Motivations et choix du système Mn-Ge

Motivations et choix du système Mn-Ge

Nous avons introduit jusqu’ici, les principaux phénomènes de la diffusion réactive ainsi que les notions de base de la spintronique. Certaines difficultés se présentent face à l’injection/détection de spin dans les semiconducteurs du groupe IV (silicium, germanium), notamment la réaction d’interface. Néanmoins, les semiconducteurs Si-Ge présentent plusieurs avantages par rapport aux autres semiconducteurs tels que leur compatibilité avec les technologies utilisées dans la microélectronique actuelle, et aussi les durées de vie de polarisation assez longues [72]. Bien que le Ge soit moins utilisé que le Si en microélectronique, il possède une mobilité des électrons deux fois supérieure à celle dans le Si et une mobilité des trous quatre fois plus élevées. De plus, certaines expériences montrent que le Ge est un candidat potentiel pour des applications magnétiques : en effet plusieurs phases du système Mn-Si montrent des états antiferromagnétiques ou non ferromagnétiques (Mn5Si3, Mn5Si2 [73,74]), alors que certains composés du système Mn-Ge sont ferromagnétiques ou ferrimagnétiques (Mn5Ge3, Mn5Ge2 [75]). De plus, il a été démontré que la structure de bande induite par le dopage de Mn dans le Ge, le Si et les alliages Si-Ge [76,77] montrent qu’un environnement riche en Ge autour des atomes de Mn induit un comportement semi-métallique, mais pas pour un environnement riche en Si, comportement qui permet une polarisation en spin de 100%. Par conséquent, les germaniures s’avèrent plus intéressants pour avoir un taux de polarisation en spin important dans les phases (germaniures de manganèse), et ensuite une efficacité d’injection dans le semiconducteur (Ge), ce dernier étant compatible avec la technologie CMOS [78]. De plus, il a été montré que des semiconducteurs magnétiques dilués (DMS), à base de MnxGe1-x avaient des propriétés ferromagnétiques intéressantes [79,80], avec une résistance électrique presque nulle au niveau de l’interface Ge/MnxGe1-x, ce qui pourrait présenter un Motivations et choix du système Mn-Ge Chapitre I : Généralités sur l’électronique de spin et la diffusion réactive 31 -31- avantage important pour des applications en spintronique. Mais étant donné que la solubilité du Mn dans le Ge est faible [81], l’incorporation au-delà de la solubilité engendre une instabilité du système, provoquant la précipitation de certaines phases Mn-Ge. Même pendant la croissance du DMS, le système peut être hors équilibre, et des précipités, des agrégats ou des alliages riches en Mn peuvent apparaître [82]. Des nano-colonnes de Ge riches en Mn ont été aussi observées par Jamet et al. [83], avec une température de Curie qui peut atteindre 420 K (147°C). Toutefois, ce système métastable peut se transformer en une structure avec des clusters de Mn-Ge lors d’un recuit thermique. La recherche d’un germaniure ayant une température de curie TC proche de la température ambiante, nous mène à Mn5Ge3. Ce composé a été souvent observé sous forme de précipités (clusters) [84], lors de la formation de DMS MnxGe1-x à concentration élevée de Mn et relativement haute température de croissance. En outre, il a été montré qu’il est possible de réaliser des films minces de Mn5Ge3 sur Ge(111) [85,86]. Il est à noter qu’un certain nombre de conditions doivent être satisfaites pour qu’il y ait une injection de spin efficace : i) Des conductivités proches entre le métal ferromagnétique et le semiconducteur (« conductivity matching »). ii) Une très faible réactivité d’interface entre les deux matériaux. iii) La possibilité de croître en épitaxie du M-FM sur le semiconducteur. Mn5Ge3 présente aussi un comportement très proche du comportement semi-métallique des alliages Heusler [87,88]. D’autres résultats théoriques et mesures résolues en spin, utilisant la technique « Point Contact Andreev Reflection » (PCAR) [89] ont montré que la phase Mn5Ge3 possède une polarisation en spin entre 43 et 54%. D’autres phases du système Mn-Ge présentent différentes propriétés magnétiques et structurales, pour cela nous allons présenter le diagramme de phase correspondant à ce système, ainsi que certaines propriétés des phases que contient ce diagramme. 

Diagramme de phases du système Mn-Ge 

La figure 1.14 représente le diagramme d’équilibre de phases du système binaire Mn–Ge réalisé par Gokhale et al. [90]. Ce diagramme met en présence, les composés qui se forment entre le manganèse et le germanium, à savoir : Mn3,4Ge, Mn5Ge2, Mn7Ge3, Mn2Ge, Mn5Ge3 et Mn11Ge8. Seuls les composés Mn7Ge3 et Mn11Ge8 sont stœchiométriques, et nous remarquons qu’aucune phase stable ne contient une concentration de Mn supérieure à 42%. Chapitre I : Généralités sur l’électronique de spin et la diffusion réactive 32 -32- FIGURE 1.14 Diagramme d’équilibre des phases du système binaire Mn–Ge (d’après [90]). Nous présentons dans la partie suivante quelques propriétés des composés présents dans le diagramme de phases, et notamment ceux que nous étudierons par la suite. 

Propriétés spécifiques des composés 

– Pour une concentration de Mn de 100%, le diagramme de phases présente quatre phases : i) -Mn de structure cubique complexe (58 atomes) et de paramètre de maille a = 891 pm. La complexité de cette structure est expliquée dans la littérature comme étant due à une « compétition » entre la règle de Hund qui tend à maximiser le moment total de spin et l’hybridation des orbitales qui va dans le sens opposé [91]. Cette structure est stable jusqu’à 727°C. ii) Au-delà de cette température, il y a une transition allotropique et formation de la phase , de structure cubique et de paramètre de maille a = 631 pm [92], cette Chapitre I : Généralités sur l’électronique de spin et la diffusion réactive 33 -33- phase possède un magnétisme de type antiferromagnétique colinéaire [93], et est stable jusqu’à 1100°C. iii) Au-delà de cette température, il y a une formation de la phase , de structure cubique face centrée (fcc), et de paramètre de maille a = 386 pm, elle est stable jusqu’à 1138°C. iv) Au-delà de cette température et jusqu’au point de fusion (T = 1246°C), une nouvelle phase se forme. Il s’agit de la phase , de structure cubique centré (bcc), et de paramètre de maille a = 308 pm [94]. Le caractère ferromagnétique présent dans les germaniures de manganèse est dû à la présence de Mn. Par rapport aux autres éléments magnétiques, le Mn est le seul à permettre à la fois un ordre ferromagnétique et un moment magnétique par atome de Mn relativement important lorsqu’il est introduit en tant qu’impureté dans le Ge (de l’ordre de 3 B/Mn [95]). Le Mn est un métal de transition de la colonne VII de configuration électronique [Ar]3d5 4s2 lorsqu’il est isolé. Son orbitale 3d est à moitié pleine (3d5 ), les cinq électrons de cette orbitale ayant, selon la règle de Hund, des spins parallèles. Ces électrons donnent au Mn un spin de 5/2 le maximum qu’un métal de transition peut avoir. L’atome isolé de Mn a alors, un moment magnétique de 5 B. Maintenant, regardons les différentes phases qui se forment entre Mn et Ge. – Mn3,4Ge-( 1) : c’est la phase la plus riche en Mn (77%), sa structure est de type tétragonal face centrée [94], ce composé est ferrimagnétique [96], avec une température de Curie TC = 580°C. Cette phase présente une transition allotropique comme indiqué dans la figure 1.14, et au dessus de 680°C on a Mn3,4Ge-( ) également notée Mn3Ge, phase ferromagnétique avec une température de Curie TC = 92°C [96]. – Mn5Ge2-( ) : ce composé n’apparait qu’à haute température [97], il est composé de deux phases : Mn5.11Ge2 [98] et Mn5Ge2 [99], et présente un ordre antiferromagnétique, avec une concentration de 71% en Mn. – Mn7Ge3-(
) : phase stable à basse température (70% de Mn), elle se décompose en deux phases Mn5Ge3 et Mn5Ge2 à 690°C. Sa structure cristalline est orthorhombique [100]. L’ordre ferrimagnétique de cette phase disparait à 420°C [94]. Les différents types de Mn dans la maille élémentaire portent des moments de 2,18 B, 2,02 B et -2,96 B. – Mn2Ge-() : (66% en Mn) cette phase n’apparait qu’à température supérieure à 790°C, sa structure de type Ni2In (hP6) présente une décomposition eutectique en Mn5Ge3 et Mn5Ge2.

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