dans certains cas, ils se procurent des données par le biais des passerelles que peuvent utiliser les organismes participants, alors que dans d’autres ils sont dotés de pouvoirs spécifiques de collecte de renseignements. En centralisant ces activités, les responsables du centre se familiarisent avec certaines questions juridiques et pratiques, et ils peuvent mettre en place des systèmes spécialisés qui augmentent leur  efficacité. Cette centralisation est également synonyme d’économies, car les coûts de collecte, traitement et analyse des données peuvent être partagés entre organismes participants. Parmi les pays qui optent pour ces stratégies figurent l’Australie, les États-Unis, la Finlande, l’Inde, les Pays-Bas et la Suède. • Détachement de personnel : il s’agit d’un moyen efficace d’assurer un transfert de compétences, tout en permettant aux agents de nouer des contacts avec leurs homologues dans un autre organisme. Les agents détachés mettent en commun leurs compétences, leur expérience et leurs connaissances spécialisées, tout en participant directement aux travaux menés par l’organisme qui les accueille. D’après les pays concernés, ces accords sont particulièrement propices à la coopération interinstitutionnelle, en encourageant les agents à s’engager plus activement auprès de leurs homologues d’autres organismes et en améliorant l’efficacité de la coopération en cours. Parmi les pays qui utilisent ces stratégies figurent l’Australie, la Belgique, le Canada, la Corée, l’Espagne, les États-Unis, la Finlande, la France, l’Irlande, l’Italie, le Japon, la Norvège, les Pays-Bas et le Royaume-Uni. • Autres modèles : les autres stratégies employées incluent l’utilisation de bases de données partagées, la diffusion d’outils de renseignement stratégiques de type bulletin d’information et notes de renseignement, des comités conjoints chargés de coordonner l’action dans des domaines de responsabilité commune, et les réunions et sessions de formation interinstitutionnelles destinées à échanger des renseignements sur les tendances en matière de criminalité financière, fournir des orientations sur les techniques d’enquête et présenter les meilleures pratiques de gestion des cas. Parmi les pays qui appliquent ces stratégies figurent l’Afrique du Sud, l’Australie, l’Autriche, le Canada, les États-Unis, la Finlande, l’Inde, l’Irlande, l’Italie, le Japon, le Luxembourg, la Nouvelle-Zélande, les Pays-Bas, la République slovaque, la République tchèque et la Turquie.

Recommandations

L’approche gouvernementale intégrée pour lutter contre la criminalité financière implique de reconnaître que les différents organismes ne peuvent pas agir isolément les uns des autres. Les responsables de ces organismes, y compris l’administration fiscale, l’administration des douanes, la cellule de renseignement financier, la police et les autorités répressives spécialistes du droit pénal, le ministère public et l’autorité de réglementation financière, savent que les connaissances et compétences requises pour combattre la délinquance financière sont souvent réparties entre chacun de ces organismes. Les obstacles à une coopération interinstitutionnelle efficace empêchent les organismes chargés de la lutte contre la criminalité financière de tirer parti de ces connaissances et compétences. Ces obstacles relèvent de trois grandes catégories : juridiques, opérationnels et politiques. Les obstacles juridiques comprennent les restrictions et interdictions qui empêchent un organisme d’avoir accès aux renseignements pertinents. Les obstacles opérationnels recouvrent les procédures longues et complexes qu’il faut suivre pour se procurer des renseignements auprès d’un autre organisme, l’ignorance de l’existence de renseignements ou d’autres mécanismes de coopération, ou le manque de formation spécialisée qui réduit l’efficacité des passerelles existantes. Les obstacles politiques font référence à l’absence de soutien pour que les organismes adoptent une approche gouvernementale intégrée ou procèdent aux changements nécessaires pour supprimer ou atténuer les obstacles juridiques et opérationnels. Les pays doivent définir leurs stratégies en s’inscrivant dans le contexte plus large de leur système juridique comme de leurs pratiques et culture administratives. Il incombe à chaque pays de choisir l’angle d’approche des questions abordées dans ce rapport et de décider des stratégies les mieux adaptées et les plus cohérentes au regard de ses propres règles et de son cadre d’action. Dans ce contexte, le présent rapport adresse aux pays les recommandations suivantes : 1. Revoir leurs modèles d’échange de renseignements entre différents organismes, notamment en ce qui concerne : • la capacité de l’administration fiscale d’échanger des renseignements avec des organismes tels que la police et la cellule de renseignement financier ; • la possibilité d’imposer à l’administration fiscale l’obligation de signaler à l’autorité répressive compétente ou à la cellule de renseignement financier des preuves d’infraction grave, des présomptions d’activités de blanchiment de capitaux ou de financement du terrorisme, et d’échanger des informations utiles aux enquêtes relatives à ces infractions ou activités ; et • la capacité d’un organisme qui détient des renseignements pertinents pour l’administration et le calcul des impôts de les communiquer à l’administration fiscale. Cela vaut en particulier pour les renseignements contenus dans les déclarations de transactions suspectes. L’administration fiscale devrait pouvoir accéder à ces renseignements directement ou par échange spontané, selon le cas. En cas d’échange spontané, la cellule de renseignement financier doit disposer d’agents formés et rompus à la détection de fraudes fiscales potentielles. 2. Réexaminer les modèles de coopération renforcée décrits dans le présent rapport en vue de les adopter et de les adapter, ainsi que d’élaborer des modèles novateurs fondés sur leurs besoins, cadre juridique et expérience spécifiques. Ils devraient également réfléchir aux moyens d’augmenter l’efficacité des processus de coopération au sein des cadres existants. 3. Passer en revue les exemples de bonnes pratiques présentés dans ce rapport, en vue d’adopter des pratiques similaires en tenant compte de leurs besoins, cadre juridique et expérience spécifiques. Si une bonne pratique est incompatible avec le cadre juridique d’un pays, il lui faut envisager d’autres méthodes pouvant procurer des avantages comparables. 4. Évaluer la capacité juridique et opérationnelle de l’administration fiscale de prendre part aux enquêtes relatives à des infractions fiscales qui sont menées par d’autres organismes. Les pays doivent examiner les moyens de lever les obstacles potentiels et envisager de demander aux responsables des services fiscaux de s’impliquer davantage dans les enquêtes, en tenant compte des particularités des différents modèles d’organisation décrits dans le rapport. 5. Évaluer périodiquement leurs mécanismes de coopération. Cette évaluation doit être éclairée par l’expérience des agents directement impliqués dans cette coopération, ainsi que par une analyse objective des résultats des modèles de coopération interinstitutionnelle mis en œuvre.

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